20 décembre 2020

Althusius chez les Kurdes

Par Georges Feltin-Tracol

Chronique hebdomadaire du Village planétaire

L’université française commence enfin à se pencher sur l’œuvre de Johannes Althusius (1563 – 1638) qui contraste avec les écrits de Jean Bodin (1530 – 1596), auteur des Six Livres de la République au contenu absolutiste marqué. À l’unicité et à la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme, Althusius propose une société politique dont la souveraineté se répartit entre différentes communautés selon le principe de subsidiarité. Il est le père du fédéralisme moderne.

Les réflexions de ce sujet réformé du Saint Empire romain germanique ont peut-être inspiré l’écologiste libertaire étatsunien Murray Bookchin qui propose le remplacement de l’infrastructure étatique centralisée par des ensembles autogérés de taille humaine. Les analyses de l’Étatsunien ont durablement conquis le Kurde Abdullah Öcalan.

En détention depuis 1999 dans une prison turque où il purge une peine à perpétuité, le chef charismatique du PKK (Parti des travailleurs kurdes) a eu le temps de réviser toute l’orientation politique de son mouvement en guerre contre la Turquie. Ayant délaissé le léninisme, le stalinisme et le maoïsme, le PKK réclame la reconnaissance officielle de la personnalité kurde sans pour autant frayer avec le séparatisme, le nationalisme, le conservatisme et l’indépendantisme du peuple kurde. Éditée par Libertalia, La révolution communaliste. Écrits de prison (2020, 252 p., 10 €) donne pour la première fois au lecteur français le point de vue d’Abdullah Öcalan sur ce brûlant sujet.

En quatre textes étayés et argumentés, il insiste beaucoup sur les pratiques institutionnelles en cours au Rojava, ce territoire syrien administré par les forces kurdes en lutte contre Daech, Damas et Ankara. Sa vision semble procéder, volontairement ou non, de la pensée fédéraliste organique d’Althusius avec une forte inflexion en faveur de l’égalité sociale, de l’écologie et du féminisme.

À l’instar des anarchistes pendant la guerre d’Espagne ou de certains socialistes dits « utopiques » du XIXe siècle tels Étienne Cabet ou Charles Fourier, voire Pierre-Joseph Proudhon, les Kurdes cherchent à bâtir une société différente des cadres sociaux habituels adaptés à l’État-nation. « La question nationale n’est pas un fantasme de la modernité capitaliste. Néanmoins, estime Abdullah Öcalan, c’est bien la modernité capitaliste qui a imposé la question nationale à la société (p. 99) ». Il ne veut pas résoudre la seule question nationale ; il souhaite l’intégrer avec d’autres enjeux tout aussi déterminants (social, sexuel, écologique) dans un ensemble plus vaste dont les solutions reposent sur le « confédéralisme démocratique ».

Prenant acte à la fois de la faillite de l’État-nation à l’heure de la mondialisation et de la très complexe mosaïque religieuse et ethnoculturelle du Moyen-Orient, Abdullah Öcalan conçoit le « confédéralisme démocratique » comme « un paradigme social non étatique. Il n’est pas contrôlé par un État. Le confédéralisme démocratique représente également l’organisation de la démocratie et de la culture. [Il] est fondé sur la participation de la population : ce sont les communautés concernées qui y maîtrisent le processus décisionnel. Les niveaux les plus élevés ne sont présents qu’afin d’assurer la coordination et la mise en œuvre de la volonté des communautés qui envoient leurs délégués aux assemblées générales. Pour un an, ils font office à la fois de porte-parole et d’institution exécutive. Cependant, le pouvoir décisionnel de base est dévolu aux institutions populaires (p. 98) ».

Le « confédéralisme démocratique » d’Abdullah Öcalan fait fortement penser à la « troisième théorie universelle » exposée dans le Livre vert de Mouammar Kadhafi. Le Guide de la Révolution libyenne en appelait au dépérissement et au dépassement de l’État par le biais d’un néologisme conceptuel « Jamahiriya » qu’on traduit par « État des masses populaires » et qui s’appliquait à une Libye historiquement divisée par les rivalités tribales et claniques. Est-ce le cas pour le Rojava ? En raison des combats, la pleine réalisation de ce « confédéralisme démocratique » ne se fait pas pour l’heure. Cela n’empêche pas les libertaires, les gauchistes et les antifas de la planète entière de soutenir et de se revendiquer de cette nouvelle utopie. Si le Rojava parvient à se maintenir, il est certain que ce territoire émancipé conservera sa notoriété politique auprès des « hors-sol ».

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