16 septembre 2018

Être populiste pour gagner ?

Par Rémi Tremblay

 

Lorsque les élections québécoises ont été lancées, la Coalition Avenir Québec (CAQ) trônait dans les sondages. Cette formation de centre-droit n’ayant aucun adversaire à droite avait alors établi comme stratégie de recentrer son message prenant pour acquis que l’électorat de droite, n’ayant aucune alternative, voterait pour eux. Avec une ou deux petites mesures visant à contenter les identitaires, conservateurs et nationalistes François Legault pouvait espérer remporter une victoire facile, il fallait seulement éviter des dérapages, d’où le recentrage du parti et des thèmes, ce qui explique l’abandon du terme « natalité » dans le programme officiel.

Mais depuis le début de la campagne, les tuiles se multiplient et le parti qui avait une victoire majoritaire assurée pourrait ne pas remporter la mise. Le parti est passé de 35 % à 30 %, ce qui compromet son élection à la tête d’un gouvernement majoritaire. Cet état des choses a eu un impact plus que positif : Legault a dû sortir de son mutisme et commencer à traiter des thèmes qui le différencient de ses adversaires politiques, soit l’immigration et l’identité. Seul candidat ouvert à discuter de ces sujets sans langue de bois, il a commencé à adopter un ton qui se veut plus populiste, question de se démarquer et d’éviter la chute.

Abordant l’immigration à plusieurs reprises cette semaine, Legault osa la lier à la survie de la langue française et de notre identité. Dans une invective à l’égard du Premier ministre Couillard, il lança ainsi : « Il y a un risque que nos petits-enfants ne parlent plus français. Je ne voudrais pas avoir à me reprocher ça. Le Québec, en Amérique du Nord, entouré de centaines de millions d’anglophones sera toujours dans une position vulnérable. M. Couillard n’a pas compris ça. »

S’il parle de la menace que représente l’immigration, la solution qu’il présente est nettement trop conservatrice pour protéger notre langue, culture et identité de façon efficace. Il faudrait parler de remigration, mais Legault propose plutôt une simple diminution de 20 % de l’immigration qui serait effective dès la première année d’un mandat caquiste.

Cette mesure aura l’effet d’un simple bandage sur une plaie ouverte, mais on peut se réjouir qu’un parti sorte du lot dans ce domaine et ne fasse pas que promouvoir une hausse ou un maintien des seuils d’immigration. Le fait qu’il soit électoralement gagnant de proposer des baisses d’immigration pourrait changer le paradigme actuel et d’autres partis pourraient éventuellement emboîter le pas et peut-être pousser la réflexion plus loin.

Pour le moment, avec cette approche populiste, qui semble être une tentative de sauver les meubles, Legault semble reprendre du poil de la bête. Pour l’électorat moyen, composé des Québécois de souche, l’immigration et l’identité sont un sujet primordial et seule la CAQ semble l’avoir compris. Certes, il y a une bonne part de calcul électoral dans les récentes sorties du chef caquiste, mais le résultat est qu’enfin le débat sur l’immigration est lancé dans la sphère publique et ne comprend pas que des protagonistes intéressés à maintenir le système actuel.

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