19 décembre 2025

Mylène Farmer au Royaume des Soviets

Par Euro Libertes

par André Waroch

Il est très délicat de définir ce que fut, et ce qu’est peut-être encore, le romantisme, qui se manifesta, historiquement, comme un assemblage d’éléments disparates ; mais un assemblage dont la cohérence, la profondeur, la pertinence et la vérité ne faisaient aucun doute. Il ne fait aucun doute non plus que ce mouvement, si massif, si évident dans sa nature et dans son déploiement, fut d’abord et avant tout dirigé contre la France, alors toute-puissante en Europe, contre cette nation profondément malade qui tenta de contaminer ses voisins, puis le monde entier, utilisant sa supériorité démographique, économique et militaire pour convertir tout ce qu’elle pouvait d’humanité au rationalisme et à son corollaire, l’égalitarisme. Le romantisme, venu d’Angleterre et d’Allemagne, exalta en retour la subjectivité, la singularité, l’imagination, le surnaturel, les amours perdues, l’inutile et le crépusculaire.

Révélons un secret de polichinelle, et disons-le une fois pour toutes : la France est le premier pays communiste de l’histoire. D’un communisme doucereux, rampant, fourbe. Alors que la révolution marxiste-léniniste foudroya pour toujours la vieille Russie des Tsars, sans aucun retour en arrière possible, la Révolution française n’apparaît finalement que comme la manifestation particulièrement spectaculaire d’une sorte de mal insidieux, presque congénital, métastasant depuis des siècles et des siècles dans l’esprit collectif, finissant par infiltrer si profondément toutes les parties du corps qu’il devient inopérable. Peu importe, au fond, le régime politique, République, Empire, Restauration, Seconde Restauration, Second Empire : le communisme reste l’alpha et l’oméga de toute pensée française.

On a réduit trop longtemps la critique de cette idéologie, qu’il s’agisse du communisme tel qu’officiellement appelé et s’étant principalement incarné en Eurasie au XXe siècle, ou du pré-communisme philosophique tel qu’il fut forgé par la France, à deux uniques éléments : sa cruauté à l’égard de la population (des massacres de Vendée au goulag) et son incurie économique (des pénuries soviétiques structurelles montées en épingle par la propagande américaine à l’hyperfiscalité hexagonale actuelle). Critiques grotesques, dérisoires, passant totalement à côté de sa véritable nature et de son réel objectif : l’égalité des êtres humains par tous les moyens.

Il est absolument vain de penser que ce désir forcené d’égalité peut rester cantonné au champ économique. Ce processus s’étend à tous les domaines de la vie humaine et devient immédiatement indifférenciation, conformisme, uniformité.

On n’a pas assez fait remarquer que presque tous les pays devenus communistes à partir de 1917 sont des pays asiatiques : Chine, Vietnam, Corée du Nord, Cambodge, Laos… (nous comptons « pour du beurre » les pays européens ayant été simplement obligés d’adopter, en 1945, la même idéologie que le pays asiatique qui les avait écrasés : la Russie soviétique.)

Tous les Occidentaux ayant vécu longtemps en Chine, au Japon, en Corée, ont témoigné du fossé anthropologique séparant ces populations des populations occidentales :  la négation de l’individu, de la liberté individuelle, la priorité absolue donnée au groupe et à la cohésion du groupe.

De même que le communisme au XXe siècle ne fut rien d’autre que la manifestation du rejet définitif et brutal, par les masses asiatiques, de l’individualisme occidental, le romantisme ne fut rien d’autre que la manifestation occidentale du rejet, par les peuples non latins, du soft-power français, c’est-à-dire la religion de l’égalité.

La France est en réalité le seul pays européen qui n’a pas eu besoin de Karl Marx pour hacher menu au nom de cette religion. (Et, comme pour la Russie stalinienne, les massacres et la répression internes trouvèrent leur solution – et leur fin – dans la guerre à outrance menée, au nom de la nation nouvelle, contre les autres pays européens).

Il est devenu un lieu commun de dire, aujourd’hui, que le cinéma français n’offre plus le choix qu’entre des comédies lourdingues produites à la chaîne et des pseudo-films d’auteur sans spectateurs mais gavés de subventions d’ État. Beaucoup ont incriminé le gauchisme, pourtant relativement récent. Mais, même à l’époque de Delon et Belmondo, on pouvait se demander : pourquoi ce cinéma ne produit-il jamais de films de science-fiction ? pourquoi jamais de films fantastiques ? pourquoi jamais de films d’horreur ?

La réponse se trouve quelque part dans les méandres inexplorés de l’étrange rivière parcourant cet étrange pays en charriant tant d’idées reçues et de non-dits devenus principes, et, parmi ceux-là, l’interdiction de l’extraordinaire, du magique, de l’exceptionnel, du mystique. Il est d’ailleurs à noter que les quelques films s’étant permis de franchir cette ligne rouge (Les Maîtres du temps, Le Passage, Simple mortel, Le règne animal, L’Homme qui rétrécit) se sont vus systématiquement sanctionnés au box-office, comme si les Français eux-mêmes n’acceptaient pas que leur industrie cinématographique ose sortir des sentiers battus.

Les nouvelles les plus connues de Maupassant ont été adaptées pour la télévision dans une série d’anthologie appelée « Chez Maupassant » dans les années 2000-2010. À part, comme par hasard, la plus connue : Le Horla, qui n’a comme seul défaut que d’être un récit clairement fantastique. On ne saurait illustrer de manière plus parlante ce point aveugle de notre culture : l’impératif du réalisme et du rationalisme. Ainsi, avant même que la gauche ethnomasochiste réduise encore le champ des possibles, le cinéma hexagonal se voyait déjà dramatiquement limité. On pourrait parler d’un véritable tabou.

Et c’est dans les années 1980, au plus fort de cette idéologie mêlant le snobisme, le conformisme, l’égalitarisme, le rationalisme, le communisme uniformisateur, que Mylène Farmer arriva. La nature de cette éclosion est en elle-même un défi au rationnel et une singularité qui interroge. À la différence de Johnny Hallyday, qui s’infiltra et s’inscrivit dans l’explosion de masse des yéyés, son explosion médiatique ne s’insère dans aucun mouvement, aucune école musicale. De façon parfaitement incongrue, sans aucun précédent et sans aucun successeur, elle et Laurent Boutonnat imposèrent, en deux ou trois chansons et autant de clips-fleuves, le retour de l’ancien régime. C’est cette image de la chanteuse, principalement dans Libertine et Pourvu qu’elles soient douces, qui s’imposa définitivement, malgré et même contre les élites, à la manière d’un Luc Besson au cinéma (qui réalisa avec Le Grand Bleu un film authentiquement romantique).

Même si elle joua bien d’autres rôles, Mylène Farmer reste, pour l’éternité, cette vouivre déguisée en garçonne poudrée, cette sirène terrestre qui assume la mort parce qu’elle assume la vie, qui assume la pudeur parce qu’elle assume le sexe, qui assume la laideur parce qu’elle assume la beauté, et qui est la négation absolue de tout ce que la France tente d’imposer à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières depuis le XVIIIe siècle.

Dans ces deux clips, l’individu qu’elle incarne sans en être lui-même issu, évolue dans un milieu clairement aristocratique. Si, malgré toutes ces années et tous ses succès ultérieurs (bien que, rappelons-le, elle n’ait jamais autant vendu de disques qu’à cette époque) cette image de l’artiste continue à s’imposer, c’est que tout en elle l’y rattache. Rien de plus aristocrate, rien de moins égalitaire, rien de moins banal, rien de moins collectif et participatif que les personnages incarnés par Mylène Farmer, et que Mylène Farmer elle-même, devenue son propre personnage.

Cheveux rouges au vent, chevauchant comme personne, maniant l’épée et le pistolet à silex, elle joue le romantisme dans ce qu’il a de plus implacable et de plus violent, et on doit toujours se rappeler du clip kolossal de Pourvu qu’elles soient douces, exutoire télévisuel au moment où déjà, hors comédies, notre cinéma n’arrivait plus à inventer que des histoires de cadres supérieurs fatigués joués par Daniel Auteuil dans des films de Claude Sautet (selon les époques, remplacer Auteuil par Bacri ou Sautet par Jaoui). Ce clip dans lequel elle reprend son personnage de Libertine là où elle l’avait laissé et s’infiltre de nouveau dans les milieux aristocratiques, en l’occurrence, après quelques péripéties, dans la tente d’un officier anglais aux prises avec les troupes de Louis XV pendant la guerre de Sept Ans. Au matin, le camp militaire est attaqué par l’armée française et l’officier abattu dans le dos. La boucle est bouclée : Mylène Farmer désigne bien son propre pays comme l’ennemi irréductible.

On a beaucoup détesté et beaucoup brocardé Bernard-Henri Lévy. Un peu trop, peut-être. Ayant lui-même choisi de sacrifier la postérité de ce qu’il pouvait avoir de talent littéraire à ses croisades politiques, il se rendit aussi coupable de quelques intuitions fulgurantes, à commencer par celle-ci, incluse dans son livre le plus haï, L’idéologie française :

« J’habite un pays étrange, extraordinairement mal connu, ceint d’une haute muraille de brumes, de fables et de mirages. J’y suis, nous y sommes tous, comme d’irréels rodeurs, d’improbables vagabonds déambulant à l’aveugle dans une mémoire ruinée, semée d’obscurités et de mystérieuses plages de silence. »

EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !

Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !

EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.

Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.

Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.

EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Quatre solutions pour nous soutenir :

1 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)

Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
 

2 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés

à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France

Partager :