Clinton, Trump et l’Europe
Vue du continent européen, force est de constater que la prochaine élection présidentielle américaine « Trump énormément », pour sacrifier à un jeu de mots aussi plaisant et facile que révélateur, au fond, de l’incompréhension systématique dont font preuve les hiérarques européens à l’égard du Grand Sam.
Si la victoire d’Hillary Clinton est fortement souhaitée de ce côté-ci de l’Atlantique, celle de Donald Trump n’est cependant pas à exclure trop vite. Alors même que ses conclusions semblent frappées du même biais idéologique, l’un des récents rapports du Conseil européen des relations internationales (ECFR), think-tank pan-européen créé en 2007, tente de jauger les deux scénarios.
Il en ressort, notamment, que Trump comme Clinton sont déterminés à recentrer leur politique sur les affaires intérieures des États-Unis. En dépit de leurs notables divergences de forme et de fond, les deux candidats adoptent, concernant l’Europe, une attitude beaucoup plus circonspecte, ce d’autant que cette dernière continue à vouloir attendre beaucoup de ses relations avec Washington.
« Si Clinton représente une menace moins existentielle pour l’alliance transatlantique, les chefs de gouvernements européens ont cependant tort de considérer que la relation ne va subir aucune transformation si elle accède à la Maison Blanche et que les États-Unis vont continuer d’incarner l’éternel protecteur de l’Europe. Clinton est soumise aux mêmes forces politiques que Trump, ce qui signifie que peu importe celui qui l’emporte, les États-Unis vont très probablement réduire leur soutien militaire à l’Europe », relève l’ECFR.
On voit, ici, les limites d’un exercice diplomatique ayant consisté, durant des décennies, à indexer les relations internationales de l’Union européenne (et de ses États membres) sur les intérêts américains. L’Europe se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins : renforcer un système d’alliances américano-européen déjà hégémonique ou se condamner à en nouer d’autres, hypothèse assez peu vraisemblable – bien que non irréversible –, pour l’heure, compte tenu du glacis idéologique dans lequel Bruxelles et les principales chancelleries européennes tiennent la Russie.
À tout le moins, et parce que tout se monnaye du côté de l’East River, Trump, nouvellement élu ne manquera pas de négocier un meilleur accord pour Washington, « qui reposerait sur une contribution financière de la part des alliés européens en échange du privilège d’être protégé par les États-Unis. En cas de manquement à leurs obligations, les États en question ne bénéficieraient alors plus de cette protection », souligne l’ECFR.
Quant à Clinton, sa « poutinophobie » hystérique, contribuera à entretenir, sinon à durcir l’inimitié que les Européens nourrissent à l’encontre du chef d’État russe, celui-ci n’étant d’ailleurs pas en reste vis-à-vis de celle qu’il accuse personnellement « d’encourager les manifestations de défiance à l’égard de son gouvernement et continue de lui en vouloir jusqu’à ce jour », rappelle encore l’ECFR. En outre, peut-on raisonnablement augurer que l’ancienne Secrétaire d’État ne fera guère preuve de tendresse dans les négociations en cours du futur traité de libre-échange transatlantique (TAFTA).
Mais, finalement, n’assisterait-on pas, là, à une reviviscence de la fameuse « Doctrine Monroe » ? En réactualisant la déclaration énoncée en 1823 par l’ancien président des États-Unis, cela pourrait donner ceci : « à l’égard des […] actuelles […] puissances européennes, […] nous n’interviendrons pas. Mais à l’égard [de notre] gouvernement […] nous ne pourrions considérer aucune intervention d’une puissance européenne […] que comme la manifestation d’une position inamicale à l’égard des États-Unis. »
Avec toutes les préoccupations méthodologiques qui s’imposent – dans la mesure où le géant américain a toujours fait en sorte que les intérêts des autres nations se conjuguent à l’impératif catégorique de ses propres intérêts, convaincu des qualités mélioratives du régime américain pour le reste du monde –, la thèse reste à méditer.
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