Pronunciamiento sous les tropiques
« … du cinéma écrit en quelque sorte.
C’est le propre, je crois, de tout roman d’aventures et d’action »
Entretien avec Jean-Claude Rolinat, auteur de Pronunciamiento sous les tropiques aux éditions Dutan.
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Vous venez de publier aux éditions Dutan Pronunciamiento sous les tropiques. On vous connaissait plutôt spécialisé dans des reportages de voyages, des ouvrages « sérieux » sur la nature des États ou dans des biographies d’hommes et de femmes célèbres, comme Eva Perón, Oliveira Salazar, Ian Smith ou le maréchal Mannerheim. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans ce genre littéraire ?
Oui, c’est mon premier et seul roman qui fait l’objet d’une réédition augmentée, enrichie des expériences vécues et de pays visités postérieurement à la première édition. Elle remonte aux années 1980. D’ailleurs, pour être tout à fait honnête, le canevas général de cette histoire avait été imaginé pendant quelques longues heures d’ennui lors de mon service militaire, du côté d’Offenbourg. C’est dire si ça ne me rajeunit pas !
Pourquoi avoir choisi l’Amérique latine comme cadre, comme décor à cette histoire qui mélange les genres, à la fois roman d’action, histoire d’amour, crises politiques, bruits de bottes et amitié trahie ?
J’ai toujours aimé ce continent qui mêle la passion et la violence, où se sont transplantées, en quelque sorte, des fractions d’Espagne et de Brésil sur des terres qui n’étaient pas vierges, où il y avait déjà des civilisations dîtes « précolombiennes ». Ces sociétés sont tombées sous le joug des « envahisseurs », pour finir par se mêler à eux dans des États nationaux à la construction fragile. On ne peut pas passer sous silence non plus la geste des « Libertardors » du XIXe siècle, les Bolivar, les San Martin, les Morazán, les O’Higgins… Des pays – Argentine, Uruguay et, dans une moindre mesure, Brésil et Chili exceptés – où s’est longtemps pratiqué le mélange des sangs. J’ai beaucoup lu ou survolé leurs auteurs les plus connus : Borgès, Gabriel Garcia Marques, Miguel Angel Asturias ou Mario Vargas Llosa et j’ai toujours été fasciné par ces hommes à poigne, ces caudillos qui se sont constitué des domaines à leur botte, des Trujillo, des Somoza, des Marco Perez Jimenez, des Tiburcio Carias, des Duvalier etc., aux destins hors normes… J’ai rêvé de cet exotisme avant même d’être allé sur place et d’y goûter son ambiance, de vivre ou d’imaginer l’excitation de ses foules les jours d’élection ou de révolution, ou tout simplement de profiter de décors de rêve, que ce soit les chutes d’Iguazu aux « trois frontières », les cascades d’Agua azul au Mexique, ou le lac Atitlan au Guatemala, avec sa couronne de volcans. Et comment oublier l’envoûtante forêt de l’Oriente équatorien sur les rives du Rio Napo ? On peut s’offrir à peu de frais le frisson de l’aventure, sans omettre d’aller voir ces fabuleux temples aux figures énigmatiques du Petén ou du Yucatan.
Quelle est la trame de votre roman ?
C’est une aventure dans laquelle le décor joue, certes, un rôle important. Elle s’inscrit dans un scénario politique contemporain. Tout ce qui se passe dans le pays imaginaire que j’ai inventé, si peu imaginaire d’ailleurs, a existé : le coup d’État militaire, le fameux « pronunciamiento » ou le « golpe », au choix. Il y en a eu d’innombrables en Amérique centrale comme en Amérique du Sud, très humoristiquement illustrés par Hergé avec ses fameux généraux Alcazar et Tapioca dans « Les aventures de Tintin ». La révolution castriste exportée ? Voyez le Nicaragua de la clique Ortega… Quant au débarquement de troupes américaines évoqué dans mon roman, le plus récent et le plus massif eut lieu en 1965 en République dominicaine, pour contrer une insurrection qualifiée de « communiste », comme celle du Guatemala en 1954, où la CIA patronna une intervention de mercenaires pour placer un homme à elle au Palacio nacional. Et puis, rappelez-vous le tragique ratage de l’affaire de « la Baie des Cochons » à Cuba où les Américains envoyèrent au casse-pipe les anticastristes de Floride.
Comme il s’agit d’un roman, votre histoire a des personnages de chair et d’os, et n’est pas seulement, disons un roman « politique ». Il y a des sentiments, des réflexions précédant l’action, des intérêts, des pulsions, l’amour même qui tient une place importante chez votre personnage principal…
Oui, c’est du cinéma écrit en quelque sorte. C’est le propre, je crois, de tout roman d’aventures et d’action. Mon « héros » va vivre des épisodes de sa vie d’une incandescente intensité, si je puis dire. Il n’y était pas préparé. Son ami, qui pense se servir de lui pour arriver à ses fins sans grands dommages, va trahir une amitié ancienne née de part et d’autre des Pyrénées. Un grain de sable inattendu, un coup de foudre aussi foudroyant que réciproque, va enrayer, perturber les rouages d’un mécanisme assez diabolique pour conquérir le pouvoir.
On trouve pas mal d’ingrédients classiques dans votre histoire, la haine, l’amour, la jalousie, la trahison…
… et les intérêts bassement matériels, oui, l’argent. Enfin tout ce qui fait, à peu près, je dirai la « pâte humaine », avec ses parts d’ombre et de lumière.
Pronunciamiento sous les tropiques de Jean-Claude Rolinat, éditions Dutan, collection « Les Bergers de l’évasion », dirigée par Philippe Randa, 220 pages, 21 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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