17 novembre 2024

9,10 et 11 novembre 1974 : création du Parti des Forces nouvelles

Par Euro Libertes

par Roland Hélie

Directeur de Synthèse nationale fut membre du Bureau politique (de 1981 à 1984) du Parti des forces nouvelles

Créé en novembre 1974, le Parti des forces nouvelles prend la suite des Comités Faire front, eux-mêmes créés juste après la dissolution d’Ordre nouveau (ON) survenue en juin de l’année précédente. Le PFN ne surgit donc pas de nulle part… (Ce parti aurait aujourd’hui 50 ans).

Tout d’abord, replaçons-nous dans le contexte de l’époque… Après l’échec de la candidature de Jean-Louis Tixier-Vignancour à l’élection présidentielle de décembre 1965, la droite nationale entame ce que l’on peut appeler une « traversée du désert ».

Certes, elle s’est réveillée de manière sporadique, en particulier au lendemain de mai 1968 avec Ordre nouveau, ou, en novembre 1972, avec la création du Front national rassemblant, autour de Jean-Marie Le Pen, ON et quelques survivants de la campagne Tixier. Mais, politiquement parlant, l’heure du grand retour de la droite nationale n’est pas encore arrivée. Ordre nouveau traîne alors la réputation « sulfureuse » d’un mouvement ancré dans un certain activisme militant (qui le mènera à sa dissolution). Le Front national, de son côté, subit, en octobre 1973, à peine un an après sa création, sa première scission entre, d’un côté, les cadres et militants d’Ordre nouveau, fraîchement dissout, et de l’autre, les amis de Jean-Marie Le Pen… Bref, dans la première partie des années 1970, tout est bien compliqué à droite de la droite…

Affiche annonçant la création du PFN en novembre 1974.

Le déclic de 1974.

Le décès de Georges Pompidou, le 3 avril 1974, la campagne présidentielle qui suit et l’élection de Valéry Giscard d’Estaing marquent un tournant dans l’histoire de la droite nationale. Deux stratégies, en effet, vont s’affronter sous le septennat de VGE : celle de l’opposition systématique incarnée par Jean-Marie Le Pen et celle de l’opposition constructive voulue par les anciens membres d’Ordre nouveau, rassemblés dans les comités Faire front. Mais pour imposer cette dernière stratégie, encore faut-il que les ex-cadres et militants d’ON disposent d’un appareil digne de ce nom. C’est dans ce but qu’ils créent, les 9, 10 et 11 novembre 1974, à Bagnolet, le Parti des forces nouvelles.

Un projet ambitieux.

L’idée est simple : face aux dérives « progressistes » de la démocratie libérale avancée de Giscard, il faut un parti attractif, capable de rassembler la droite de conviction ; un parti « respectable » et moderne, débarrassé des oripeaux qui caractérisaient jusque-là la droite nationale. Il faut inculquer un style nouveau à cette dernière, ce qui n’est pas gagné d’avance…

Pour cela, le PFN ne lésine pas sur les moyens : dès 1975, organisation de colloques et de forums à Paris et à travers toute la France ; lancement d’un magazine de qualité, Initiative nationale ; rencontres avec des personnalités prestigieuses de la droite non conformiste de l’époque, tels Jean Cau, Louis Pauwels, Pierre Gripari, Maurice Bardèche, Jean-François Chauvel, Michel Mourlet, Dominique Venner… ; ralliement de l’écrivain Jean Raspail, des journalistes François Brigneau, Roland Gaucher ; multiplication des courroies de transmission, comme le Comité de soutien à l’armée du sergent Joël Dupuy dont l’objectif est de contrecarrer la subversion gauchiste au sein de la « grande muette » (en pensant notamment aux événements d’avril 1974 au Portugal), ou encore le Comité pour la défense de la liberté d’expression, afin de dénoncer l’emprise du Syndicat du livre CGT sur la presse française (cf. l’affaire du Parisien libéré).

Au printemps 1976, le PFN organise même à Paris une Semaine du cinéma de droite à laquelle participent de grands noms du cinéma (malheureusement peu connus des jeunes générations) : Arletty, Jacques Marin, Raoul Couttard…

Parallèlement à cette activité « intellectuelle » débordante, le parti poursuit le travail militant sur le terrain. L’actualité internationale de la seconde moitié des années 1970, rythmée par les avancées du communisme à travers le monde, lui offre de nombreux thèmes de campagnes et des occasions de descendre dans la rue : en 1975, soutien au Sud Vietnam et dénonciation des actions du terrorisme international en Allemagne et en Espagne ; en 1977, venue de Brejnev à Paris et détention d’otages français par des terroristes à la solde de l’Algérie… Pour mener ses actions, le PFN peut compter sur ses militants, en particulier les plus jeunes, regroupés au sein du Front de la Jeunesse et du Groupe Union Défense (le fameux GUD qui lui survivra jusqu’à tout récemment).

L’aventure électorale du PFN.

Lors des élections municipales de 1977, la stratégie du PFN semble, un moment, porter ses fruits. Plusieurs responsables locaux du parti figurent, sans que cela n’offusque personne, sur des listes de droite (à Paris – sur la liste du RPR de Jacques Chirac -, à Nancy, Aix-en-Provence, Marseille ou encore Toulon et à Hyères…).

En mars 1978 ont lieu les élections législatives. Le pouvoir giscardien craint une défaite. La gauche unie se voit déjà aux affaires. Le PFN estime que le moment est venu de mesurer son impact réel : il présente une centaine de candidats qui, bien souvent, se retrouvent en concurrence avec ceux du Front national, aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les deux formations nationalistes. Les résultats s’en ressentent. Pour le PFN comme pour le FN, ils sont très moyens, pour ne pas dire insignifiants, (entre 0,5 et 1,5 % des suffrages exprimés). Cependant, malgré cette illustration frappante des conséquences néfastes de la lutte fratricide, celle-ci va se poursuivre pendant quelques années encore (même si le Parti des forces nouvelles dispose d’une force militante nettement supérieure à celle du Front national, la personnalité de Jean-Marie Le Pen, à elle seule, suffit à maintenir le FN hors de l’eau).

Le 10 juin 1979 a lieu la première élection du Parlement européen au suffrage universel. Le PFN, fort de ses liens amicaux, noués à l’époque d’Ordre nouveau, avec le Mouvement social italien (MSI), décide de se lancer dans la bataille. Conscient du manque de notoriété de ses dirigeants auprès du grand public, malgré leurs qualités (le jeune normalien Pascal Gauchon et l’ancien chef d’ON Alain Robert), il fait appel pour mener sa liste intitulée « Eurodroite », à l’ancien candidat de la droite nationale à la Présidentielle de 1965, le célèbre avocat Jean-Louis Tixier-Vignancour. Après une éphémère tentative de liste commune avec le Front national, sous l’égide de l’écrivain monarchiste Michel de Saint-Pierre, il part finalement seul en campagne et obtient 1,33 % des voix. Ce (modeste) résultat ne lui permet pas d’avoir des élus et lui donne l’illusion de détenir désormais le leadership au sein de la droite nationale…

Mais celle-ci est de courte durée. Si deux ans plus tard, en 1981, le candidat du FN, Jean-Marie Le Pen ne peut participer à l’élection présidentielle (qui voit François Mitterrand et sa coalition socialo-communiste arriver au pouvoir), faute d’avoir pu rassembler les 500 parrainages nécessaires, il en est de même du candidat du PFN, Pascal Gauchon.

1981-1984 : la rupture stratégique et la fin du PFN.

Dans les mois qui suivent, le PFN se retrouve face à un cruel dilemme. Deux lignes politiques s’affrontent.

D’une part, Alain Robert et ses vieux compagnons de lutte considèrent qu’avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, la France va se diviser en deux blocs : un social-démocrate, autour du président ; et un autre, conservateur, autour d’une alliance RPR-UDF-CNIP. Pour eux, la droite nationale en général, et le PFN en particulier, n’ont d’autre choix que de se fondre dans ce second ensemble et, par conséquent, de disparaître en tant que tels de l’échiquier politique.

D’autre part, un certain nombre de jeunes cadres du parti estiment, bien au contraire, qu’il faut maintenir le parti, la nouvelle donne politique représentant une chance inespérée de pouvoir enfin « percer ». Seule faiblesse (de taille) du raisonnement : l’oubli (peut-être par orgueil) de la prise en compte d’un paramètre important, le Front national…

Celui-ci, de fait, dispose de deux atouts : la notoriété de son président, Jean-Marie Le Pen, acquise lors de la présidentielle de 1974 où, malgré un faible score (0,74% des suffrages exprimés), il s’est fait connaître de tous les Français ; et le sens inné de l’organisation de son secrétaire général, Jean-Pierre Stirbois.

Trois ans durant, de 1981 à 1984, la nouvelle équipe dirigeante du PFN s’emploie, en menant une véritable « guérilla » militante et médiatique contre le pouvoir socialo-communiste, à maintenir en vie ce qui reste du parti. Mais la répression qui s’ensuit et l’attentat à la bombe qui détruit le siège national, à la Pentecôte 1983, contribuent à le marginaliser davantage, alors que le FN marque des points.

Finalement, sa percée historique de juin 1984 ne laisse plus aucun espace, ni politique, ni médiatique, ni électoral, au PFN. Il est donc décidé sagement de mettre fin à son existence et de rejoindre le Front. Une nouvelle aventure commence alors, mais c’est une autre histoire !

En guise de conclusion.

Indéniablement, le PFN a marqué son temps. Sa première mouture (1974-1981), pour ce qui est du modernisme, est peut-être comparable à ce que sera, vingt ans plus tard, le Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, ou encore, ces dernières années, les reniements idéologiques en moins, le Rassemblement national en quête de respectabilité de Marine Le Pen. La seconde (1981-1984) le rapproche davantage de ses origines activistes et annonce peut-être ce que sera l’engagement politique à droite, demain… Dans un cas, comme dans l’autre, force est de constater que le PFN a été anachronique. En politique, on a toujours raison à un moment ou à un autre, mais le problème, c’est d’avoir raison au bon moment…

Roland Hélie était invité recemment par Martial Bild sur TV Libertés pour évoquer les 50 ans de la création du PFN :

Sur l’histoire du PFN : Le Parti des forces nouvelles, 1974-1984, une autre droite…, Didier Lecerf, Synthèse nationale, collection Les Cahiers d’Histoire du nationalisme, 2014, 196 pages. Pour le commander, cliquez ici

(1) Cet article a été publié dans le numéro d’été 2024 de la Revue d’Histoire européenne.

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