Sur l’écran noir de mes nuits blanches…
L’un des privilèges de l’âge, c’est de pouvoir actionner à l’envi la machine à remonter le temps…
Ces jours derniers, alors que je prenais mon petit-déjeuner, un débat radiophonique revenait sur le traitement chirurgical souhaité de notre langue vernaculaire. Il permettrait d’éradiquer certains nodules malins en effaçant les mots empreints de malveillance voire de racisme. Il en est ainsi pour ce qui est « noir ».
Je me suis alors surpris à oublier le petit noir qui s’attiédissait dans ma tasse pour me retrouver, une grosse soixantaine d’années plus tôt, devant un bol fumant de cacao du réjouissant « Y’a bon Banania ». Ses yeux qui riboulaient et son expression en « petit nègre » me donnaient le courage d’aller affronter les sarcasmes de mon tourmenteur mathématicien un certain Monsieur… Lenoir. Ainsi, à la seule évocation de ce sombre personnage, les idées noires submergeaient le petit Brun que j’étais encore.
Le destin frappe où il veut quand il veut. Pour preuve, en grimpant dans l’arbre généalogique familial j’ai découvert une branche maternelle « Noirclère ». Je ne suis pas snob, mais un Brun-Noirclère, n’est-ce pas classieux ? Alors même que le maître de « l’Outre-noir » vient de nous quitter, n’était-ce pas novateur ?
Certains patronymes sont parfois lourds à porter. Brun par exemple. Lors d’une année passée à Saint Omer, l’énoncé de mon nom déclenchait l’hilarité du public du stade vélodrome. Sous ces brumes flamandes, marcher dans un brun, même du pied gauche… Je ne m’étendrai pas.
Je m’égare en brunissant un peu trop cette chronique aussi revenons à cette couleur qui n’en est pourtant pas une (cf. la gamme chromatique concernée).
Un vague cousin de mon père qui avait repris une entreprise de confiserie dans les Bouches du Rhône avait consolidé sa fortune en moulant dans de la pâte de réglisse de sympathiques « faces de nègre » qui se vendaient à l’unité et remplissaient les bocaux des épiceries de mon enfance. Cette confiserie a-t-elle disparu ou bénéficie-t-elle d’une commercialisation sous un nom moins stigmatisant ?
Cette propension à éliminer le Noir du vocabulaire n’est-elle pas abusive alors que la vie quotidienne en est pavée ?
Au cours de ma vie de marsouin, une recrue antillaise du plus beau noir, m’avait pittoresquement avoué son angoisse devant la tyrolienne d’une piste du risque : « J’étais vert de peur. »
J’ai connu naguère Ivan, un fils d’aristocrate émigré au lendemain de la révolution bolchevique. Sa mère était africaine et il en avait hérité une chevelure crépue et une peau plus qu’ambrée. Ce qui lui permettait de s’afficher fièrement comme « le premier nègre russe blanc ».
Au printemps 1962, Pierre T. un maître du barreau en devenir, avait été arrêté comme membre d’un réseau royaliste de soutien à l’OAS-Métro. Branle-bas au Quai des Orfèvres : « Un noir, monarchiste et militant en faveur de l’Algérie Française ! Vous n’y pensez pas ! »
Il avait été remis en liberté, surveillée certes, mais sans autre forme de procès. On peut dire que c’est sa couleur de peau qui lui avait rendu la liberté. S’agissait-il de l’une des premières manifestations de la discrimination positive. Allez savoir !
Il y a quelques années, la première messe célébrée par le nouveau curé de la paroisse, un prêtre burkinabé, avait un court instant interloqué un gamin ami. On lui avait expliqué que ce clerc était un homme de couleur alors qu’il était incontestablement noir. Heureusement quelques minutes plus tard le prêtre était réapparu sur le parvis de l’église vêtu d’un boubou aux ramages éclatants. C’était sans doute cela qu’on appelait un homme de couleurs. Le garçonnet rassuré, avait d’ailleurs trouvé cette chemise beaucoup plus gaie que celle de son père.
Avant de succomber aux charmes maléfiques du wokisme, notre phosphorescent Président devrait prendre son temps. Pour éloigner le chat noir qui rôde dans le labyrinthe parlementaire, une motion nègre-blanc vaudra toujours mieux qu’une fracture nationale irréductible. Un combat de nègres dans un tunnel ne saurait se conclure sans dégâts collatéraux, telle cette redoutable peste noire qui avait frappé les moments les plus noirs de notre histoire enseignée par les Hussards noirs de la République.
Mais ces propos n’ont guère de portée… Encore que sur cette dernière une blanche vaille encore deux noires.
Mais que fait la police… de la pensée ?
Jean-Pierre Brun a récemment collaboré au Cahier d’histoire du nationalisme : L’Algérie française, le combat pour l’honneur, présenté par Philippe Randa. Entretiens, Témoignages & contributions de : Philippe Aziz, Armand Bénésis de Rotrou, Francis Bergeron, Jean-Pierre Brun, Daniel Cadet, Philippe Chiaverini, Gérard Crespo, Richard Dessens, Pierre Dimech, Yves Geoffroy, Jean-Claude Giraud, Manuel Gomez, Michel Klen, Gérard Lehmann, Philippe de Parseval, Jean-Claude Pérez, Guy Pujante, Jean-Claude Rolinat, Alain Sanders, Maurice Sarazin, Robert Saucourt, Roger Soncarrieu, Rémy Valat, Michel Vial… Éditions Synthèse, 188 pages, 24 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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