Entretien avec Bernard Marck qui vient de publier aux Éditions de Nos Chères Provinces Il était une « foi » Mermoz.
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul).
Lorsqu’on songe aux grandes figures de l’aviation française, les noms d’Antoine de Saint-Exupéry, Georges Guynemer et quelques autres viennent instantanément à l’esprit… et Jean Mermoz, bien sûr ! Quelles distinctions entre ce dernier et les autres héros du ciel peut-on faire ?
Une biographie est une plongée vertigineuse au cœur d’un être. Avant d’entamer mes recherches sur Jean Mermoz, j’étais fasciné par l’image d’Épinal que nous possédions de ce grand pilote. J’avoue avoir craint d’abîmer cette belle statue d’un conquérant du ciel, d’un héros de son temps. Toutefois, à mesure que je progressais dans la mise à nue du personnage, j’ai découvert un homme plus exceptionnel encore, sans doute à cause de ses défauts et de ses faiblesses qu’il a su surmonter par son formidable accomplissement. Mermoz ne se compare pas à Saint-Ex ou à Guynemer. Si Guynemer le timide, le freluquet, s’est finalement imposé comme un excellent pilote de chasse pendant une vie hélas trop courte, Saint-Ex, contemporain de Mermoz, éprouvait une admiration sans borne à son égard. Mermoz était d’ailleurs l’un des rares hommes à l’impressionner, comme il fascinait aussi les autres équipages de l’Aéropostale. Tous ont cependant un point commun : leur engagement total, que ce soit, dans le cas de Guynemer, pour défendre la patrie, ou, dans le cas de Saint-Exupéry et de Mermoz, au service des ailes françaises, au point d’y avoir sacrifié leur vie.
Le mot « foi » a une grande importance dans le titre de votre livre (Il était une « foi » Mermoz), n’est-ce pas ?
J’avoue que le mot foi s’est imposé de lui-même au cours de la rédaction de l’ouvrage. Pour commencer, il émanait de Mermoz un charisme qui stimulait les autres pilotes et les mécaniciens, et auquel nombre de femmes se montraient plus que sensibles. Mais la foi de Mermoz tient surtout à son engagement personnel total. Comme chef, il n’imposait jamais les liaisons périlleuses à ses équipages sans les avoir entreprises lui-même. En cela, il a toujours été exemplaire. Il est arrivé à certains de ses pilotes pourtant aguerris de renâcler sur le seuil de la piste, notamment pour des vols de nuit : Mermoz sautait alors dans l’avion et emportait les précieux sacs postaux, quelles que soient les conditions. Son comportement exemplaire était sa force. Si d’aucuns ont pu critiquer Mermoz pour ses grosses colères (réelles) et un emportement qui lui avait valu le surnom d’« Énervé », il jouissait surtout d’une réputation d’homme honnête, sincère et sensible aux misères du monde, ce qui a justifié son engagement auprès du colonel de La Rocque…
Jean Mermoz a donc eu également un engagement politique au Parti social français du colonel de La Rocque… Un engagement qui ne semble pas porter ombrage à son souvenir ; comment l’expliquez-vous ?
Tout d’abord, l’engagement de Mermoz (mais aussi de sa mère Mangaby) a été avant tout social. Alors que montaient les périls en Allemagne, en Italie et en Espagne, Mermoz n’a cessé de tirer la sonnette d’alarme auprès des autorités françaises, estimant naïvement que sa notoriété basée sur des exploits réels servirait sa démarche et à le faire entendre. Comme il n’en est rien ressorti, il a choisi la plateforme politique, celle d’un homme envers lequel il a éprouvé une confiance immédiate : le colonel François de La Rocque, héros de la Grande Guerre, un héros bien décidé à empêcher tout nouveau conflit, après ce qu’il avait vécu. Comme Mermoz ne pouvait pas adhérer aux Croix de feu, n’ayant pas servi pendant la Ire Guerre, il a intégré le mouvement des volontaires nationaux, réservé aux sympathisants tout aussi motivés que leurs aînés, ce qui ne l’a pas empêché de grimper rapidement tous les échelons et d’accéder à la vice-présidence du Parti Social Français, en 1936, un parti tout juste créé, quelques semaines après la dissolution des ligues par le Front Populaire.
Jean Mermoz n’a malheureusement pas eu le temps de se forger une stature politique puisqu’il devait disparaître le 7 décembre suivant, mais qui sait ce qu’il aurait pu accomplir au niveau national, par exemple à un poste ministériel ?
Quant à La Rocque, dommage qu’il soit méconnu malgré les tentatives de réhabilitation entreprises par quelques journalistes et malgré la reconnaissance tardive de ses mérites par le général De Gaulle.
À quelles archives inédites avez-vous eu accès pour écrire votre livre ?
Grand ami de Mermoz pour lequel il avait écrit Mes Vols, Christian Melchior-Bonnet, fondateur de la revue Historia, était proche de la famille La Roque et de Mangaby. Celle-ci lui avait confié une de ses dernières volontés, une mission de grande confiance : enterrer les lettres de son fils avec elle. Auparavant, M. Melchior-Bonnet a patiemment recopié ces lettres et me les a remises volontiers, ce qui a été un apport très précieux. De même, la famille du colonel de La Rocque, en particulier son fils Gilles, m’a soutenu tout au long de ce travail, me remettant également des documents aussi rares qu’inédits. J’ai pu également compter sur l’aide précieuse des grands anciens de l’Aéropostale qui m’ont ouvert en grand leurs archives : je pense notamment à Jean Dabry, compagnon de Mermoz lors de la traversée historique de l’Atlantique Sud, mais également à Pierre Picard, prédécesseur de Saint-Ex a l’escale de Cap Juby, au radio Charles Bultel, au journaliste Jean-Gérard Fleury, grand ami de Mermoz, à Guillemette de Bure, petite-fille de Marcel Bouilloux-Lafont, fondateur bafoué de l’Aéropostale après avoir racheté sa compagnie à Pierre-Georges Latécoère, sans oublier Alexandre Couzinet, jeune frère de René Couzinet, concepteur peu soutenu du fameux Arc-en-ciel. Il me faudrait un livre pour évoquer mes liens avec chacun d’eux car tous sont devenus des amis chers après la parution de la biographie. Cependant, il est un homme auquel cette biographie doit beaucoup, en l’occurrence Gilbert Louis, filleul d’un Mermoz qui l’avait pris sous son aile et était devenu un père de substitution. Au fil des années, notre relation a évolué en un lien familial solide qui nous unissait également aux autres survivants de la Ligne France-Amérique du Sud. Je suis fier d’avoir rencontré ces hommes et d’avoir été accepté par eux. J’ai bénéficié aussi du privilège, surtout grâce à Gilles de La Rocque, d’avoir été l’un des premiers historiens à pouvoir consulter les papiers du colonel aux Archives nationales… J’ai compris que ce grand blessé, dégoûté par la guerre, voulait dépasser les clivages politiques qui étouffaient le pays, ce qui était exactement le projet ambitieux de Mermoz. On le sait peu et je tiens à préciser qu’à ce propos, le colonel de La Rocque mériterait d’être dédiabolisé, mais c’est là une autre histoire.
Il était une « foi » Mermoz, Bernard Marck, Éditions Nos chères provinces, collection « Nos grandes figures », 430 pages, 39 € ; pour commander ce live, cliquez ici.
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Il était une « foi » Mermoz, Bernard Marck, Éditions Nos chères provinces, collection « Nos grandes figures », 430 pages, 39 €.
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