Bolivie, Chili, Catalogne, Liban, Hong-Kong
Est-ce la contagion des « gilets jaunes » ? Toujours est-il qu’il semble que les peuples, ici ou là, pour des causes différentes mais qui sentent le « dégagisme », descendent dans la rue.
Evo Moralès, le président sortant « indianiste » de Bolivie, pays devenu sous son ère, un État « plurinational », un Amérindien nettement orienté à gauche, un copain du dictateur « chaviste » Maduro, a triché, deux fois. La première, en se représentant à l’élection présidentielle du 20 octobre alors que, constitutionnellement, il n’en avait pas le droit, cette possibilité lui ayant été refusée par référendum. La seconde, en refusant un deuxième tour face à Carlos Mesa, un journaliste de 66 ans, qui a déjà été président entre 2003 et 2005.
Pourquoi ce 2e tour ? Eh bien Moralès, candidat du MAS, le Mouvement vers le socialisme, n’a pas atteint la majorité absolue, avec 45,28 % des voix, contre 38,16 % à son adversaire. S’autoproclamant vainqueur en prétextant qu’il y avait un écart suffisant entre lui-même et Carlos Mesa, alors que selon la constitution il faudrait 10 points entre le 1er candidat et le suivant, Moralès a triché. Aussitôt, de violentes manifestations ont embrasé la capitale La Paz, comme Santa-Cruz, la seconde ville du pays dans l’Oriente, très frondeuse et assez « séparatiste ». Dans ce pays de 11,3 millions d’habitants, très pauvre, où les Indiens et les métis sont ultra-majoritaires, c’est l’armée qui, en général, réglait jadis, à son profit, ce genre de dilemme. Qu’en sera-t-il demain ? En tout cas, tel un vulgaire potentat africain, Moralès, qui conserve d’énormes soutiens parmi la population indienne, est un tricheur !
L’armée en Amérique latine, parlons-en ; eh bien une autre, elle, est intervenue au Chili. Ce pays voisin et « ennemi » depuis que ce dernier a privé au XIXème siècle la Bolivie d’accès à la mer, a été en proie, aussi, à de violentes émeutes durement réprimées, faisant une vingtaine de victimes, chiffre énorme.
Pourquoi ? Le président de droite, d’une droite disons « présentable », n’a pas tenu assez compte des déshérités, des laissés pour compte dans un État prospère, une des économies latino-américaine pourtant les plus performantes, à comparer avec la stagnation argentine. L’augmentation déraisonnable du ticket de métro a été l’élément déclencheur d’une vague de protestations sans précédent, dans laquelle s’est engouffrée si je puis dire, tout ce que la gauche compte comme desperados et autres guévaristes en retraite.
Une fois de plus, l’extrême gauche profite de l’égoïsme des classes supérieures pour tenter d’imposer sa loi, celle de la rue, celle des barricades. Dommage, car ce pays à l’étrange configuration, 4 000 km de long sur plus ou moins 100 à 200 de large, mériterait mieux, après les heures sombres de la période Salvador Allende et le redressement économique spectaculaire conduit pendant la dictature du général Pinochet.
Le président Sébastian Pinera a fait annuler les hausses et a présenté ses excuses au peuple chilien. Pas sûr que ça calme longtemps la rue. Nous enregistrons déjà un terrible bilan, répétons-le, une vingtaine de morts, dont un enfant je crois, et un millier d’arrestations. Plus fort que Castaner ! Si la prospérité des uns n’a pas de retombées bénéfiques pour les plus humbles, ce type de société est appelé à s’effondrer. C’est ce qu’avait compris Perón en Argentine, dans les années 1950. Mais la mort de sa femme, l’inoubliable Evita, lui fit perdre la main. Mais ceci est une autre histoire.
Autre pays où les troubles sont moins graves, mais n’en seront pas moins persistants : la Catalogne. On sait que les indépendantistes rejoueront sans cesse la même partition, tant qu’ils n’auront pas gain de cause. Or là, rien n’est joué sur le long terme, ni dans un sens, ni dans un autre. Quel camp succombera le premier à la lassitude ? Rappelons brièvement les données : le référendum d’autodétermination, illégal, avait donné 90 % de oui à l’indépendance mais sur 40 % de votants seulement, ce qui est loin de faire une majorité en faveur de la sécession de la Généralitat. Les condamnations des responsables politiques catalans à des peines de prison allant jusqu’à 13 ans, ont déchaîné les passions à Barcelone et exacerbé les tensions. Le pouvoir central, provisoirement socialiste jusqu’aux prochaines élections générales en avril je crois, semble ne pas céder.
Cette affaire, comme l’inexcusable translation des restes du généralissime Franco, sujet que j’aborderai plus loin, va durablement marquer Pédro Sanchez, le président du gouvernement. Dommage que le roi Félipe n’intervienne pas dans le débat car, même si constitutionnellement il n’est pas en charge de la direction de l’Espagne, sa position d’arbitre et de garant de l’unité du pays, redorerait le blason de la monarchie espagnole qui, elle aussi, à terme, semble bien menacée ! En attendant, les foules envahissent les rues de Barcelone où un touriste français est mort dans ces échauffourées, les manifestants ayant empêché les secours de passer.
Au Liban, autre peuple, autre décor, autres motifs de mécontentement des foules. Décidément, partout ou presque, les gens descendent dans la rue et veulent que ça change. Du jamais vu depuis 2005 et la « révolution du cèdre » qui chassa l’occupant syrien, après l’assassinat d’Hariri père et son escorte.
On estime à un million de personnes, entre le quart et le tiers de la population, le nombre de Libanais qui sont descendus dans les rues ; imaginez-vous 20 millions de Français dehors, on est loin, ici, dans cette configuration, des samedis des gilets jaunes. Pour l’instant, pas trop d’accrochages avec les forces de l’ordre qui, par endroits, semblent sinon fraterniser, à tout le moins avoir de la sympathie.
La caractéristique de ce mouvement sans précédent, c’est qu’il traverse toutes les classes, toutes les communautés, tous les partis. N’oublions pas qu’un million de Syriens, réfugiés, vivent aux crochets du Liban si je puis dire, et qu’environ 1,5 million de Libanais sont en dessous du seuil de pauvreté tel que calculé par l’ONU. Les motivations sont diverses, comme la dénonciation de la corruption ou l’échec des pouvoirs publics à lutter contre les incendies. Mais la goutte d’eau faisant déborder le vase, c’est l’imposition des systèmes de téléphonie internet gratuits comme Whats.app.
(N’oublions pas l’importance des liaisons avec la nombreuse diaspora libanaise).
Un mouvement appelé Mouwatinoun wa mouwatinat issu de la société civile, milite ouvertement pour la déconfessionnalisation du système politique qui répartit tous les postes en fonction de son appartenance ethno-religieuse. Samir Geagea, leader des Forces libanaises, un chrétien qui a goûté trop longtemps l’accueil sympathique, n’est-ce pas, des cellules syriennes, a annoncé la démission de son ministre du cabinet conduit par Hariri junior, un sunnite.
Les Chiites du tout-puissant Hezbollah comprennent qu’aussi, dans leur fief du sud Liban, des manifs ont eu lieu. Walid Joumblat, leader des Druzes, à la tête du Parti socialiste progressiste, a bien présenté un plan, approuvé par le gouvernement, mais son programme a, semble-t-il, été rejeté par les manifestants. Sur quoi cela va-t-il déboucher ? N’oublions pas que ce pays est une mosaïque fragile et qu’un rien peut le fracturer. Aux frontières, la Syrie et Israël sont aux aguets et n’oublions pas que le Hezbollah, la milice chiite, soutenue par l’Iran, est aussi puissant que l’armée libanaise, très composite qui, pour l’instant, n’a pas craqué. Pour combien de temps cette ancienne merveilleuse « Suisse du Proche-Orient » tiendra-t-elle ?
Terminons par Hong-Kong ce petit tour du monde des manifestations populaires. Eh bien, rien n’a changé, chacun campe sur ses positions. Tout le monde est dans les rues. Le gouvernement local, pro-Pékin, ne bouge pas, les protestataires du mouvement des parapluies non plus. La police est toujours aux ordres, et les nervis de Pékin aussi. Jusqu’à quand la Chine communiste tolérera-t-elle l’audace des Hongkongais, car il saute aux yeux que la majorité des habitants est derrière les manifestants. La perfide Albion, en se débarrassant de sa colonie en 1997, savait-elle ce qu’elle faisait ? Il est vrai qu’avec les Britanniques, il faut s’attendre à tout : le drame de Mers-El-Kébir, en 1940, devrait nous rappeler qu’il ne faut jamais faire confiance à ces gens-là ! Voyez la tragicomédie du Brexit !
Avant de conclure notre tour d’horizon, promis, juré, pour ne pas alourdir notre entretien de ce jour, je ne parlerai que la semaine prochaine des élections suisses qui viennent d’avoir lieu le week-end dernier, chez nos voisins. Avant de vous quitter, j’aimerais pousser, Pierre, un double coup de gueule. D’abord, je suis indigné par l’arbitraire translation des restes du général Franco depuis le Val de los Caïdos jusqu’au cimetière d’El Pardo, où son épouse est inhumée, localité située dans la banlieue de Madrid où le caudillo avait sa résidence. Vous savez Pierre, à quoi on reconnaît les cons, selon la définition qu’en faisait Audiard ? Et bien « Un con ça ose tout, et c’est à ça qu’on le reconnaît ». Pédro Sanchez, le chef provisoire du gouvernement socialiste espagnol et ses ministres, en ont tout à fait le profil !
Il y a un autre fait, dramatique, qui s’est déroulé au Kurdistan syrien, et qui devrait, aurait dû en tout cas, provoquer les protestations unanimes de toutes ces féministes qui pleurnichent à longueur de colonnes ou jusqu’à l’épuisement des ondes, sur les « féminicides ». Eh bien, nous avons assisté, impuissants, à l’assassinat dans des conditions horribles d’une pasionaria kurde, Havrin Khalaf, jeune femme de 35 ans, militante engagée des droits de la femme dans une région où, c’est le moins que l’on puisse dire, elles n’ont pas beaucoup de droits.
En pleine offensive turque – offensive, rappelons-le, tolérée par Trump qui veut ramener les « boys » au pays, toute cette affaire sent le coup monté, je dirai concerté –, cette jeune femme de 35 ans a été exécutée avec son chauffeur dans des conditions d’une sauvagerie innommable, car elle aurait été violée avant d’être lapidée. Les commanditaires ?
Inconnus, mais quand on sait qu’elle militait au sein « d’Avenir de la Syrie » pour une Syrie fraternelle regroupant les peuples Arabes, Turkmènes, Kurdes, qu’ils soient de confession musulmane, chrétienne ou yézidi, on se tourne vers les spadassins de Mr Erdogan, cette pseudo armée syrienne libre. D’ailleurs, un quotidien turc n’a pas hésité à écrire « à la suite d’une opération réussie, la secrétaire générale du “Parti Avenir de la Syrie”, a été mise hors d’état de nuire. »
On voit mal la Syrie de Bachar, pour le moment, se mettre à dos les Kurdes alors que son armée est en pleine reconquête du nord du pays, et que les milices du YPG ont fait appel à lui. Une fois de plus, une fois de trop, les Occidentaux, oui, nous, Américains et Français, avons abandonné des alliés au milieu du gué, comme nous le fîmes au Sud-Vietnam et en Algérie. Sans oublier que la perfide Albion, bis repetitas, a complètement trahi ses enfants de Rhodésie en 1980. Mais ceci est une autre histoire, comme aurait dit Kipling… À la semaine prochaine, et en attendant, tournez bien avec elle !
EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !
Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !
EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.
Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.
Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.
EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.
Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
Quatre solutions pour nous soutenir :
1 : Faire un don par virement bancaire
Titulaire du compte (Account Owner) : EURO LIBERTES
Domiciliation : CIC FOUESNANT
IBAN (International Bank Account Number) :
FR76 3004 7140 6700 0202 0390 185
BIC (Bank Identifier Code) : CMCIFRPP
2 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)
Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
3 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés
à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France
4 : Faire un don par carte bancaire
Pour cela, téléphonez à Marie-France Marceau au 06 77 60 24 99