Conflit israélo-palestinien : existe-t-il d’autres justes alternatives, à la solution « de deux États » ?
Les tragiques évènements qui viennent d’ensanglanter, une fois de plus, le Proche-Orient, ne sont que le énième épisode d’une « Nouvelle guerre de Cent Ans ». Et, que nous le voulions ou non, ce conflit entre deux peuples pour la possession d’une même terre, risque de nous impacter gravement. Il nous concerne, par ricochet, en raison de la présence sur notre sol d’importantes communautés qui sont les sœurs de celles qui s’affrontent en Terre sainte.
Un peu d’histoire pour rafraîchir les mémoires n’est pas superflu. D’autant que l’une d’elles, est la potentielle victime de l’autre en raison, quelque part, de son irresponsabilité, ayant favorisé sinon encouragé « l’importation » de populations hostiles à son mode de vie et à sa religion. L’effet « boomerang », en quelque sorte ! Place, donc, succinctement à l’histoire.
Les évènements actuels ont de profondes racines
L’idée du retour des Hébreux des temps modernes sur la terre de leurs ancêtres n’est pas nouvelle, elle remonte à la fin du XIXe siècle avec la prophétie de Théodore Herzl, qui s’est concrétisée lors de l’effondrement de l’Empire ottoman, au lendemain de la 1re Guerre mondiale. Le Sionisme s’était déjà matérialisé par l’achat de terres où s’installèrent les premiers colons, donnant naissance à une longue liste de Kibboutz, ces fermes collectives où des Juifs venus d’Europe chassés par les pogroms – des Olims – faisaient leur « Alya », leur « montée », en fait leur retour sur les terres bibliques.
Les Britanniques en 1917, avec la déclaration d’Arthur Balfour, secrétaire au Foreign Office, facilitèrent la création d’un Foyer national juif, quelque chose de bien plus sérieux que l’inauguration en mai 1934 de l’Oblast du Birobidjan par Staline, aux confins de la Sibérie. Une lutte féroce, déjà, entre nationalistes et Anglais d’une part, Juifs et Arabes d’autre part, endeuilla par des attentats, des représailles et des pendaisons, le régime mandataire de Sa Majesté en Palestine. Ces épisodes tragiques, déjà, ponctuèrent toute la première partie du XXe siècle. En refusant, en 1947, le plan de partage de la Palestine concocté par les Nations Unies, accepté par Israël – création de cet État voté à la majorité des membres de l’Assemblée générale – les pays voisins – Égypte, Syrie, Jordanie, Liban – ont porté une lourde responsabilité dans l’exode d’une bonne partie du peuple sous mandat britannique. Entre 500 000 et 700 000 réfugiés ont quitté leurs foyers, encouragés par leurs frères arabes qui devaient « jeter les Juifs à la mer »…
On connaît la suite. Cent mille sont rentrés, donnant naissance à ce que l’on appelle « les Arabes israéliens » – environ deux millions aujourd’hui – jouissant des mêmes droits que leurs compatriotes juifs, étant exemptés, toutefois, du service militaire à l’exception de la communauté druze, d’une parfaite loyauté.
Des guerres à répétition
Aujourd’hui, après de multiples guerres entre les parties en 1948, 1956, 1973, 1982, etc., entraînant un nombre considérable de victimes, et l’exil inhumain d’hommes, de femmes et d’enfants qui n’avaient juste demandé que de rester sur le sol de leurs parents, les observateurs de bonne foi, pensent que le règlement de ce conflit pourrait passer par une « Solution à deux États », avec une capitale partagée, Jérusalem ou, à tout le moins, un secteur de la ville trois fois sainte, où l’Autorité palestinienne pourrait installer ses institutions gouvernementales.
Des actes impardonnables
La résurgence du terrorisme abject d’organisations criminelles comme le Hamas ou le Hezbollah, ainsi que l’intransigeance d’un gouvernement otage d’ultras religieux – sous la houlette du radical Benyamin Netanyahu et de son parti, le Likoud – empêchent tout espoir d’une paix juste et raisonnable à court terme, sur la base de frontières sûres et reconnues pour, et par toutes les parties. Certes, il y aurait nécessairement quelques ajustements de frontière à faire, et cette dernière ne correspondrait pas forcément avec une ligne stratégique de défense pour Israël, qui devrait se trouver le long du Jourdain. Pour qui connaît les lieux et qui a observé la carte, moins de 50 km séparent la mer du fleuve « historique ».
Pour l’instant, toute perspective de négociation semble bloquée : il faut pour cela que cette crise soit terminée, d’une façon ou d’une autre. Et nous n’en sommes pas encore là. Si la bande de Gaza était purgée de la dictature du Hamas, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – toutefois très discréditée – pourrait-elle se substituer au gouvernement des terroristes ? D’autre part, compte tenu du morcellement de la Cisjordanie en trois zones, A, B et C, correspondant respectivement aux territoires palestiniens libres de toute occupation, à une zone à l’autorité partagée, et la dernière totalement sous la souveraineté de l’État hébreu, une Palestine indépendante est-elle viable ? Le Président Abbas a beau jouer au chef de l’État dans sa mini capitale de Ramallah, il est comme le maréchal Pétain à Vichy après le 11 novembre 1942, otage de l’occupant, à sa merci. Il n’existe pas trente-six solutions : ou bien c’est le statu quo, inacceptable à long terme, une Palestine croupion, l’annexion pure et simple – mais le différentiel démographique jouerait conte la judéité d’Israël – ou alors le retour à la situation antérieure.
Un retour en arrière ?
La bande de Gaza, morceau de Palestine ayant échappé à l’occupation israélienne au terme de la guerre de 1948, était sous perfusion de l’UNRWA, l’organisme onusien chargé de subvenir aux réfugiés, et contrôlée par l’Égypte qui surveillait ou manipulait les mouvements de résistance, c’était selon les intérêts de Nasser. Déjà, sous le règne du Raïs, des fedayin franchissaient la frontière pour commettre des sabotages. Occupé et évacuée deux fois par Israël, ce confetti de Palestine de 350 km² et de deux millions d’âmes aurait pu devenir, avec l’argent des Émirats, une petite Singapour méditerranéenne. Mais ni les bailleurs de fonds arabes – particulièrement le Qatar – et leurs obligés du HAMAS, n’y avaient intérêt, les besoins de la population passant après leurs objectifs. La Cisjordanie, dessinant deux boursouflures sur la carte enserrant Jérusalem, correspondait aux zones sauvées par la Légion arabe, l’armée jordanienne formée par le britannique Glubb Pacha, face à la hargne de la Hagana juive de 1948, l’ancêtre de Tsahal… Le roi Hussein y a exercé sa souveraineté pendant 19 ans, avant de devoir l’abandonner entre les mains d’Israël à l’issue de « la Guerre des six jours » et, juridiquement, d’y renoncer en faveur de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat.
« Ils » ont tué la paix
À l’issue des accords d’Oslo de l’automne 1993, le vieux leader palestinien s’y était installé. Le processus de paix, un long chemin semé d’embûches, aurait dû se dérouler normalement, si des extrémistes juifs – qui savaient ce qu’ils faisaient, « tuer la paix » – n’avaient assassiné le 4 novembre 1995 le général Yitzhak Rabin, glorieux chef militaire, deux fois Premier ministre, de 1974 à 1977, puis de 1992 jusqu’à son décès.
Dans un échange du 9 septembre 1993, Rabin et le chef de l’OLP, avaient affirmé leur détermination à collaborer en se reconnaissant mutuellement. Évènement inouï, exceptionnel, après quarante-cinq ans de lutte et de mépris. De même que les ultras religieux – mais pas que – réussirent à interrompre le processus de paix, le HAMAS, en assassinant le jeudi 7 septembre 2023, des centaines et des centaines de civils israéliens – hommes, femmes, enfants – à proximité de Gaza, entraînant les représailles que l’on connaît, a torpillé la normalisation des relations diplomatiques d’Israël avec nombre de pays arabes. Les capitales arabes sont gênées, doux euphémisme, Le Caire, Amman, Rabat, Khartoum, Manama (Bahreïn)…
Et, au premier rang desquelles, celle du royaume wahhabite d’Arabie saoudite, Riyad, en passe de reconnaître Israël, dans le cadre du processus dit « d’Abraham », ce qui n’est pas rien. L’annexion de Gaza par l’Égypte qui, sous la direction du maréchal Sissi, mène une guerre déterminée contre les Frères musulmans, changerait-elle la donne ? On peut douter de l’appétence égyptienne pour cette solution. Absorber une telle masse dans un pays ayant déjà une folle démographie, ne serait pas une mince affaire, d’autant que les réseaux terroristes qui sévissent déjà dans le Sinaï ne seraient pas totalement démantelés.
La colonisation, un obstacle majeur
Dans l’optique de la solution « à deux États », la colonisation partielle de la Judée/Samarie, est un obstacle majeur, une incontournable difficulté. Quelle proportion de superficie les Palestiniens seraient-ils à même d’accepter d’abandonner, sans que leur pays ne se réduise à la portion congrue, comme une peau de chagrins ? La réintégration de cette terre biblique dans le Royaume Hachémite d’Abdallah, pourrait-elle se faire sans qu’elle soit amputée des colonies juives de peuplement ? Il serait douteux que les colons acceptent d’être placés sous la souveraineté d’un pays arabe.
À moins qu’un nouveau gouvernement en place à Jérusalem ne fasse comme le général Ariel Sharon – pourtant membre de la droite dure – le fit à Gaza, le démantèlement des installations, et le rapatriement des populations. La Jordanie est, actuellement, le seul et véritable État palestinien par la composition majoritaire de sa population (n’oublions pas au passage, que son élégante souveraine est issue de ce peuple).
Mais le roi doit se souvenir aussi, avec angoisse, des démêlés de son père Hussein lors du triste « septembre noir » de 1970, période pendant laquelle ce souverain joua sa couronne face à l’insurrection armée des rebelles palestiniens. Il ne dut son salut qu’à la fidélité de son armée majoritairement composée de Bédouins. Et puis, il n’est pas du tout certain que la nébuleuse d’organisations politico-militaires palestiniennes y trouverait son compte… financier !
Alors, est-ce à dire que la situation est « foutue » ? Espérons que les diplomates prendront vite le relais des militaires, dès que les canons seront… refroidis ! C’est le vœu que l’on peut formuler, allant dans le sens d’un rapprochement progressif et rationnel, dépassionné, à l’exemple de l’entente obligée de la Corée du Sud et du Japon ou, plus spectaculaire, du tandem franco-allemand, qui a réussi à surmonter les montagnes d’une haine accumulée au cours de trois guerres, plus que cruelles, elles aussi.
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