Un dictionnaire hors des chemins convenus
Ancien rédacteur à L’Action Française, collaborateur à Synthèse nationale, à Réfléchir & Agir, à EuroLibertés, à Éléments, et chroniqueur hebdomadaire de l’émission « Synthèse », Aristide Leucate est aussi un auteur prolifique. À peine a-t-il publié chez Pardès un remarquable Carl Schmitt qu’il vient de sortir aux éditions Dualpha un Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (préface de Pierre Le Vigan, 2018, 393 p., 33 €).
Le recueil d’articles classés dans l’ordre alphabétique (malgré l’absence de termes commençant par les lettres K et Y) se veut comme le bilan d’un moment manqué. Bien que réunissant des millions de personnes, La Manif pour Tous a montré ses limites politiques, tactiques et militantes, expliquant son échec final. « Nos compatriotes, écrit-il, engoncés dans la défense consumériste et égoïste de leurs acquis sociaux, éprouvent, en dépit de belles mais sporadiques intentions performatives, de réelles difficultés à s’affranchir des évangiles de la pensée unique, pour oser, enfin, monter sur les barricades et jeter loin les pavés (p. 21) ». L’exemple récent des « Gilets jaunes » confirme l’analyse d’Aristide Leucate : le gouvernement recule devant la force populaire impétueuse. En prenant les cas d’Étienne Marcel, des Vendéens et de la Commune, il s’interroge encore : « La corde de l’insurrection était-elle trop courte ou le puits des audaces trop profond ? (p. 23) ». Il en déduit fort logiquement un « grand épuisement » historique des peuples de France et d’Europe.
Certes, Aristide Leucate ne cache pas son royalisme maurrassien, ce qui ne l’empêche pas d’aborder une actualité que n’aurait jamais pu imaginer le natif de Martigues. Ainsi traite-t-il du Qatar, de l’ubérisation des rapports sociaux, de Macron, voire d’Élie Wiesel. Son farouche anti-républicanisme, fort plaisant, lui permet de rappeler que « la France, à travers une politique étrangère oscillant entre ingénuité universaliste et ignorance coupable, ouvre inconsidérément ses bras à un État qui a délibérément fondé sa stratégie de puissance sur un impérialisme financier décomplexé (p. 298) ».
Même si l’on ne partage pas son avis sur l’Europe, l’avenir de la Corse ou sur une hypothétique restauration monarchique, on le rejoint volontiers quand il pense que « la fonction présidentielle, écrit-il encore, a perdu en majesté ce que ses titulaires ont progressivement engrangé en banalité vulgaire. Avec l’élection de François Hollande, la République a définitivement administré la preuve de son état moribond. Il est désormais accessible à n’importe qui de briguer la charge suprême de l’État. En somme, pour paraphraser Céline, l’Élysée serait devenu cet infini à la portée des caniches (p. 305) ». Et c’était avant la victoire d’Emmanuel Macron, le sous-Jupiter de l’Hexagone !
Outre une qualité exigeante d’écriture, il faut lire ce Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen parce qu’il pose le constat clinique sur le déclin avancé de notre civilisation. Le Romain Symmaque a trouvé son successeur, il s’appelle Aristide Leucate !
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