Entretien avec L’historien Luis Pio Moa sur la situation politique Espagnole
Le grand historien de la Guerre Civile espagnole, Luis Pio Moa nous a reçu à Madrid notre collaborateur Michel Festivi le 12 octobre 2023, le jour même de la Fête Nationale
Luis Pio Moa nous accueille de nouveau à Madrid en ce jour de la fête de l’Hispanité, fête nationale que les gauches ne veulent plus honorer. Tout ce qui rappelle la grandeur de l’Espagne leur fait horreur. Nous avions quitté Pio Moa le 15 décembre 2022 (Cf l’entretien qu’il nous avait accordé pour la Revue d’Histoire Européenne N° 14 de février à Avril 2023).
C’est l’un des plus grands et prolifiques historiens de la Guerre civile qui a révolutionné l’approche et l’analyse de cette séquence de l’Histoire tragique de son pays. Né en 1948 à Vigo en Galice, il fut dans sa jeunesse un militant, fondateur avec d’autres, du Parti communiste reconstitué qui lutta violemment contre le Régime franquiste. Travaillant ensuite plusieurs années à l’Athénée de Madrid, il eut accès aux archives socialistes de la Fondation Pablo Iglesias, le fondateur du PSOE. Il dirigera ensuite plusieurs revues d’Histoire.
Il y découvrit des documents essentiels, qui le firent grandement réfléchir et évoluer, et qui vont lui permettre d’écrire la véritable histoire et du fiasco de la IIème République espagnole (1931/1936) et de la tragique Guerre civile en démontant pièce par pièce la construction idéologique que les gauches avaient bâtie. Son premier livre, Los origenes de la guerra civil española en 1999 connaîtra un premier grand succès. Bien sûr les gauches et parfois la droite molle le vilipendèrent.
Mais ce sont les mythes de la guerre civile, paru en Espagne en 2003 qui le fera connaître dans le monde entier. Cet ouvrage fut enfin publié en France en 2022 aux Editions de l’Artilleur. Dans cet opus, il démontre que ce sont les gauches révolutionnaires, dont le PSOE, qui vont initier la guerre civile par le coup d’Etat armé d’octobre 1934, et qui ensuite par des élections truquées en février 1936, tenteront de prendre définitivement le pouvoir pour ne plus le rendre, en semant le désordre voire la terreur, pour créer en Espagne un régime soviétique, collectiviste. Comme il le dit souvent, le coup d’état d’octobre 1934 a blessé la IIe République, les fraudes et les exactions du Front populaire de 1936 l’ont achevée.
Aujourd’hui Luis Pio Moa multiplie les livraisons sur la seconde guerre mondiale, ou sur la politique espagnole socialo-communiste actuelle, qui par ses lois dites « mémorielles » ou « démocratiques » tente d’imposer une chape de plomb sur la pensée et la vie politique. Il tient un blog, « mas españa, mas democracia », et intervient dans plusieurs émissions de télévision sur des chaines alternatives, comme celle du journal El Debate.
En ce jour anniversaire qui fut glorieux pour l’Espagne (12 octobre 1492 : Christophe Collomb parti de Palos de la Frontera trois mois avant, découvrit les Amériques), il a bien voulu répondre à nos questions sur la situation politique actuelle de l’Espagne.
« La Transition démocratique vient du Franquisme et non pas de la Gauche »
Comment en est-on arrivé à ce que l’Espagne risque aujourd’hui l’éclatement par la possible partition de la Catalogne, voire du Pays Basque ?
Luis Pio Moa : En 1978, l’Espagne a approuvé une nouvelle constitution, au moment de la transition dite démocratique, après la mort du Général Franco en novembre 1975. Mais lorsque les socialistes sont parvenus au pouvoir en 1982, après la gouvernance d’Adolfo Suarez qui était un centriste démocrate-chrétien, Alfonse Guerra, qui fut Vice-Président du PSOE a annoncé que « Montesquieu c’était fini- que s’en était fini de la séparation des pouvoirs ». Depuis, l’Espagne est dans la confusion des pouvoirs, le pouvoir judiciaire étant totalement inféodé au pouvoir politique.
Pourtant la constitution de 1978 apportait une ère nouvelle ?
En réalité il faut bien comprendre un point fondamental que je développe dans nombre de mes livres. La transition démocratique vient du franquisme et non pas de la gauche. C’est le parlement franquiste qui a organisé et le référendum de 1976 et la création des nouvelles institutions, car Franco avait prévu qu’après sa mort, la monarchie reviendrait en Espagne, et il avait tout organisé pour cela.
Un homme fut déterminant à cet égard, c’est Torcuato Fernàndez-Miranda. Il était professeur de droit constitutionnel et fut ministre entre 1973 et 1974, secrétaire du Mouvement, le parti franquiste. Il fut nommé Président des Cortès, et Président du Conseil du Royaume de 1975 à 1977. Il fut le professeur de droit de Juan Carlos et joua un rôle considérable durant la Transition démocratique. Donc les gauches ont été totalement étrangères à la Transition démocratique, ce qu’elles ne peuvent plus accepter.
Pourquoi le PP et Vox n’ont-ils pas obtenu le 23 juillet 2023 la majorité absolue que tous leurs prédisaient ?
Il faut bien appréhender le fait que Vox s’est constitué contre le PP, ce sont des cadres qui ont quitté le PP qui ont créé Vox. Ce sont en quelque sorte des frères ennemis. Au cours de cette campagne électorale, le PP s’est principalement attaqué à Vox, pensant qu’en le réduisant il gonflerait son propre score. Mais le PP lorsqu’il gouvernait a favorisé les séparatismes, il ne s’est jamais attaqué aux lois mémorielles où sociétales des gauches. Vox n’a pas fait non plus une bonne campagne, car à mon sens, il ne s’est pas assez distancié du PP. Je le répète, du franquisme vient la démocratie, la transition. Or le PP depuis Aznar ne veut plus le reconnaître, et pense que tout cela provient de la gauche. En 2002, le PP a condamné le franquisme, le soulèvement salvateur des 17 et 18 juillet 1936. Adolfo Suarez devait tout à Torcuato Fernàndez-Miranda, mais le PP l’a complètement « oublié ».
Pourtant le PP et Vox se sont alliés pour gouverner ensemble dans plusieurs régions et municipalités suite à leurs victoires électorales du 28 mai dernier lors des régionales et municipales ?
Oui, mais les dirigeants du PP attaquent Vox tout le temps, même dans ces régions qu’ils sont censés gouverner ensemble. Sauf en Castille et Leon et dans le pays Valencien, où là les choses se passent plutôt bien entre eux. Mais Vox ne réplique pas assez fortement à mon sens.
Et Madame Isabel Dias Ayuso du PP, qui dirige avec poigne la Communauté du Grand Madrid ?
Cette dernière attaque clairement le PSOE et son idéologie, elle n’a pas besoin de Vox, car elle dispose d’une majorité absolue dans sa Communauté. Elle est très libérale, très pro économie de marché. Mais je reviens sur le Franquisme. Ce dernier était divisé en plusieurs tendances, les monarchistes, les carlistes, les catholiques, les phalangistes. Toutes ces tendances avaient le catholicisme comme sous-bassement. Avant la mort de Franco, ces quatre tendances se sont divisées. Puis l’Eglise a appuyé les séparatismes, les socialistes etc… Par exemple, Feijoo qui a longtemps dirigé la Galice, a approuvé la politique indépendantiste de cette région, il a eu un rôle à contre-emploi. Il est très difficile par conséquent aujourd’hui pour lui de faire machine arrière devant les menaces du séparatisme basque et catalan. (Je rappelle que Luis Pio Moa est galicien d’origine, natif de Vigo nda).
Comment ces politiques clairement séparatistes Catalanes et Basques ont-elles ressurgi ?
Au début, en 1978, les statuts de larges autonomies donné aux régions leurs convenaient. On leur a d’ailleurs beaucoup trop donné, beaucoup plus que ce qu’elles demandaient à l’époque. Tout était alors dirigé par des démocrates-chrétiens, le gouvernement d’Adolfo Suarez, les dirigeants catalans de l’époque, et l’Eglise devenue démocrate-chrétienne a joué un rôle considérable. (Je précise que les statuts d’autonomie actuels fixés par la Constitution vont très loin nda).
Que va-t-il arriver ? Où va l’Espagne depuis l’organisation en 2017 par les séparatistes Catalans de ce fameux référendum ?
Le pays est considérablement divisé. La situation politique est très tendue. Nous sommes très loin de la réconciliation nationale des années 1976/1978. Le Roi n’a pas défendu la Constitution, alors qu’il avait les moyens constitutionnels de le faire. Les Catalans ont provoqué un coup d’état constitutionnel en 2017, avec ce référendum illégal, car anticonstitutionnel. Les gauches ont tout fait pour monter les espagnols les uns contre les autres, par diverses lois mémorielles et sociétales. Je suis très pessimiste pour l’avenir de mon pays.
En cette fin octobre, début novembre 2023, alors que suite à l’échec d’investiture pour 4 voix seulement d’Alberto Nuñez Feijoo du PP, soutenu par Vox, qui a démontré que l’intérêt de l’Espagne était au-dessus des partis, c’est Pedro Sanchez du PSOE qui a reçu mandat du Roi de solliciter l’investiture des Cortès. Il va tout faire pour obtenir le feu vert des indépendantistes catalans du Parti Junts, soit 7 députés, en leur accordant et l’amnistie de leurs forfaitures, et l’organisation d’un nouveau référendum sur l’indépendance de la Catalogne, sans ces 7 voix, il ne pourrait pas atteindre la majorité. Depuis quelques semaines, dans plusieurs villes d’Espagne, à Madrid mais aussi dans d’autres capitales régionales, comme Malaga ou Valence, des manifestations populaires soutenues par de nombreux jeunes, se produisent contre l’amnistie et contre le référendum, et connaissent un franc succès. Toutes les semaines des manifestations se font jour. L’Espagne est effectivement plus divisée que jamais. De nombreux manifestants hostiles à la politique voulue par Pedro Sanchez se réunissent souvent devant les sièges locaux du PSOE. Un fait m’a marqué, la jeunesse de ces très nombreux opposants, est-ce un signe d’espoir ? Finalement Sanchez a obtenu grâce aux voix de l’extrême gauche et de tous les indépendantistes une majorité qui pour l’instant lui permet de gouverner l’Espagne, vers son éclatement et sa dissolution.
Luis Pio Moa est l’auteur Des mythes de la guerre d’Espagne 1936-1939, publié en 2022, aux Editions de l’Artilleur. Ce livre en Espagne s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires, depuis 2003. Il a été préfacé pour l’édition française par Arnaud Imatz, docteur d’état en sciences politiques, auteur de très nombreux ouvrages et articles sur la Guerre d’Espagne dont La guerre d’Espagne revisitée, aux éditions Economica, publiée en 1989, et d’une biographie remarquable de José Antonio Primo de Rivera, publiée en 2000, aux Editions Godefroy de Bouillon.
Michel Festivi est avocat honoraire et ancien Bâtonnier de l’Ordre. Il vit désormais une partie de l’année en Espagne. Il a écrit trois livres sur cette séquence de l’Histoire de l’Espagne, tous publiés aux éditions Dualpha. En 2021, Les trahisons des gauches espagnoles, du républicanisme au totalitarisme, 1930/1936, relatait par le menu le fiasco de la seconde république espagnole. En 2022, L’Espagne ensanglantée, anarchistes, milices socialistes, communistes et révolutionnaires, évoquait la violence politique espagnole à l’origine de la Guerre civile. Et en 2023, une biographie de Miguel Primo de Rivera intitulé, Un dictateur éclairé pour régénérer l’Espagne 1923-1930, ouvrage préfacé par Arnaud Imatz, revenait sur une période faste et pleine de réformes utiles pour l’Espagne et les espagnols.
Cet entretien est paru dans le numéro 402 de novembre 2023 de la revue Reconquête, dirigée par Bernard Anthony.
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