Platon à Téhéran
Le président sortant Hassan Rohan a été réélu pour un second mandat de quatre ans. Il ne faut toutefois pas surestimer l’action du président qui, bien que représentant l’État, n’est qu’un super-Premier ministre.
République islamique depuis 1979, l’Iran est une théocratie dans laquelle le clergé chiite joue un rôle important. La Constitution du 3 décembre 1980, adoptée par référendum, transcrit dans les faits la vision politique de l’ayatollah Khomeyni. Comme tous les clercs chiites, Khomeyni a lu et médité les auteurs classiques grecs traduits en arabe et en perse farsi dont La République de Platon qui dépeint la cité idéale gouvernée par un philosophe-roi.
Révisée par référendum en 1989, la Constitution distingue très nettement le pouvoir exécutif détenu par un président qui nomme vice-présidents et ministres, le pouvoir législatif, le Majlis ou Assemblée consultative islamique, élu pour quatre ans au suffrage universel direct, et le pouvoir judiciaire avec un Chef indépendant des deux autres pouvoirs. Ces trois pouvoirs sont placés sous la supervision du Guide suprême de la Révolution islamique, soit le philosophe-roi platonicien.
Successeur de Khomeyni depuis 1989, Ali Khamenei, chef des armées, peut révoquer le président. Élu par l’Assemblée des experts (86 religieux élus par les Iraniens pour 8 ans) qui peut le révoquer, le Guide suprême désigne le Chef de la justice. Ce dernier nomme à son tour les six religieux qui siègent au Conseil des gardiens de la Constitution aux côtés des six juristes choisis par le Majlis. Ce conseil vérifie la conformité musulmane et constitutionnelle des lois et valide (ou pas) les candidatures aux élections.
Outre la suppression du poste de Premier ministre, la révision de 1989 a entériné le Conseil de discernement du bien de l’État qui entend préserver le Guide suprême des problèmes triviaux de la vie courante dont les interventions risqueraient de désacraliser la fonction. Cet autre conseil se compose de 31 membres nommés par le Guide parmi lesquels s’y trouvent de droit le président, le président du Majlis et le Chef du pouvoir judiciaire. Cet organisme tranche les conflits entre l’exécutif, le législatif et le Conseil des gardiens de la Constitution à propos des questions politiques, économiques et sociales. Ainsi le Guide suprême se réserve-t-il l’essentiel tel l’accord nucléaire conclu avec l’Occident.
La République islamique d’Iran concilie par conséquent un système théocratique et l’élection populaire, ce qui donne toute sa plasticité, son originalité et sa longévité en dépit des crises politiques fréquentes et des tentatives de déstabilisation venues de l’extérieur.
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Cette chronique hebdomadaire du Village planétaire, n° 34, a été diffusée sur Radio-Libertés, le 19 mai 2017.
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