Au sein de la première partie, intitulée « La naissance des frontières. La souveraineté nationale », de son ouvrage Indispensables frontières (1), l’écrivain et homme politique patriote néerlandais Thierry Baudet (2),(3),(4) plaide en faveur de la défense et de la restauration des frontières nationales : la frontière permet à un État d’affirmer sa juridiction sur un territoire donné, tout en n’ayant pas la prétention d’étendre celle-ci au-delà de ce dernier.
Selon Baudet, « le supranationalisme et le multiculturalisme ébranlent le concept de compétence territoriale exclusive », le premier via des organismes internationaux et le second en malmenant l’identité collective de ceux qui peuplent le territoire : « Le supranationalisme et le multiculturalisme sont ainsi incompatibles avec les frontières qu’implique la souveraineté nationale. Le supranationalisme détruit la souveraineté et entraîne un démantèlement progressif des frontières par l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur, le multiculturalisme affaiblit la nationalité et remet donc en cause l’existence des frontières tout court. »
L’État-nation permet à son peuple de disposer d’une organisation politique en accord avec ses préférences.
L’État
Thierry Baudet retrace ensuite l’histoire de la naissance de l’État moderne, tout en abordant les écrits de divers auteurs ayant théorisé, au fil de l’histoire, des conceptions de l’État, avant de traiter la question des relations internationales qu’il conclut en citant le philosophe Emmanuel Kant et son célèbre traité de 1795 Zum ewigen Frieden (Vers la paix perpétuelle) : « L’idée du droit des gens suppose l’indépendance réciproque de plusieurs États voisins et séparés ; et quoique cette situation soit par elle-même un état de guerre […] la raison préfère pourtant cette coexistence des États à leur réunion sous une puissance supérieure aux autres qui parviendrait à la fin à la monarchie universelle. Car les lois perdent toujours en énergie ce que le gouvernement gagne en étendue, et un tel despotisme tuant les âmes y étouffe les germes du bien, dégénère tôt ou tard en anarchie. »
La souveraineté
La définition du concept de souveraineté est controversée. Cependant, selon le consensus général, quatre critères caractérisent le fait étatique souverain : l’exercice d’un contrôle gouvernemental réel et indépendant, une population, un territoire, la capacité à entrer en relation avec d’autres États.
La nation
Thierry Baudet examine, ensuite, le concept de nation afin de déterminer s’il existe un lien social, « c’est-à-dire un ensemble de valeurs, de culture et de loyauté communes, nécessaire au sein d’un État souverain afin de rendre possible l’exercice du pouvoir démocratique et le bon fonctionnement de l’État de droit », et, le cas échéant, de quel type de lien social il s’agit.
La nation « désigne une forme de loyauté politique née d’une identité collective vécue et qui serait de nature davantage sociologique que juridique, ethnique ou religieuse. »
Baudet cite Benedict Anderson et son livre, paru en 1983, Imagined Communities, qui définit les nations comme des « communautés imaginées », « parce que les individus prennent conscience de faire partie d’une communauté dont ils ne connaissent pas la majorité des membres ». Le besoin d’une certaine imagination est absolument vital pour la mise en place de la moindre expérience nationale, car il est impossible de faire la connaissance personnellement de chaque autre membre de sa nation (et encore moins d’éprouver de la sympathie pour chacun). Pour Baudet, la nation est aussi liée à la revendication d’un territoire particulier.
En outre, la loyauté nationale permet « à des personnes aux origines religieuses, ethniques, raciales ou culturelles diverses de surmonter leurs différences et de se reconnaître dans un même État souverain ».
L’auteur aborde ensuite la question de l’intégration des nouveaux arrivants sous trois approches différentes : la première consiste à estimer que l’appartenance à la nation est ouverte à presque tous ceux qui respectent la loi, la deuxième à penser que les membres de la nation le sont par la naissance et qu’un étranger ne peut en devenir membre et la troisième considère que celle-ci est une communauté fermée, mais que ceux qui le désirent peuvent en devenir membre en fournissant un effort : à travers l’intégration, puis l’assimilation.
Le modèle universaliste de la nation développé au XVIIIe siècle est celui qui s’impose lors de la Révolution française : les révolutionnaires se soucient peu de la composition ethnique ou culturelle de cette entité. En France, Joseph de Maistre, et en Allemagne, Johann Gottfried von Herder, s’opposent à cette conception. Le nationalisme allemand, né en réaction à l’occupation napoléonienne, donne naissance à une vision de la nation fondée sur la germanité et la volonté d’unir les Germanophones. Johann Gottlieb Fichte, dans ses Discours à la nation allemande publiés en 1808, proclame : « C’est uniquement par la germanité commune que nous pouvons empêcher la chute de notre nation menacée par des peuples étrangers et recouvrir encore une identité qui nous mène de l’avant et nous ferait haïr toute forme de dépendance. »
À la suite de l’annexion de l’Alsace-Moselle par l’Allemagne en 1871, ces deux conceptions s’affrontent : les Allemands prétendent que les populations de cet endroit, étant germanophones, sont allemandes alors que les Français mettent en avant la volonté de ces gens de vivre au sein de l’Hexagone.
Pourtant, au cours des années 1880-1890, en France marquée par la défaite, la vision des choses change complètement. La conception racialiste de Georges Vacher de Lapouge s’impose. Celui-ci écrit, en 1899, dans son ouvrage L’Aryen, son rôle social : « On n’entre par décret ni dans une famille ni dans une nation. Le sang qu’on apporte dans ses veines en naissant, on le garde toute sa vie. L’individu est écrasé par sa race, il n’est rien. La race, la nation sont tout. » Charles Maurras écrit en 1937 dans Mes idées politiques : « Ce n’est pas notre volonté qui nous a faits Français […] On ne choisit pas plus sa patrie – la terre de ses pères – que l’on ne choisit son père et sa mère. »
« Ce mode de pensée déterministe, qui voit la nation comme communauté déterminée ethniquement et juge l’homme plutôt que sa culture, son passé hérité plutôt que son futur choisi, atteignît son point culminant lors de l’affaire Dreyfus, qui commença en 1894 et divisa profondément la société française pendant plus d’une décennie » (5).
« Malgré la réhabilitation de Dreyfus en 1906, l’affaire divisa profondément la société française, tandis que la croyance en un Volksgeist (esprit du peuple) prédéterminé et ses compagnons de route racistes et déterministes conquirent une position forte en son sein. Le chef informel des antidreyfusards était l’intellectuel influent, écrivain et membre du Parlement, Maurice Barrés. »(6)
Thierry Baudet a une conception de la nation qui se situe entre celle qui veut que tout le monde puisse en faire partie – universalisme des lumières – et celle qui veut que seuls ceux qui sont nés en tant que membres de celle-ci soient autorisés à y adhérer – déterminisme romantique. Par conséquent, il est en faveur d’un État-nation ouvert et tolérant, fondé sur ce qu’il appelle le nationalisme multiculturel.
Conclusion
Il reste à déterminer quel genre d’effort doit être demandé aux migrants et quel type de cohésion entre les membres de la nation doit être l’objectif, ainsi que les facteurs qui contribuent à la création d’une loyauté nationale ou identité nationale et jusqu’à quel point les différences entre citoyens peuvent continuer d’exister, sans que la loyauté nationale ne laisse place à d’autres loyautés.
Notes
(1) https://eurolibertes.com/geopolitique/thierry-baudet-indispensables-frontieres/
(2) https://eurolibertes.com/politique/thierry-baudet-lhomme-politique-neerlandais-monte/
(3) https://eurolibertes.com/politique/entretien-thierry-baudet-forum-voor-democratie/
(4) https://eurolibertes.com/politique/baland-raz-de-maree-patriotique-aux-pays-bas/
(5) p. 120.
(6) Ibid.
Source
Baudet Thierry, Indispensables frontières. Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie, préface de Pascal Bruckner, Éditions du Toucan, Paris, 2015. (Traduction de : De Aanval op de Natiestaat).
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Écrivain et journaliste belge francophone (http://lionelbaland.hautetfort.com). Il parle le néerlandais (flamand), l’allemand et l’anglais. Il a travaillé dans les parties francophone, néerlandophone et germanophone de la Belgique, ainsi qu’aux Pays-Bas, et a vécu en Allemagne. Il est l’auteur de cinq livres : Léon Degrelle et la presse rexiste, Déterna, Paris, 2009 ; Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012 ; Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017 ; Pierre Nothomb, collection Qui suis-je ?, Pardès, Paris, 2019 ; La Légion nationale belge. De l’Ordre nouveau à la Résistance, collection Le devoir de mémoire, Ars Magna, Nantes, 2022.