Evita Perón, la reine sans couronne des descamisados
Entretien avec Jean-Claude Rolinat, à propos de la réédition d’Evita Perón, la reine sans couronne des descamisados aux éditions L’Æncre
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Pourquoi cette femme morte il y a largement plus d’un demi-siècle fascine-t-elle toujours au XXIe siècle ?
Ce que défendait cette femme pour son pays : des idées généreuses en faveur des plus faibles, on dirait aujourd’hui « les plus démunis », et c’est toujours d’actualité. En plus, elle le faisait en harmonie avec son époux de président, dans le cadre d’un État national, indépendant des blocs qui divisaient alors le monde, sans pour autant basculer dans le camp des pays que l’on appelait les neutralistes du tiers-monde : la Yougoslavie de Tito, l’Indonésie de Soekarno, la future Égypte de Nasser ou l’Inde de Nehru. L’Argentine résistait tout autant à l’impérialisme américain qu’aux appels du pied des Soviétiques. Non, l’Argentine des Perón avait un parfum spécifique de troisième voie : elle avait la couleur du fascisme, le goût du fascisme avec ses vastes manifestations populaires devant la Casa Rosada, siège du gouvernement à Buenos Aires, un certain culte de la personnalité, mais ce n’était pas du fascisme. Des élections législatives et présidentielles ponctuaient la vie démocratique, et un puissant syndicat, la CGT, représentait les travailleurs à côté du parti justicialiste, majoritaire. Pas de camps d’internement pour les récalcitrants !
Mais en quoi cette femme avait-elle quelque chose d’exceptionnel ?
Elle venait du petit peuple de la Pampa. Ce n’est pas pour rien que les beaux quartiers l’avaient surnommé « la bâtarde ». Née d’un père qui ne l’avait pas reconnue, méprisée par la famille de ce dernier, elle était « montée » à Buenos Aires et ne dut qu’à son culot et à son talent d’escalader les barreaux de l’échelle sociale. Sa grande chance fut sa rencontre avec Juan Peron, celui qui allait devenir non seulement son amant, puis son mari, mais surtout, le chef de la nation. À ses côtés, grâce à sa colossale influence et à son aura sur le petit peuple, d’abord à travers ses émissions radio, puis par ses actes de bienfaisance dans tout le pays, elle allait mettre en mouvement la petite musique sociale qui irritait profondément les dames patronnesses de la haute bourgeoisie. Peu de femmes ont laissé dans l’histoire, en si peu d’années, une telle trace de leur passage sur terre, exception faite, peut-être, de notre Jeanne d’Arc nationale.Mais à vous écouter, le péronisme, c’est elle, et non pas le général Juan Domingo Perón ?
Dans ce couple, c’est elle qui illumine la scène politique argentine par son charisme incantatoire. Ce couple mythique restera toujours comme une sorte de référence transcendant les générations dont se réclament encore, même si c’est du bout des lèvres et pour faire une politique bien éloignée du justicialisme, les actuels dirigeants de l’Argentine. Fauchée en pleine gloire par une cruelle maladie à l’âge de 33 ans, l’âge du Christ, Eva Duarte ne méritait sans doute pas cet excessif culte de la personnalité, mais sûrement pas non plus d’être poursuivie par la haine des possédants et celle des militaires conservateurs. Même morte, elle leur faisait encore peur ! À un point tel que pour la discréditer dans la mémoire de ses admirateurs, ils exposèrent ses centaines de paires de chaussures et ses somptueuses toilettes d’épouse de président. Mais rien n’y fit, car les « sans chemise » voulaient que leur idole fût belle !
Que reste-t-il d’elle aujourd’hui ?
Un billet de banque de 100 pesos à son effigie, des magazines, des photos, un musée, une tombe quotidiennement visitée au cimetière de La Recolleta par des centaines de curieux, des aficionados et des touristes, dont votre serviteur ! Sans oublier que son portrait est toujours accroché à la façade du siège de la CGT, la centrale syndicale, et son buste et son nom honorent une salle du Congreso dans la capitale. Non, au-delà de toutes ces marques mémorielles, on peut dire qu’elle a traversé l’histoire argentine à la vitesse de la lumière, mais que ce petit bout de femme, ce tribun charismatique à la voix rauque, reste encore aux yeux de beaucoup d’Argentins comme une sorte d’idole à révérer et un exemple à suivre. D’ailleurs, morte en 1952, son veuf de mari perdit la main, et fut renversé par un putsch militaire en 1955. Il lui fallut attendre 18 ans en exil avant de pouvoir revenir en triomphateur à Buenos Aires, en 1973. Mais la machine était cassée, et le péronisme, un peu comme le gaullisme chez nous, ne survit pas à son initiateur, à son inspirateur. Car, ni Carlos Menem, libéral, ni Hilda Dualde, « Chicha », ni l’ancienne présidente sociale-démocrate et actuelle vice-présidente, Cristina Kirchner, n’ont réellement ramené au pouvoir un justicialisme rénové, qui apparaîtrait, sans doute à tort, comme une image d’un passé, disons… dépassé ! En tout cas, l’un des mérites du Péronisme et non l’un des moindres, fut d’éviter à l’Argentine une révolution socialiste, comme à Cuba.
Evita Perón, la reine sans couronne des descamisados, Jean-Claude Rolinat, L’Æncre, 242 pages, 27 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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