L’urgentiste et son cheval
« Je veux bien assurer des gardes, mais vous devrez vous occuper de mon cheval ! ». Sollicité par un hôpital en panne d’urgentiste, c’était la condition imposée par ce médecin, en plus d’indemnités réjouissantes ! Histoire authentique. Car la désertification médicale ne fait pas que des mécontents. Intérim, chasseurs de médecins, équipements de téléconsultations… Elle a ouvert un marché juteux.
Le Canard Enchainé pointe les émoluments proposés par l’Hôpital de Cahors : 3 000 euros net la garde de 24 heures. Presque trois fois le montant légal de 1 170 euros. En face, les patients promus variables d’ajustement de ces émoluments ne décolèrent pas. Les déserts médicaux sont la conséquence du numerus clausus qui limitait l’accès à la profession. Pénurie orchestrée au départ, elle a échappé à ses concepteurs…
Voulu en 1971 par les médecins soucieux de protéger leur privilège libéral, leur hantise était alors une médecine fonctionnarisée. Jamais ça ! Mais idée défendue aussi par l’État pour freiner la consommation médicale et faire réaliser des économies à l’assurance maladie. C’était oublier l’évolution de la médecine et le vieillissement de la population. Oublier aussi les départs massifs en retraite des médecins, multipliés par 6 en 10 ans. Évolution également des mœurs : aujourd’hui un médecin répugne à exercer en solo et sur des horaires de 80 heures par semaine.
Freiner la consommation est donc aujourd’hui une indiscutable réussite ! 12 % de la population vit dans un désert médical, soit 8 millions de personnes. 1,6 million renoncent aux soins (Rapport du Sénat 01/2020).
Si la moyenne française est de 1 médecin pour 300 habitants, pour les territoires ruraux on explose entre 1 600 et 2 800. Car la désertification médicale engendre également la surcharge médicale. Dans les communes possédant des médecins arrivent les patients des communes désertées. Et les vannes se ferment : « Désolé, je n’accepte plus de patients ! »
Quant aux économies souhaitées, faute de trouver un médecin disponible près de chez eux, les besoins retombent sur les services d’urgence, gisements de pognon pour certains, où peuvent cachetonner en intérim des médecins davantage soucieux d’émoluments que de déontologie qui gagnent en deux nuits autant qu’en un mois.
Certaines mesures incitatives ont été mises en place dès 2012 par l’assurance maladie : contrat d’engagement de service public (CESP), contrat de début d’exercice (CDE). Succès mitigé.
L’abandon du numerus clausus ne se fera sentir qu’à partir de 2030 ! Alors quelles solutions ?
Salarier les médecins ? Créés en 2018, les centres de santé regroupent des médecins rémunérés à la fonction et pas à l’acte, sans dépassement d’honoraires. Mais la relation qui s’instituait entre le médecin et son patient disparaît. Le patient n’est plus une personne réduite à une clé électronique, navette entre des praticiens interchangeables. Certains maires tentent les médecins européens : « Nous avons fait appel à une entreprise en recrutement médical, un choix dicté par notre souhait de conserver une médecine de proximité qui maintienne le lien entre le médecin et son patient plutôt que la téléconsultation avec des praticiens chaque fois différents. »
Le coût est élevé. 20 000 euros par médecin recruté auxquels s’ajoute logement et cabinet.
Mais justement quid de la téléconsultation ? Medadom en est leader en France. 2 000 bornes et cabines implantées majoritairement en pharmacie. S’y ajoutent des lieux publics, mairies ou maisons France service. En effet, l’entreprise a remporté en 2021 l’appel d’offres de l’Union des groupements d’achats publics, l’Ugap, pour les équiper.
« 89 % des actes de téléconsultation sont de la médecine générale. Autant de soulagement pour les services d’urgence. »
Par l’intermédiaire d’une borne ou, mieux, d’une cabine connectée qui dispose de stéthoscope, otoscope, oxymètre, tensiomètre, thermomètre et dermatoscope, le patient dialogue avec un médecin par écrans interposés. Ambition : pouvoir obtenir une consultation dans un délai moyen de dix minutes.
La justice manque de moyens, la police manque de moyens, l’armée manque de moyens, le réseau ferroviaire manque de moyens, l’éducation a fait naufrage, les trains régionaux sont calamiteux, nos centrales nucléaires qui multiplient les malfaçons sont de plus en plus invendables, le déficit de la balance commerciale s’accélère, s’y ajoute désormais la disparition insidieuse mais inéluctable de la médecine de proximité en milieu rural. Mais l’écologie nous l’apprend : savoir renoncer c’est être éco-responsable. Réjouissons-nous et sauvons la planète, au gué, au gué !
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