6 mai 2016

Sous-marins d’attaque

Par Philippe Joutier

Le 26 avril, Malcolm Turnbull, le Premier ministre australien a annoncé le choix australien pour l’avenir de leurs sous-marins, le programme « Sea 1000 » qui porte sur douze bâtiments et un marché de 34 milliards annoncés sur trente ans. Échaudés par le suédois Kockums (groupe SAAB) qui avait construit les Collins, leurs submersibles précédents, mais considérés comme peu fiables, les Australiens ne voulaient plus en entendre parler.

Deux autres pays maîtrisant cette technologie étaient en concurrence : le japon avec Mitsubishi et l’Allemagne avec TKMS. Mais la France avec la DCNS et Thales avait l’avantage.

Thales produisait déjà les sonars des anciens bâtiments et avait racheté aux australiens Bushmaster et ADI, entreprises spécialisées dans le matériel militaire et la chimie des explosifs. La coopération sous-marine franco-australienne, très active avec la surveillance partagée de la zone maritime entre la nouvelle Calédonie et l’Australie, a aussi pesé.

Côté allemand, le patron de TKMS, Christoph Apotzien, admet que la technologie française était plus performante, mais soupçonne des accords secrets sur une évolution à terme vers le nucléaire, domaine parfaitement maîtrisé par les Français.

« On ne nous dit pas tout… »

Enfin, DCNS a fait ses preuves à l’étranger (Brésil et Inde), avec le programme Scorpene, bâtiments commandés en 2005 à la France et réalisés en transfert de technologie par les chantiers indiens.

Le top des diesels électriques : les sous-marins nucléaires présentaient un avantage indéniable après-guerre, leur réacteur permettant la plongée permanente. Contrepartie : le bruit, celui, continu, du réacteur et de sa circulation d’eau, impossible à suspendre. Or, le bruit est l’ennemi du sous-marin.

Entre-temps, les sous-marins conventionnels de types diesels électriques se sont extraordinairement perfectionnés, moteur à air chaud, batteries au lithium, pile à combustible permettant de rester sous l’eau jusqu’à deux semaines. Avantage : la possibilité du silence absolu si nécessaire en embuscade. Autre intérêt : leur ferraillage évite le problème de la décontamination et d’abandonner des horreurs radioactives comme à Mourmansk.

La proposition française est le Lamie Barracuda, version diesel-électrique dérivée du sous-marin nucléaire Barracuda à grande furtivité. Équipé des nouvelles piles à combustible et batteries lithium-ion, il sera adapté au système de combat Mark 48 torpille, développé conjointement entre les États-Unis et l’Australie.

Du coup, les Américains, peu versés dans les technologies non nucléaires, n’ont pas mis de bâtons dans les roues. Reste cette question de la furtivité. Comment la concilier avec la grande vitesse et amoindrir ses conséquences, les bruits dits « de cavitation » qui signent le sous-marin ?

La DCNS – dont l’hydroréacteur qu’elle a su mettre au point est sans doute le plus élaboré actuellement – voit d’un mauvais œil sa diffusion et travaille sur une version plus élémentaire, secret oblige.

Le renouvellement des flottes sous-marines se pose aujourd’hui et d’autres appels d’offres sont en cours, au Canada, et aussi en Norvège qui propose de s’associer aux Pays-Bas et à la Pologne pour réduire les coûts de maintenance.

Entre SAAB, TKMS et la DCNS, l’Europe des technologies sous-marines n’en est donc qu’au début des affrontements.

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