Russes et Serbes
L’amitié entre Russes et Serbes n’est pas un vain mythe. C’est une réalité spirituelle, culturelle et charnelle que peu de peuples ont la chance de connaître et ça n’est pas pour rien qu’aujourd’hui encore la Serbie regarde la Russie comme son grand frère et que les Russes voient les Serbes comme leurs cadets. Cette fraternité remonte de manière tout à fait naturelle à la même origine slave de ces deux peuples qui partagent une langue slave, une culture slave bien que vivants dans des régions bien distinctes d’Europe et deux peuples qui vont maintenir la foi chrétienne orthodoxe. C’est très important. Entre les 13è et 15è siècle quand les Serbes sont une très grande puissance dans les Balkans, ils vont soutenir le monastère russe de Saint Panteleimon sur le Mont Athos alors que les Russes sont sous le joug des Tatars. A la même époque Gregory Tsamblak and Pakhomy Logofet (dit Pakhomy le Serbe) vont largement contribuer à améliorer le style russe de rédaction des chroniques et corriger les livres liturgiques. Dès l’arrivée des Ottomans au XIVè siècle et l’occupation du royaume serbe les relations avec les Russes vont naturellement se compliquer mais les Russes ne vont pas abandonner leurs frères petits frères pour autant, bien au contraire. Certains Serbes vont décider d’aller s’installer en Russie comme Lazar le Serbe, moine, qui va construire la première horloge publique russe pour le fils ainé de Saint Dimitri Donskoi, le grand prince Vassili I de Moscou en 1404. Aussi, il est moins connu que la mère d’Ivan le terrible était Elena Glinskaya elle-même fille de la princesse serbe Anna Jakšić. Tout au long de l’occupation ottomane les dynasties russes vont aider les Serbes : Boris Gudunov proposera des terres aux Serbes et Mikhail Federovich aidera financièrement le patriarcat serbe en Métochie à Pec. Mais la fraternité russo-serbe dépasse des origines communes et ces quelques échanges historiques au Moyen-Age et se fortifient réellement au moment où la Serbie va commencer à se libérer de l’occupant ottoman au début du XIXè siècle.
Une grande période de la fraternité russo-serbe commença sous Pierre Ier le Grand qui a fait venir de nombreux Serbes pour servir dans son armée et qui se sont notamment battus à la bataille de Poltava et pendant la campagne prusse. Pierre Ier fit également venir de nombreuses familles serbes dans l’Empire qui s’installèrent en Slavo-Serbie sur la rive occidentale du Donets 1. Pour le professeur Henri Gaidoz : « La valeur des troupes serbes était connue en Russie, et dès 1727 l’impératrice Anne avait formé un régiment de hussards serbes, qui avait été établi en Ukraine comme colonie militaire. 2» Des historiens serbes estimes à 100 000 le nombre de Serbes partis s’installer sur les terres russes nouvellement conquises aux Ottomans dans l’actuel Donbass en feu. Plus tard Catherine II se souvint qu’au Moyen-Age les Serbes avaient été très présents pour aider les Russes et voulut, à son tour, ne pas abandonner le petit frère sous l’occupation. Elle fit envoyer le professeur Maxime Suvorov avec 400 abécédaires et 100 grammaires pour ouvrir une « école slave » près de la frontière autrichienne. De nombreux professeurs de l’Académie théologique de Kiev succédèrent à Suvorov comme Kozachinsky, Kazunovsky ou Minatsky. Des liens s’approfondirent avec à Kiev et des dizaines de Serbes partirent s’y former dont l’historien Jovan Racnic. Quand l’impératrice autrichienne Marie-Thérèse aboli le statut des Serbes vivant sur la frontière avec l’Empire Ottoman, de nombreux Serbes fuient l’Autriche et vont s’installer en Novorossiya, la Nouvelle Russie. 3 000 Serbes vont s’installer dans la région proche des régions de Lugansk et Kirovograd pour protéger l’empire des incursions des Tartars de Crimée ou des menaces ottomanes. L’exode fut tellement populaire et important que l’Impératrice Marie-Thérèse revint sur sa décision et interdit aux officiers Serbes de prendre la nationalité russe. L’assimilation des colons Serbes dans l’Empire se fait parfaitement et, on peut le regretter, en 1900 les descendants des Serbes en Nouvelle Russie sont tous russifiés, non de force, mas par l’assimilation progressive simplifiée par la foi commune orthodoxe et la proximité des langues.
A la fin du XVIIè siècle les relations entres Russes et Turcs se détériorent et en 1769 Catherine II invite les Chrétiens des Balkans à se révolter contre les Ottomans. Les Autrichiens et Russes s’allient et les révoltes serbes affaiblissent considérablement l’armée ottomane. En 1788 les Autrichiens chassent les Turcs de Belgrade mais pour une trop courte durée et l’Autriche doit rendre la ville blanche aux Turcs par le Traité de Sistova en 1791 qui fixe la frontière austo-ottomane sur la Save.
En 1803 l’Archimandrite Arseniy Gagovic rencontre l’Empereur Alexandre Ier et le supplie de venir en aide aux Serbes qui vivent sous le joug ottoman. Mais Alexandre ne peut pas car il est lié par le traité de Tilsitt qui l’empêche d’attaquer l’Empire Ottoman. L’acte moderne de l’alliance qui marquera les historiens et les peuples sera indubitablement la demande d’alliance de George Petrovic, plus connu sous le nom de Karageorges qui mena les insurrections anti-ottomanes entre 1804 et 1813 quasiment au même moment que la guerre russo-turc de 1806 à 1812. En 1815… et en 1829 la Serbie obtient sa première réelle autonomie au sein de l’Empire Ottoman grâce au travail de Milos Obrenović facilité par la victoire des Russes contre les Ottomans et la Paix d’Andrinople en 1829. En 1834 c’est même la Russie qui convainc la Sublime Porte de laisser les Serbes avoir, de nouveau, leur propre patriarcat.
Ceci va changer en 1806 et la 8è guerre russo-turque où la Russie va activement soutenir le chef des rebelles serbes Karageorges. Les Serbes remportent des victoires impressionnâtes sur les Ottomans et le Major-General Ivan Isaev avec mille hommes viendra aux côtes des Serbes défaire les Ottomans près de Stubnik et à la forteresse de Negotin. Forts de ses victoires les Serbes veulent se ranger derrière l’Empereur Alexandre 1er et intégrer l’Empire russe. Une convention est rédigée et de nombreux projets préparés pour l’intégration mais Alexandre 1er préfère signer l’armistice de Slobozia avec la Sublime Porte et abandonne les territoires de Serbie centrale à l’empire ottoman en ayant négocié quand même la vie sauve aux Serbes ayant participé aux révoltes. La Serbie implore alors l’aide de Napoléon et des Habsbourg mais en vain. En 1810 le général russe M.I. Kutuzov reprend les rênes de la guerres contre les Turcs et envoie armes, munitions et soutien médical aux Serbes heureux de retrouver le soutien du grand frère mais la joie est de courte durée, le 24 juin 1812 Napoléon attaque la Russie et les Russes abandonnent de nouveau les Serbes aux Ottomans qui font payer aux Serbes un baind de sang terrible pour s’être révoltés. La Russie restait un modèle pour les Serbes mais la confiance en l’Empereur et l’aide de l’armée disparut jusqu’en 1867 sous le règne d’Alexandre II qui prête de l’argent à la Serbie et y envoie des armes, des munitions et des instructeurs militaires. A cette époque les idées slavophiles se répandent à Moscou et Belgrade… En 1875 les Serbes de Bosnie se révoltent contre les Ottomans et bien que le minsitre russe des affaires étrangères n’approuva pas ce soulèvements des milliers de Russes s’organisèrent pour envoyer de l’aide aux Serbes et plus de 3000 volontaires dont 700 officiers accoururent vers la Serbie. En 1878 la Serbie obtient une première libération au traité de Berlin qui sera complète après les guerres balkaniques de 1912 et 1913. A chaque étape Moscou a toujours soutenu d’une manière ou d’une autre l’émancipation du peuple serbe et son droit à l’indépendance et à recouvrir un Etat.
Pendant la révolution, les Serbes se battent du côté des Blancs et des Bolchéviques. Avec la victoire de ces derniers, les relations vont se distendre avec la Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Après la deuxième guerre mondiale les peuples serbe et russe sont en deuil, bien qu’ayant perdu des millions d’hommes dans un sacrifice incroyable aucun des deux n’est gouverné par un homme issu de son peuple avec un Georgien à la tête des Russes et un croato-Slovène à la tête des Serbes. De surcroît Staline et Tito ne s’aimaient pas et les relations vont se distendre pendant que de parts et d’autres le socle commun orthodoxe des Russes et des Serbes sera brisé sous le marteau communiste. Les relations s’amélioreront progressivement après la mort de Staline en 1953.
Dans les années 1990 le vieux monde issu de la guerre froide tel que nous l’avons connu se fissure. Le mur de Berlin s’écroule en XXX, la Russie de Gorbatchev met en place la Perestroïka et les oligarques occidentaux font main basse sur l’Union Soviétique qui disparaît complètement à Noël en 1991. Les Serbes, au sein de la Yougoslavie voient le monde se transformer et refusent le modèle libéral occidental qu’on veut lui imposer. LA Yougoslavie n’est pas contre l’occident mais elle veut rester indépendante comme la Yougoslavie l’a été pendant toute la guerre froide. C’est pour cette seule raison qu’elle s’est attirée les foudres du camp occidental qui a voulu montrer quel est le prix à payer pour les pays qui refusent le nouvel ordre mondial cher à GWB. Par des manœuvres politiques extérieures et en réveillant et finançant un ultra-nationalisme belliqueux, l’occident a eu la peau de la Yougoslavie et a réussi à diaboliser le Serbes qui, en l’espace de quelques mois, étaient passés de peuple ami historique de l’occident à l’incarnation même du diable. La Russie a appuyé la Serbie avec plus ou moins d’ardeur pendant cette tragédie. L’envoyé spécial russe en Bosnie – Herzégovine, Vitaly Churkin, avait même abandonné les Serbes de Bosnie et conseillé à Boris Eltsine d’utiliser la force contre eux. Mais la position russe a progressivement mué et en voyant les 250 000 Serbes se faire chasser de Krajina en Croatie en 1993 ou massacrés à XXX en Bosnie. Lors des bombardements illégaux de l’OTAN en 1999 Eltsine et tout à fait opposé à la guerre contre les Serbes qu’il déclare « illégale » mais Moscou n’était plus que l’ombre d’elle-même et, malgré les vociférations de son président, n’a rien pu faire pour aider le petit frère. Il y eut la prise de l’aéroport de Pristina à la barbe de l’OTAN mais ce fut une victoire symbolique et Washington et Bruxelles réussirent finalement à disloquer la Yougoslavie et inventer deux nouveaux Etats majoritairement musulmans en plein milieu de l’Europe la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.
Les Serbes et les Russes avaient en commun qu’ils avaient été vaincus par le libéralisme occidental les Uns par les bombes et les autres par les dollars mais ça n’était qu’en apparence. Avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, le ton va changer radicalement et la Russie va reprendre son destin en mains et chasser les marchands du temps. La Serbie, encore sous le choc des guerres des années 1990 va continuer à résister héroïquement à la pression occidentale et refuser de reconnaître l’Etat fantcohe du Kosovo ce qui lui vaut forces répressions de la part des Etats-Unis et de l’Union européeene. Pour sa plus grande joie elle sait qu’elle peut de nouveau compter sur son grand frère russe qui, reprend du poil de la bête et n’hésite pas à systématiquement intervenir en sa faveur pour refuser la reconnaissance du Kosovo à l’Onu ou rejeter la reconnaissance d’un prétendu génocide à Srebrenica en Bosnie. Enhardi par un tel support les Serbes vont de plus en plus affirmer leur amitié historique avec la Russie qui le lui rend bien. On aurait pu croire que la lune de miel serait de nouveau célébrée par l’arrivée au pouvoir en 20VV du nouv prés Nikolic et la nomination de son PM AV de fervents défenseurs de l’amitié franco-russe mais il y eut un coup de théat. On ne sait quelle pression a été exercée sur eux mais les 2 politiciens serbes sont retournés par les occ et développent une stratégie de grand-équilibriset tentant de plaire aux Européens et aux Russes. Le jeu est dangereux et nombreux sont ceux qui vouent cette stratégie à l’échec car on assiste à des situations absurdes où, le même we, l’armée serbe va effectuer des exercices militaires avec l’armée rus et en même temps avec l’Otan au Monténégro… Ca n’a pas de sens et on voit bien que l’Etat serbe est déchiré entre deux camps jusqu’au tréfonds de ses entrailles avec Nikolic plutôt pro Moscou qui dira en 20132 : « La seule chose que j’aime plus que la Russie, c’est la Serbie » et Vucic plutôt pro Washington qui a été visiblement retourné par le camp Atlantiste. Le dilemme est complètement cornelién entre l’UE, dont la Serbie a besoin économiquement, et la Russie que la Serbie aime charnellement. Deux tiers des importations et exportations de la Serbie se fait avec des pays de l’Union européenne, ce qui explique pourquoi la Serbie n’ose pas franchir le rubicon d’un plus grand partenariat avec la Russie qui ne pourra peut-être pas compenser les pertes économiques importantes si la Serbie lâchait ses partenaires de l’UE. Aujourd’hui la Russie représente 10% des importations serbes et seulement 7% des exportations serbes. Ces choix ne plaisent à personne mais on peut se réjouir qu’il y ait quand même un camp pro-russe très important au sein de l’administration serbe qui reflète réellement les aspirations de la quasi-totalité du peuple serbe.
Ainsi malgré les sanctions imposées à la Russie par le camp occidental, la Serbie refuse coûte que coût de les imposer malgré les très fortes pressions de l’UE. Du reste Moscou comme Belgrade parlent d’un « partenariat stratégique » entre les deux pays. Bien que partenaire piou la paix » (2006) de l’OTAN, La Serbie est observateur au Cikllective security treat organisationpoursuit ses entrainements militaires avec la Russie, importe 80% de son gas de Russie, la Russie a établit un centre humanitaire au sud de la Serbie à Nis. Ce mois de décembre 2016 est plutôt encourageant : le ministre des affaires étrangères russes Sergueï Lavrov était en visite à Belgrade au début du mois et le premier ministre serbe était à Moscou à la fin du mois. Lors des deux visites il a été acté que la Russie donnerait 6 avions de combat Mig-29 à la Serbie ce qui fait dire à Ivica Dacic le Ministre des affaires étrangères serbes que « la Serbie ne deviendra jamais un Etat antirusse et ne rejoindra jamais ceux qui appliquent des sanctions à la Russie. » La Russie a intérêt à maintenir une forte relation avec la Serbie pour maintenir une certaine influence dans les Balkans où quasiment tous les pays sont sous la coupe de l’UE et de l’OTAN (la Croatie, l’Albanie, la Slovénie et peut-être bientôt le Monténégro) et compte sur le fort soutien de la Serbie mais également de la Republika Srpska, l’entité serbe de la Bosnie-Herzégovine dont le président Dodik est un ferveur défenseur des relations fortes avec la Russie.
Aujourd’hui la situation de la fraternité est délicate : la danse du ventre de Vucic aura des limites car la Serbie n’a pas assez de pouvoir pour imposer une neutralité parfaite et une alliance économique avec les deux blocs atlantiste et russe. Le camp de l’UE ne cesse de réprimer Belgrade à ce sujet et les Russes, bien que très patients, se demandent bien quand le petit cirque du premier ministre serbe va s’arrêter. Le peuple serbe, lui, a très nettement exprimé sa préférence pour Poutine et la Russie. Lors de la venue du président russe à Belgrade en 201XX des milliers de Serbes étaient descendus dans la rue pour acclamer le leader du monde libre. En novembre 2011 quand les Serbes du Kosovo sentaient que le gouvernement de Belgrade ne les soutenait plus , 21 000 Serbes ont adressé une demande de citoyenneté à Moscou estimant que Poutine protégerait mieux les Serbes du Kosovo et de la Métochie que le gouvernement serbe de l’époque. Du reste des autocollants à l’effigie de Poutine ornent de nombreuses rues des enclaves serbes où il est extrêmement populaire, d’ailleurs comme dans le reste de la Serbie. L’adage populaire dit que les politiciens passent et que le peuple reste, le peuple serbe n’a peut-être pas le gouvernement qu’il lui faut en ce moment mais il sait qu’il peut compter sur Moscou pour le secouer et le remettre dans le droit chemin. C’est à cela que servent les grands frères.
Notes
1 Aujourd’hui cette ancienne région se trouve entre l’oblast de Lugansk au Donbass et l’oblast de Rostov-sur-le-Don en Russie. Le centre administratif de la Slavo-Serbie était la ville de Slovianoserbsk au nord-ouest de Lugansk. De nombreux Serbes s’y battent du reste encore aujourd’hui pour la défense du Donbass.
2 Revue des Deux Mondes tome 17, 1876.
Article paru sur le site Katehon.
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