Gérard Marin : un Grand Reporter s’en est allé…
Hommage rendu le 3 août 2016, lors de la messe célébrée à sa mémoire (extrait).
Gérard a aimé ses parents, mais il vouait une admiration toute particulière à son père : ancien combattant de 1914-1918, militant de l’Action française, catholique traditionaliste, puis résistant à l’Occupant, puisqu’il transmit à la Résistance, au péril de sa vie, les cartes de transport de la SNCF. Gérard fut très récemment profondément ému par l’un de ses invités, qui, dans un livre sur les tranchées, lui rappela que son père – et, je crois, son oncle – avaient vécu cela.
Gérard était très fier d’avoir été scout (dit Petit Lou) à la 93e Paris, pour lui l’une des meilleures Troupes pour « son extraordinaire réputation et son dynamisme », attachée à cette même église où nous sommes, proche de son domicile de l’époque et du quartier où il a souhaité retourner, quand l’évolution de la rue de Belleville les conduisit, il y a quelques années, à vendre la délicieuse maison parisienne qu’il occupait avec « sa tendre Anick » !
Pendant l’Occupation, et hors les étés passés dans les Landes chez ses grands-parents, il oubliait le grand froid de l’appartement familial en lisant, enveloppé dans son manteau. Ses lectures étaient éclectiques : journaux de l’époque, mais aussi de 14/18, journaux satiriques et de voyages qui lui donnèrent le goût du journalisme et l’envie de connaître le monde. Cela devait le conduire à ce rôle de Grand reporter qu’il exerça avec honnêteté, compétence et, ce qui est rare aujourd’hui, respect pour ses lecteurs et leurs opinions.
Démontrant déjà ce très grand courage dont il fera preuve par sa plume toujours franche, il va participer à la création d’une petite revue étudiante qui dénonce l’Occupation. Sa résistance d’adolescent et celle de son père ne l’empêchent pas de lire des auteurs devenus peu politiquement corrects, dont Brasillach et Cousteau.
Après une courte expérience à la SNCF, il entre en mai 1946, tout en bas de l’échelle, au Figaro, grâce à Jean-Henry Morin, connu de son père.
Devenu grand reporter, à l’International, Gérard est en Algérie dès 1955. Pas spécialement inspiré par le combat de l’Algérie française – bien qu’il prenne déjà en pitié pieds noirs et harkis, par lucidité sur ce que deviendrait l’Algérie en cas d’Indépendance – il est retourné par le drame qu’il vécut le 26 mars 1962, Rue d’Isly.
Gérard, présent en tant que reporter, est, lui-même, obligé de se jeter dans un caniveau, avant de se réfugier dans un couloir pour échapper à une mort certaine. Il ne pardonnera jamais que des dizaines de Français aient pu être assassinés par des militaires portant l’uniforme de l’Armée française. Fusillés alors que, manifestants pacifiques, ils brandissent le Drapeau aux trois couleurs et chantent La Marseillaise, ayant simplement pour objectif d’apporter vivres et soutiens à un quartier assiégé et affamé depuis des jours, sans soins, femmes et enfants compris. Il écrit et raconte son horreur, de même que le mensonge d’État qui s’ensuit. Cela lui vaut d’être expulsé pour la deuxième fois d’Algérie par le Pouvoir. Gérard fera, il y a quelques années, le plus émouvant récit de cette tragédie, sur Radio Courtoisie. Il vantera plus tard les bienfaits de la colonisation, ce qui démontrera son évolution.
Mais on va aussi le voir parcourir le Monde lors de guerres, révolutions et catastrophes : Viêt Nam, Agadir, Congo belge, Guerre des Six jours, Guinée, guerre algéro-marocaine, etc. Il prend souvent de très grands risques.
Et ceci, jusqu’à sa rencontre avec Anik Marti. Il décide alors de se consacrer à sa famille. Anik, que beaucoup d’entre nous, ici présents, connaissent pour son rôle d’assistante de Gérard à Radio Courtoisie était, elle-même, une grande journaliste culturelle du Figaro.
En 1975, Gérard est co-rédacteur en chef du Figaro. Il a aussi la responsabilité des pages Radio-télévision. Rappelons qu’il disait toujours que son titre principal était celui de grand reporter, car il en était fier.
Il gardera toujours, malgré les longues quarante-huit années qu’il y a passées, le même amour et la même fidélité pour le journal. Benoist-Méchin, Max Clos sont parmi les noms qu’il évoquait pour moi… pardon : pour tous les autres. Je ne l’ai connu qu’après Le Figaro, mais avant la Radio. Immédiatement, j’ai été conquis par les récits qu’il faisait de sa vie au journal, de ses patrons et de ses confrères. On sentait combien il avait aimé ce métier et ce grand journal, même si parfois il regrettait la période qu’il y avait connue.
Oui, Gérard n’était pas que la Radio. Talent d’écrivain, de journaliste, homme de plume dont les écrits avaient la même force que sur les ondes et bénéficiaient de cette excellente langue française qu’il maniait à la perfection.
Certains ne savent peut-être pas qu’il est un peu celui grâce à qui l’Abbé Pierre a été connu du Grand public. Abbé qu’il avait connu lors de reportages sur les premières communautés d’Emmaüs et qui lui avait demandé de « contraindre son patron à faire paraître son « J’accuse ». »
Tout petit et jeune reporter, Gérard osa plaider auprès du grand Pierre Brisson, directeur du Figaro, pour que le journal publie cette lettre que l’Abbé adressait aux pouvoirs publics, à l’occasion du grand froid 1954. Elle parut le 7 janvier dans le journal. Si l’émouvante et passionnée intervention de l’Abbé sur Radio Luxembourg bouleversa trois semaines après les foules et mobilisa les Français comme jamais, il est évident que la porte avait été entre-ouverte par notre ami au grand cœur. Plus tard, Gérard écrivit et fit paraître, avec Roland Bonnet, le livre La Grande Aventure d’Emmaüs.
En 1993, en désaccord avec le vice-président/D.G., il quitte le journal. Il prendra la tête du Libre journal des médias sur Radio Courtoisie, puis deviendra en 2008 l’un des animateurs du Libre journal de la Résistance française.
À Radio Courtoisie, je le qualifiais de « Grande Gueule de la Radio », comme pour mes autres amis, Serge de Beketch et le Commandant Guillaume, dit, contre son gré, « Le Crabe tambour ». « Grande Gueule » comme on le dit, avec le plus grand respect, de Jean Gabin ou de Lino Ventura. Certes, j’ai à la Radio d’autres amis tout aussi compétents et courageux. Mais les trois étaient mes « grandes gueules » car ne se privant pas de colères homériques. Pour avoir reçu des auditeurs, je sais qu’ils étaient reconnus comme tels et combien sa disparition va s’ajouter à ces pertes immenses que la Radio a connues depuis ses débuts, dont celle de son fondateur, Jean Ferré. Je perds en un an deux de mes plus grands amis, Emmanuel Ratier et Gérard.
Je garderai de ce dernier le souvenir de ses grandes colères contre le Fisc et son inquisition. Il n’était pas non plus très « finance ». Sa passion de la politique le dévorait. Il m’invitait, car il savait que ces sujets, traités au plus proche des auditeurs les moins avertis, étaient appréciés, mais aussi par amitié. Pourtant, je sentais que, très vite, il bouillait de revenir à la politique. Il me déstabilisait parfois, car je le voyais fouiller dans ses notes et se préparer au prochain invité.
J’admirais le soin méticuleux que Gérard mettait à préparer ses émissions, la lecture complète des livres de ses invités, les marqueurs de pages et les soulignements, le document manuscrit de présentation du livre et du sujet. C’était à chaque fois un bon papier, qui aurait pu être fait pour paraître dans un journal, car tellement bien écrit. Il le lisait en ouverture de son émission, en détachant bien les mots.
Et puis, il y avait pour Gérard sa passion pour les sujets sur les médecines douces, qu’il partagea aussi avec Serge, comme leurs incompréhensions vis-à-vis des querelles entre nationaux, leurs colères contre la passivité et la trahison de nos gouvernants, leur peur de la perte des valeurs, de l’identité française et de notre culture.
Certains ont dit que Gérard Marin était parti suite à l’attentat contre le Père Hamel. Certes, il devait être dans une colère immense, d’autant qu’il était en train de préparer son émission. Colère des hommes bons et réfléchis quand ils s’élèvent contre l’injustice, la bêtise et la haine.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.