L’Afrique à désintoxiquer (fin)
Entretien avec Kakou Ernest Tigori, auteur du livre L’Afrique à désintoxiquer (Éditions Dualpha)
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
« Le problème des migrants
qui meurent dans le Sahara et la Méditerranée
est un problème principalement européen.
Les dirigeants européens en arrivent
à des conflits ouverts sur la question.
Mais où sont les dirigeants africains ? »
Vous insistez – c’est le sous-titre de votre livre – sur la nécessité de « sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme »… C’est-à-dire ?
Comprenez que toutes les absurdités n’ont libre cours que parce que l’Européen n’est plus en mesure de réagir. Depuis 70 ans, on lui a mis dans la tête que son peuple a fait subir à l’Afrique la traite négrière, la colonisation, la spoliation des ressources naturelles et toutes les misères du monde, et qu’à ce titre il doit des réparations à l’Africain. L’Européen, honteux, doit battre sa coulpe !
Cet artifice de la gauche révolutionnaire fonctionne à merveille, et permet de soutenir l’immigration massive qui, pour elle, est le moyen de rassembler tous les prolétaires de la terre en vue de la réalisation de la révolution mondiale prophétisée par Karl Marx depuis plus de 150 ans. Cette gauche aveuglée se bat contre des moulins à vent, et ne comprend pas qu’elle ne réussira qu’à détruire l’Europe. Et rien d’autre !
Mon livre est un livre de combat politique, destiné à libérer l’Européen de ces fausses accusations qui l’emprisonnent dans cette repentance inhibante. Il s’agit aussi pour moi de ramener l’Africain à la raison, au lieu de l’abandon dans le confort de l’irresponsabilité qui lui a été instillée.
Figurez-vous qu’aujourd’hui, le problème des migrants qui meurent dans le Sahara et la Méditerranée est un problème principalement européen. Les dirigeants européens en arrivent à des conflits ouverts sur la question. Mais où sont les dirigeants africains ? Trouvez-vous cette situation normale ? Tout se passe comme s’il est acquis que l’Afrique est un continent d’irresponsables de qui il n’y a rien à attendre, et que l’Europe doit payer indéfiniment la « facture de la colonisation »… pour utiliser l’expression chère à Bruno Gaccio (auteur et producteur de télévision) et à Leonora Miano (femme de lettres franco-camerounaise).
Il faut arrêter avec ces absurdités. L’Africain doit sortir de cet infantilisme pour s’assumer, car personne ne lui doit absolument rien. Les développements que je fais dans mon livre sur l’esclavage et la traite humaine, la colonisation ou le racisme sont destinés à déconstruire les mensonges et les complexes s’y attachant, finissant par induire un vrai blocage psychologique qui retient les énergies du monde noir. Ce n’est pas qu’un débat intellectuel, c’est surtout un combat politique qu’il faut entamer urgemment, sinon il y a à craindre pour l’attelage Europe-Afrique. Ne perdons pas de vue que l’attelage Europe-Afrique est un attelage naturel que nous devons préserver, en le sortant de la déraison.
Que pensez-vous de ceux qui prônent la « remigration » d’une partie des Africains ou nord-Africains ? Est-ce envisageable ? Est-ce souhaitable ?
Tout dépend de la nature de cette « remigration ». Se fera-t-elle sous la forme d’expulsion ou de retour volontaire ? Je ne crois pas en l’expulsion, car le niveau de l’immigration est tel aujourd’hui que ce serait la guerre civile…
En revanche, le retour volontaire me semble plus envisageable. D’autant plus que, je puis vous l’affirmer, une majorité d’Africains n’est pas vraiment heureuse de vivre ici en Occident, mais y est contrainte pour se mettre à l’abri de l’insécurité existentielle que proposent les États corrompus et inconsistants du continent noir. Les gens n’ont pas besoin qu’on leur donne une « prime de retour » de cinq ou dix mille euros, non ! Les gens attendent que leurs pays offrent des perspectives meilleures, soient des États de droit, débarrassent l’espace public de cette corruption qui a gangrené toute la société et étouffe toute initiative, etc.
Vous comprenez qu’on touche là à la souveraineté des peuples et que l’Occident ne peut absolument rien faire. Ce n’est pas la vocation de l’Europe de gouverner l’Afrique ! Tant qu’il n’y aura pas une élite africaine vertueuse qui opère le sursaut, l’Afrique continuera de traîner la crise de civilisation – car c’est de ça qu’il s’agit – qu’elle vit aujourd’hui. La solution, la seule, au risque de trop me répéter, est la constitution d’une élite vertueuse, compétente et responsable, qui remette de l’ordre en Afrique. Aujourd’hui, ce personnel potentiel existe, tant dans la diaspora que dans la population autochtone. Ce qui manque, c’est la réflexion et la maturité politique. Notre combat aujourd’hui doit être de constituer cette élite… J’y travaille aujourd’hui avec des frères africains. Nous avons besoin de soutien.
Si une telle élite se crée, qui met en place les conditions pour faire des pays africains des espaces viables et attrayants, offrant des sécurités réelles pour les personnes, les biens et les investissements, alors vous serez étonné par le niveau de « remigration ». J’en suis persuadé. Les gens n’attendent que ça, et ils n’ont besoin d’aucune incitation par quelque « prime de retour » que ce soit.
Mieux, pourquoi ce mouvement vers l’Afrique devrait-il concerner uniquement les Africains immigrés en France ? Je pense par exemple à toutes les compétences dont la France n’a plus besoin, qui grossissent les rangs des chômeurs à indemniser par Pôle Emploi, qui pourraient s’installer dans une Afrique ouverte sur le monde et bien gouvernée. N’oublions pas que ce continent est quatre ou cinq fois plus grand que l’Europe, avec de réelles ressources économiques à exploiter. On ne peut pas continuer à parler de mondialisation et en même temps considérer que le sol africain est exclusivement réservé aux Noirs. Il faut sortir des inepties qui créent toujours des complexes liés à la version mensongère de la colonisation qu’a vendue l’extrême gauche européenne. C’est impensable qu’aujourd’hui encore, l’Afrique soit une enclave offerte à des barons pillards qui produisent, en toute quiétude, des migrants damnés avec lesquels les autres parties du globe doivent se débrouiller !
En fait, le monde manque cruellement de gouvernance. Avec les évolutions technologiques et les progrès des moyens de communication, on a réussi à faire du globe un village… mais malheureusement sans chef. L’attelage Europe-Afrique a besoin de vrais hommes d’États qui portent des visions adaptées aux circonstances d’aujourd’hui. Mais, tant que les hommes politiques occidentaux, bardés de poncifs erronés, ne se contenteront dans la politique africaine que de rapports personnels avec des potentats locaux, rapports faits de circulations de mallettes d’argent contre protection de régime, l’attelage Europe-Afrique continuera de sombrer.
L’Afrique à désintoxiquer, Kakou Ernest Tigori, Éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 438 pages, 33 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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