22 avril 2018

Sept ans avec les Harkis

Par Fabrice Dutilleul

Entretien Paul Margolis, auteur de Sept ans avec les Harkis (éditions Dualpha)

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Votre parcours professionnel vous a mené, en tant que policier, du Maroc à l’Algérie, puis en métropole ; racontez-nous…

À 18 ans, vivant au Maroc, je devance l’appel et vis les premières joyeusetés concoctées par les rebelles en 1955. Libéré en 1956, à 20 ans, j’entre dans la police et sors major de ma promotion. Du fait de l’indépendance, les Français servent alors en tant que cadres techniques. Nos collègues marocains sont sympathiques, mais la population beaucoup moins : elle digère mal le fait, qu’indépendante, elle doive encore se soumettre à des policiers français. Je représente la France et ne courbe jamais la tête, mais ça sent rapidement le roussi.

Paul Margolis.

Paul Margolis.

Je rentre donc en France et parviens à intégrer la Préfecture de Police de Paris, plus précisément la Police Judiciaire, le fameux 36 quai des Orfèvres. Compte tenu de mes douze années passées au Maroc, on m’affecte à la Brigade des Agressions et Violences, devenue en réalité la Brigade Nord-Africaine de la PP. Là encore, je rencontre des collègues accueillants, dont certains sont détachés de la Crim’ (la Criminelle) et ont un passé prestigieux de résistants…

Je travaille également avec des collègues musulmans dont j’apprécie le courage, le patriotisme et l’efficacité. Cependant les lois de temps de paix ne nous aident guère alors que nos adversaires, eux, « n’ont pour morale que l’action » ainsi que Tolstoï définissait son combat terroriste. La justice, de son côté, n’inflige jamais la misérable peine maximum prévue par le Code pénal. Notre travail est passionnant, mais ne débouche guère sur des sanctions sévères. Nous risquons notre vie chaque jour – ce qui est normal pour un policier –, mais pour envoyer des tueurs en correctionnelle pour quelques mois de prison seulement.

Je décide de renoncer à une carrière qui s’avérait prometteuse (aux dires mêmes de mes camarades) et d’intégrer la Sûreté nationale en Algérie en janvier 1958.

À 21 ans (moins 8 jours), je suis affecté à Biskra, puis à Constantine où je vais vivre les plus beaux moments de ma vie autour du 13 mai. Là tout paraît possible tant un élan palpable rapproche en une journée les deux communautés. Les musulmans sentent enfin qu’on les considère comme des « Français à part entière ».

Je réintègre ensuite l’armée au sein d’un des commandos de chasse créés par le général Challe, composés à parts égales d’appelés du contingent et de harkis qui me rappellent les supplétifs marocains que j’avais côtoyés quatre ans plus tôt. Lors d’opérations diverses, tantôt en commando de trois/quatre hommes, tantôt avec les 130 gars du Commando V 25 ou encore à plusieurs centaines dans le cadre des opérations « Jumelles » ou « Pierres Précieuses », j’apprécie le courage et la pugnacité des harkis.

Ces retrouvailles me poussent un an plus tard à m’orienter vers une organisation composée exclusivement de supplétifs et dépendant du Ministère de l’intérieur bien qu’effectuant un travail militaire : les Groupes Mobiles de Sécurité où je vais être recruté comme chef de section. Il s’agit de la période la plus exaltante de ma vie.

Énormément de livres sont parus sur la guerre d’Algérie… Qu’apporte de nouveau votre témoignage ?

Mon témoignage me semble différer d’abord par la diversité des expériences que j’ai pu vivre au sein des forces de l’ordre alors que les autres racontent leur vécu limité dans le temps et dans le lieu ; ensuite par ma philosophie très particulière concernant l’obéissance aux lois et surtout aux ordres allant souvent au-delà ou en deçà des deux. Le 24 décembre 1960, notamment, j’ai bravé les ordres d’un commandant qui m’ordonnait d’aller sur un terrain d’aviation pour « cueillir » Salan et l’abattre s’il tentait de résister ; je lui ai affirmé que « je me mettrais à la disposition du général Salan avec toute ma section s’il atterrissait effectivement ». En réalité, j’ai toujours agi selon MA conscience, en dépit des ordres et des lois, alors qu’un militaire ou un policier « classique » finit la plupart du temps à obéir aux ordres, même contraires à la loi, qui doit pourtant primer sur les ordres (« Ordre de la Loi et commandement légitime »).

La tragédie vécue par les harkis est-elle mieux connue aujourd’hui des Français de métropole ?

Oui, je le crois et surtout grâce à la véritable pédagogie dont nous, « les anciens », avons fait preuve sans cesse depuis 50 ans ; mais aussi grâce à la reconnaissance officielle des torts de l’État initiée par Chirac (c’est d’ailleurs le seul acte positif dont on peut le gratifier, mais il est de taille). De nombreuses stèles ou monuments ont été érigés depuis mais cela n’ôtera rien à l’amertume des harkis de la 1re génération et parfois au mépris de leurs enfants et surtout petits-enfants. Le souvenir des abris de fortune où l’État gaulliste (et ses successeurs) les a fait vivre et surtout leur mise à l’écart des populations métropolitaines n’est pas encore altéré.

Comment sont appréhendés aujourd’hui les Harkis en Algérie… et en France ?

En Algérie : le FLN est toujours au pouvoir et entretient donc la haine des harkis comme de la France, au demeurant. Il paraît que certains harkis ont eu l’audace de retourner voir leur famille et ont été bien reçus même par la population : mais tant que la « fellaghie » ne sera pas devenue une démocratie, tant que les dirigeants historiques et leurs ayants droit n’auront pas gagné les cimetières, la névrose du FLN vaincu par les armes dès 1960 leur interdira de faire la paix.

En France : depuis le début, nos concitoyens ont toujours fait la différence entre les harkis et les autres… chaque fois qu’ils ont pu avoir des contacts avec nos frères d’armes.

Sept ans avec les Harkis de Paul Margolis, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 538 pages, 37 euros.

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