16 mai 2017

Les enfants de SAS

Par Georges Feltin-Tracol

 

Le 31 octobre 2013 décédait à l’âge de 83 ans l’écrivain et journaliste Gérard de Villiers, créateur de Malko Linge alias SAS (Son Altesse Sérénissime). Quelques mois plus tôt était parue la 200e aventure du fameux agent autrichien de la CIA, La Vengeance du Kremlin.

Allant sur place plusieurs semaines et obtenant des données confidentielles d’honorables correspondants, Gérard de Villiers exprimait un point de vue atlantiste et pro-occidental assorti d’une conception phallocratique blanche à faire frémir les féministes les plus remontées.

Était-il un agent d’influence occidental ? En tout cas, les réseaux qui lui fournissaient de la matière viennent de trouver son successeur capable de diffuser leurs renseignements et de modeler subtilement l’opinion publique.

Au début de cette année, Le Livre de poche a publié une nouvelle série intitulée KO. En relation étroite avec les « Services », les journalistes, les cabinets ministériels, les ONG et les hackers, l’auteur, Alex de Brienne porte ce pseudonyme qui se réfère au siège historique du ministère français de la Défense.

Par KO, il désigne les initiales de ses héros : Kali et Odys Grant, deux citoyens helvétiques. Redoutable informaticien pirate pour sa sœur jumelle, Odys est officiellement chef du protocole aux Nations unies à Genève. Agent de terrain, polyglotte et experte en arts martiaux, Kali agit pour un mystérieux Lord Byron qui travaille pour Sa Gracieuse Majesté.

Deux volumes sont déjà parus : Opération Mossoul et Massacre à Odessa. Ce dernier qui ouvre la série revient sur l’incendie criminel à la Maison des syndicats d’Odessa dans laquelle moururent vifs des militants pro-russes en 2013. L’auteur adresse un clin d’œil sympathique à Villiers. Dans l’avion qui l’emmène à Kiev, Kali « commença à lire un SAS de Gérard de Villiers, Le Cartel de Sébastopol. N’en déplaise aux critiques qui l’avaient snobé pendant toute sa carrière, Villiers savait comme personne nous familiariser avec un pays, ses mœurs et ses agences de renseignements » (p. 43).

D’ailleurs, la trame est assez proche de ses propres intrigues. Analyses géopolitiques et coups tordus des services secrets cohabitent avec les moments d’action et les inévitables scènes de sexe avec cette nouveauté : Kali est une redoutable coureuse de jupons ! Cela préfigurerait-il un prochain James Bond homosexuel, voire d’origine africaine ?

Dans Massacre à Odessa, les pro-russes et les nationalistes ukrainiens sont dépeints en brutes violentes et en trafiquants liés aux oligarques et aux mafias locales, ce qui montre une bonne connaissance du terrain. On y trouve aussi de vives critiques à l’égard de la Russie de Poutine. Y sont évoqués les clans antagonistes du Kremlin. En revanche, l’auteur n’insiste jamais sur la lourde responsabilité des puissances occidentales (États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, France) dans le drame ukrainien.

La guerre culturelle et la guérilla de l’information constituent des vecteurs souvent anodins. La littérature dite de gare, style SAS et maintenant KO, en fait partie. Ces fictions d’espionnage inspirées de faits réels apportent un éclairage intéressant – mais biaisé – sur les coulisses véritables des grands événements mondiaux.

Cette chronique hebdomadaire du Village planétaire, n° 33 a été diffusée sur Radio-Libertés le 12 mai 2017.

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Philippe Randa,
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