Élection autrichienne : une affaire d’image !
L’image, en politique est déterminante. L’image qu’un homme, ou qu’un parti, donne de lui, aussi bien que les images que se font les électeurs du monde dans lequel ils vivent. Tout ou presque, et on doit le regretter pour la clarté du débat, est affaire de représentation. Aujourd’hui plus que jamais, où, pour beaucoup, la politique est devenue un spectacle.
Dans le cas précis de l’élection présidentielle autrichienne, le fait que Norbert Hofer ait été battu d’à peine quelques milliers de voix principalement à cause du vote des Autrichiens de l’étranger, est symptomatique de cette problématique. En effet, ces derniers ont eu peur que son élection abîme l’image de l’Autriche en Europe et dans le monde, et comme beaucoup de décideurs, de cadres ou de gens responsables en Autriche, ils se sont inquiétés d’une mise en cause des liens européens du pays.
Certes, Norbert Hofer, qui est sans doute l’un des plus présentables des leaders populistes en Europe, et on peut l’espérer l’un des plus compétents, avait, dans ses discours de campagne, essayé de rassurer ses concitoyens sur ce point. Peut-être un peu trop tard, et pas assez résolument. Il avait conscience que l’Autriche ne peut quitter la zone euro sans mettre en péril sa prospérité (un des plus bas taux de chômage en Europe), tellement elle est soudée économiquement à l’Allemagne. Et il pouvait imaginer que s’il l’emportait, en évitant une querelle avec la sœur germanique, Vienne aurait pu faire pression sur l’opinion allemande, pour les enjeux primordiaux qui la concerne (ceux de l’immigration et des réfugiés), en faisant cause commune avec tous ceux qui, en RFA, s’opposent à la politique d’Angela Merkel, comme le gouvernement bavarois. Mais, il n’a pas pu combler complètement le déficit de confiance imputable à l’hostilité à l’Union européenne montrée jusque-là par le FPÖ.
Cet échec, malgré tout relatif parce qu’il tient à très peu de choses et qu’il peut être rattrapé aux prochaines élections législatives, montre aux populistes qu’ils ne doivent pas sous-estimer le sentiment européen de la plupart des peuples en Europe. Non pas qu’ils apprécient spécialement l’Union européenne, et les politiques qu’elle mène, au contraire, mais parce qu’ils ont compris qu’ils ne sont plus grand-chose les uns sans les autres. Et que c’est une faute de sombrer dans l’europhobie, au titre de ce que l’on rejette la camarilla de Bruxelles. Comme c’est un leurre que de croire que l’on peut en revenir, chacun, en Europe, à son sonderweg, à sa voie spécifique, sans conséquences dramatiques pour soi-même. Ils ne veulent plus, non plus, de ces querelles entre Européens dans lesquelles les populistes nationalistes risquent de les faire retomber. Et connaître, eux aussi, entre eux, une guerre larvée comme celle qui oppose la Russie à l’Ukraine. En l’occurrence, celle que pourrait engendrer la mise en avant par le FPÖ de la question du Tyrol du sud (pour aussi légitime qu’il soit de la poser) de façon agressive comme il le fait parfois. Cela ne servirait qu’à détériorer les relations avec l’Italie, et cela nourrirait l’image inquiétante que certains veulent faire passer d’une Autriche populiste.
Tout ceci posé, le fait que Monsieur Hofer ait réuni sur son nom la moitié du vote autrichien prouve qu’il est dans le vrai pour le reste des thématiques, en particulier celles de l’immigration ou de la démocratie directe. Celles-là mêmes qui lui permettraient, en cas de victoire aux futures élections législatives, de constituer au sein de l’Union européenne un noyau contestataire fort, regroupant plusieurs États de l’Europe centrale, pour affirmer une autre vision de l’UE que la triste image que celle-ci offre aujourd’hui. Ce qui, par effet de démonstration, pourrait être le point de départ d’un changement radical. Au contraire d’une sortie fracassante et contreproductive, c’est le changement dans les rapports de force au sein de l’Union qui doit être recherché. Il ne faut cesser de le répéter : aucun État européen n’est capable de défier à lui tout seul le système occidental en place, et la dispersion nationaliste est le meilleur service qu’on peut lui rendre afin qu’il perdure.
Si dans les mois qui viennent l’apprentissage du réalisme politique par Monsieur Hofer, et par son parti, se poursuit, et s’il acquiert une image de rassembleur pour nombre d’Européens, alors on pourra dire, si le succès électoral est au rendez-vous, que la déconvenue de ce mois de mai n’aura pas empêché qu’une lueur s’allume au cœur de l’Europe.