17 juillet 2016

Sommet de l’Otan à Varsovie : Ne me quitte pas…

Par Philippe Joutier

 

Non, le véritable enjeu de la réunion des 28 pays membres de l’OTAN, à Varsovie les 8 et 9 juillet, n’était pas le déploiement de quelques bataillons en Pologne, mais la protection du territoire américain, les jeux de guerre en mer Noire et… le Brexit.

Entre la complétude stratégique qui reste le modèle US, et la position de l’Allemagne qui refuse le nucléaire pour s’en tenir à la seule défense antimissiles, la France se contorsionne.

La doctrine des États-Unis repose sur deux volets : la dissuasion, qui vise à persuader l’ennemi de son anéantissement s’il ose attaquer, mais également la sanctuarisation de son territoire contre une attaque de missiles balistiques, ce que rappelle le Ballistic Missile Defense Review Report de février 2010.

Cette idée d’intercepter les missiles en amont et bien avant que tout le bazar leur arrive sur la gueule, nécessite forcément une profondeur territoriale conséquente entre les méchants et le continent américain. L’effondrement de l’URSS n’a pas mis fin à cette doctrine. Poutine qui fait payer à l’occident la reconnaissance du Kosovo, prend un malin plaisir à soutenir les mouvements autonomistes russophiles, ce qui arrange finalement les Américains. Surfant sur la peur, ils ont ainsi agrégé à l’OTAN Pologne, Roumanie, Albanie, Bulgarie, Slovénie, Tchéquie, Slovaquie, Lituanie, Lettonie, Croatie et Estonie, moins pour les défendre (pour l’avoir cru, la Georgie y a laissé l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie) que pour en faire leur glacis stratégique et y déployer radars et missiles antimissiles « Patriot » ou SM3.

Joseph Dunford, chef d’État-major, toutes médailles dehors, en fait des tonnes sur le sujet. En réalité, toute cette rhétorique guerrière ne vise qu’à figer la situation sur le front est européen pour réorienter les forces US vers la mer de Chine méridionale, face à Pékin.

Entre-temps, la mer noire permet aux deux puissances de tester leurs matériels ; côté US, AEGIS et BMDE, côté russe système Khibiny à nuage numérique, radars basses fréquences Protivnik ou anti-missile S 500 qui prétend à une séquence de moins de 4 secondes, au grand dam des Américains qui, eux, n’arrivent pas en dessous de 8 !

La France récuse, par principe théorique, la défense antimissiles, considérée comme contradictoire avec la crédibilité de sa dissuasion. L’ennemi terrorisé par les représailles n’appuiera pas sur le bouton (en principe). Se doter d’une défense antimissile reviendrait donc à laisser entendre que nous n’y croyons pas vraiment ! Inconcevable.

Pour cette même raison, la France s’est toujours refusée à construire des abris antiatomiques. Ce principe trouve aujourd’hui ses limites : la multiplication des conflits locaux appuyée par la diffusion des missiles low cost de courte portée (fabriqués en Corée du Nord), impose de pouvoir réagir à une frappe limitée et conventionnelle sur un théâtre d’opérations extérieur contre laquelle la réponse nucléaire serait disproportionnée, donc inapplicable. Dès lors, la France, restant sur le seul aspect tactique, s’est engagée avec l’Italie sur un programme : le SAMP/T.

Par ailleurs, lors du précédent sommet en 2010 à Lisbonne, l’Allemagne avait lourdement insisté sur son rejet du nucléaire et demandé aux Américains le retrait de ces armes du sol européen. Son souhait : s’en tenir à développer un réseau musclé de défense antimissile. Au final, cette dernière, ménageant la chèvre et le chou, aboutissait à deux projets : l’un tactique pour protéger un théâtre d’opérations ; l’autre globale pour sanctuariser les territoires des pays membres.

La France et le Royaume-Uni comprenant que la position allemande et le cynisme américain rendaient tout cela incohérent, allaient conclure le 2 novembre 2010 à Lancaster House un partenariat stratégique. Accord capital qui réaffirme leur dissuasion nucléaire et met en commun la recherche et le développement de ces armes.

Politiquement, l’accord évitait à la France de se retrouver isolée face à l’Allemagne et aux nations antinucléaires. Sauf qu’aujourd’hui, le Brexit déstabilise cet édifice politico-stratégique et ne nous aide pas. L’OTAN devient encore un peu plus incontournable pour maintenir le Royaume-Uni dans l’organisation de la sécurité européenne et renforce la tutelle US.

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Philippe Randa,
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