Salauds de travailleurs !
« Les gens ne veulent pas de travail, ils veulent de l’argent ! » : ce constat n’échappe plus à personne.
La réduction du temps de travail est devenue l’obsession d’une grande partie des citoyens, car on les a convaincus lentement, mais sûrement, que leur emploi était aliénant, forcément aliénant. La preuve : un siècle durant – le siècle dernier – on a eu de cesse de réduire les heures de labeur ; qu’on en juge :
– Loi de 1906 instituant la semaine de six jours (jour de repos hebdomadaire) ;
– Loi de 1919 instituant la semaine de 48 heures et la journée de 8 heures ;
– Loi de 1936 instituant la semaine de 40 heures ;
– Loi de 1982 instituant la semaine de 39 heures ;
– Lois de 1986 et 1987 introduisant la possibilité de déroger par accord de branches, puis d’entreprises à certaines dispositions légales ;
– Lois de 1992 et 1993 incitant à la réduction du temps de travail et au développement du temps partiel ;
– Accords interprofessionnels de 1995 organisant la répartition du temps de travail sur l’année ;
– Loi de Robien de 1996 offrant des allégements de charges patronales en contrepartie de réduction du temps de travail ;
– Lois Aubry du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000 instituant la semaine de 35 heures ;
Ces dernières « Lois Aubry » ont eu, plus que les autres encore, un effet pervers : elles étaient devenues un véritable tabou.
Quiconque tentait une critique était couvert d’opprobre citoyen. Pensez, un tel acquis social… Il n’y a vraiment que la « France d’en bas » qui ne comprend décidément rien à rien pour avoir sanctionné électoralement – nous étions alors en 2002 – une gauche si généreuse en lui reprochant d’avoir supprimé des heures supplémentaires qui permettaient de mettre quelque beurre dans les épinards quotidiens.
Et encore cette France-là n’avait-elle pas compris alors qu’outre cette perte, cette loi d’apprentis démagogues, allait aussi bloquer les salaires. Ils le sont toujours !
Puis, certains, moins couards que d’autres ou plus inconscients, ont susurré qu’il serait bon d’en aménager les contraintes, pour permettre aux entreprises françaises de faire face à la concurrence étrangère.
Cela a été fait, timidement, presque en s’excusant, sous les quinquennats chiraquien, puis sarkozyste, mais dans l’urgence de ralentir quelques imminents dépôts de bilan et laisser le temps aux patrons qui en ont encore les moyens, de délocaliser leur entreprise avant son prévisible dépôt de bilan : ce fut la loi du 17 janvier 2003 flexibilisant largement le temps de travail sans revenir formellement sur le principe des 35 heures.
Aujourd’hui, on tente, ici ou là, de dire qu’il est nécessaire d’abroger cette loi débile et de renégocier branche par branche, la durée et la modalité du temps de travail en fonction des impératifs de chaque secteur et de chaque profession et certains candidats à la prochaine élection présidentielle émettent désormais à leur tour quelques réserves sur ces lois restrictives de travail hebdomadaire.
Le tabou fait donc long feu et l’on peut espérer que l’avenir fasse rendre gorge à la calamiteuse rengaine du « travail aliénant ».
Une anecdote en dit long à ce sujet ; elle date d’il y a tout juste dix ans : dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 janvier 2007, les sénateurs ayant maintenu la création d’une taxe sur la distribution de textile pour financer les organismes recyclant les vêtements, un journaliste interrogeait une femme concernée par la question.
Divorcée, sans emploi, avec trois enfants à charge, elle s’était retrouvée en foyer avant d’être salariée par Emmaüs grâce à cette taxe. Elle avait ainsi pu remonter la pente et expliquait alors que sa fille de quinze ans lui avait déclaré que, plus tard, elle ambitionnait de travailler à son tour pour les entrepôts Emmaüs car «… depuis que j’y suis employée, elle me voit tellement heureuse et épanouie ! »
À croire qu’il n’y a que ceux qui, un jour, ont tout perdu, pour reconnaître encore quelques vertus au travail…
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