12 février 2017

L’Europe en héritage

Par Richard Dessens

 

Un monde nouveau ne peut s’accommoder d’une nostalgie passée. La nostalgie relève de la sphère privée, personnelle, comme la religion et les souvenirs d’enfance. La vie des sociétés et la politique qui est censée la structurer, sont en perpétuelle mouvance que rien ne peut arrêter. Nous sommes entrés dans un monde nouveau informel et imposé, né de la mondialisation financière et des droits de l’Homme, monde nouveau qu’il est urgent de réorganiser sur des fondements nouveaux avalisés par les peuples. Un monde nouveau à l’initiative des peuples doit succéder à un monde nouveau subi.

La « table rase » chère à nos révolutionnaires du 4 août 1789 et reprise par Eugène Pottier en 1871 dans l’Internationale, s’impose aujourd’hui. Les références partisanes, les luttes passées, les clivages gauche/droite, « le bon vieux temps » ou les « lendemains qui chantent », sont totalement dépassés et ne correspondent plus aux aspirations du « pays réel » dans les territoires de l’Europe.

Nietzsche, dans sa « Seconde considération intempestive », affirme que l’Histoire n’est nécessaire que dans la mesure où elle sert à engendrer l’avenir. C’est cela aussi faire table rase du passé en n’en conservant que son utilité pour façonner un monde nouveau. Vision utilitariste de l’Histoire qui la dépouille de tous ses aspects nostalgiques, pathologiques ou mémoriels. C’est cette vision qui permet de penser autrement et de surpasser tous les vieux clivages stériles.

Au fond, seule la civilisation européenne est fondamentale pour l’avenir. Les peuples européens possèdent l’Europe en héritage et ont le devoir d’en préserver les valeurs. Les partis politiques issus du XIXe siècle, avec le principe des États-Nations, sont moribonds ; leurs références d’un autre temps.

Les nouvelles problématiques sont majoritairement transversales que ce soit au plan des questions de société ou politiques.

Que signifie « gauche » ou « droite » aujourd’hui ? « Extrême gauche » ou « extrême droite » ? Les transfuges sont millions, l’électorat d’une volatilité sans précédent. Les nouveaux points de rupture se situent entre une « guerre de civilisations » et un « dialogue des cultures », même si le débat peut avoir lieu sur ces deux positions ; entre ceux qui défendent la mondialisation comme objectif de vérité et de paix, et ceux qui s’accrochent à la souveraineté des États-Nations. Mais on peut aussi contester la mondialisation et défendre une autre idée d’une Europe des nations régionales unies.

Le spectacle que donne l’Europe montre les ambiguïtés, l’hypocrisie et le mal-être de sa construction, fondée sur les vieux impératifs de l’Après-Guerre. Qu’on en juge : la Hongrie et ses relations souterraines avec la Russie, l’Ukraine à nouveau en guerre civile entre l’est et l’ouest de son territoire, dont le gouvernement corrompu n’est intéressé que par d’éventuelles mannes européennes et une souveraineté de circonstance. La Pologne et l’Autriche qui résistent à la pression de l’Europe. La Grèce, à nouveau sur le départ de la zone euro. Seule l’Allemagne, du fait de sa puissance économique et financière, semble encore à l’écart des soubresauts de toute l’Europe. Quand Madame Merkel va-t-elle se décider à comprendre que l’Allemagne ne peut se contenter d’être la puissance dominante européenne sans en assumer les servitudes ? Il faut s’attendre là aussi à des craquements dans les années qui viennent pour cette Allemagne qui n’assure aucune dépense militaire par exemple – conséquence devenue commode de 1945 –, qui maintient un euro à son seul avantage, qui joue les candides en toutes circonstances. L’Allemagne se moquerait-elle de l’Europe dans une superbe victoire sur son écrasement de 1945 ?

Faisons table rase de tous les passés pour pouvoir construire une Europe fondée sur des critères débarrassés des miasmes passéistes.

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