Vie et œuvre d’un doctrinaire transeuropéen
Qui connaît Jean Thiriart ? Son ami Yannick Sauveur vient de rédiger une très intéressante biographie aux éditions Pardès dans la collection « Qui suis-je ? » (127 p., 12 €). Optométriste réputé à Bruxelles, Jean Thiriart (1922-1992) fut un ardent militant européen ou, plus exactement, « national-européen ».
Après une jeunesse collaborationniste, Thiriart défend le Congo belge et l’Algérie française qu’il intègre rapidement dans une ambitieuse vision grande-européenne allant de l’Arctique jusqu’au Cap. Il crée dès 1962 Jeune Europe, un mouvement transeuropéen qui entend fondre toutes les nationalités en une seule citoyenneté. Hostile aux deux blocs surgis de Yalta, ce parti s’implante en Belgique, en RFA, en Italie, en France, et publie L’Europe communautaire ou La Nation européenne. Auteur, deux ans plus tard, d’Un Empire de quatre cents millions d’hommes : l’Europe. La naissance d’une nation, au départ d’un parti historique (réédité aux éditions Avatar dans la collection « Heartland » en 2007), Thiriart, en lecteur attentif de Machiavel et de Pareto, conçoit un État-nation européen, centralisé, indivisible, unifié, laïque et républicain. Être européen n’est à ses yeux qu’une question politique et nullement une réalité ethno-linguistique. Il exècre par conséquent tous les « petits nationalismes » qu’ils soient régionalistes, nationaux, ethnistes et religieux. Si, dans les années 1980, il envisageait une solide alliance euro-soviétique tournée contre les États-Unis, après la fin de l’URSS en 1991, il imagine un grand-espace plus qu’européen couvrant à la fois l’Europe de l’Ouest et l’ancien bloc de l’Est ainsi que la Turquie, l’Asie centrale, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
La pensée géopolitique de ce doctrinaire intransigeant déroute. L’échec de Jeune Europe en 1969 ne l’empêche néanmoins pas de continuer à réfléchir et à persévérer. En août 1992, il séjourne à Moscou et y rencontre les opposants de Boris Eltsine dont le jeune Alexandre Douguine pas encore chantre d’une quatrième théorie politique néo-eurasiste. Toutefois, malgré quelques similitudes, force est de relever que le néo-eurasisme douguinien ne correspond pas au transeuropéisme de Thiriart.
Certaines des analyses de Jean Thiriart demeurent actuelles et pertinentes, nonobstant un idéal transeuropéen qui continue à susciter réticences, interrogations et polémiques auprès de tous les européistes identitaires convaincus.
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Chronique hebdomadaire du Village planétaire diffusé sur Radio Libertés le 24 février 2017.
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