Nationalisme, mondialisme, européisme
Quand on veut bien prendre au sérieux la question de l’Europe, il apparaît aussitôt, soit une méconnaissance du sens des mots employés, soit une mésinterprétation, savamment entretenue, de certains termes, qui créent de nombreuses ambiguïtés ou qui dissimulent des contradictions et des arrière-pensées.
Nous retiendrons ici trois concepts, qui sont les plus essentiels, et que nous définissons immédiatement : le nationalisme (ou sa version alambiquée du souverainisme) est le refus indubitable de l’Europe, quelles que soient les précautions prises quant à sa formulation. À l’opposé, le mondialisme libéral (et il en va de même de l’internationalisme socialiste) instrumentalise l’idée de l’Europe afin que l’Union européenne remplisse son rôle d’agence modèle du marché mondial ; son dépassement dans le Global Free Trade est l’acte final programmé. Contre l’impasse géopolitique que représente le nationalisme, et face à l’autodestruction libérale des nations européennes, l’européisme est l’affirmation de l’Europe sauvegarde, en tant qu’entité politique souveraine riche de sa civilisation singulière.
À l’appui de ces dires, examinons brièvement la portée politique de ces trois concepts, en mettant en relief leurs présupposés.
Sous ses formes multiples, le discours nationaliste est la négation explicite ou implicite de l’idée de l’Europe. Dans le premier cas, celui du lepénisme, elle s’exprime à travers la dénonciation de l’Union européenne, et de toute autre construction communautaire. On peut lui assimiler le discours de ceux qui, à gauche, et avant tout par germanophobie, réclament la fin de la zone euro. Dans le second cas, celui du gaullisme revendiqué ou celui de l’ethnocentrisme atavique, on pratique l’artifice, le camouflage, en se prononçant pour l’Europe, mais en lui refusant les moyens de devenir une puissance. Et pour se donner bonne conscience, on avance cette équation impossible : « Faire l’Europe, sans défaire la France ». On n’arrive pas à imaginer que la nation française puisse se perpétuer dans un État européen multinational.
Pour les mondialistes, de droite et de gauche, qui gouvernent à Bruxelles et que l’on retrouve dans tous les gouvernements nationaux, l’Europe n’est pas une fin en soi. Leur idéologie les conduit à un au-delà universel, bien que leur pensée promue universaliste soit parfaitement eurocentrique. En effet, elle nous vient du XVIIIe siècle occidental, et, à ce titre, elle est évidemment socio-historiquement marquée. Ce qui explique son décalage avec la réalité contemporaine et tous les déboires qui en découlent pour les sociétés européennes (Cf. Un européisme offensif pour surmonter le monde – Metamag).
Face à la perte des repères inhérente à la nouvelle constellation mondiale, l’européisme est la seule attitude positive possible. D’une part, parce qu’il conçoit l’Europe des nations au sein du même Etat européen, en les faisant communier dans une puissance unique. D’autre part, parce que de la sorte, il offre la seule porte de sortie de la mondialisation qui soit, et que, pour cette raison, il est le seul susceptible de redonner confiance en eux aux Européens.