4 mars 2022

Chroniques ukrainiennes. L’affrontement Est-Ouest genèse d’une crise (entretien avec Jean-Michel Vernochet)

Par Fabrice Dutilleul

Jean-Michel Vernochet, initié entre autres aux subtilités de l’Orient au sein de l’École nationale des Langues vivantes, a été responsable des Affaires francophones au Commissariat général de la Langue française, puis chargé de la com­mu­ni­cation et des publications au Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes. Ancien grand reporter au Figaro Magazine, il est membre de l’Académie de géopolitique de Paris.

 

Il est l’auteur de Chroniques ukrainiennes. L’affrontement Est-Ouest genèse d’une crise, préface du capitaine Arthur d’Eullyl, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire ».

 

Fabrice Dutilleul l’interroge à propos de la guerre russo-ukrainienne qui défraie l’actualité.

 

« Le pire est-il à venir », dixit Emmanuel Macron : vrai ?

Nous pouvons craindre le pire si nous ne savons pas mettre un bémol à nos cris d’orfraie indignée alors que nous nous sommes montrés incapables d’obliger Kiev à appliquer les accords de Minsk, lesquels réglaient la question du Donbass russophone. Au lieu de quoi nous avons laissé se perpétrer un « génocide » silencieux – 13 000 morts en sept ans sous les bombes ukrainiennes – tandis que l’Otan resserrait son encerclement de la Russie en multipliant ses bases et ses rampes de lancement de missiles soi-disant antimissiles devant nous protéger contre une fantasmatique attaque iranienne. La crise ukrainienne n’est au fond que l’arbre qui cache la forêt : le seul et unique véritable enjeu est la redéfinition des règles de sécurité collective applicable à l’Europe et à la Russie. Or, comme les États-Unis sont loin, qu’un océan les séparent du Vieux continent, ils ne céderont pas, et nous, alliés soumis et obéissants, sommes condamnés, à l’arrivée, à payer l’addition.

Mais qu’en est-il des supposés engagements pris en 1991 par les Occidentaux, à la dislocation de l’URSS, de ne pas étendre l’Otan vers l’Est ?

La Guerre Froide étant finie, le Pacte de Varsovie dissout, l’Otan, en toute logique, aurait dû connaître le même sort. Il n’en a rien été. Aujourd’hui, il est de bon ton de nier qu’un quelconque engagement à ce propos ait été pris à l’Ouest. En tout cas, nous dit avec prudence Camille Grand, Secrétaire général adjoint de l’Organisation du Pacte atlantique, qu’il n’existe pas de traces écrites… ne niant cependant pas que des paroles verbales aient pu être prononcées.

Or un article du Spiegel publié le 18 février, mentionne un document découvert par un politologue américain, professeur de relations internationales à l’Université de Boston, Joshua Shifrinson, lequel établit formellement que l’Occident s’est effectivement engagé à arrêter la progression de l’Otan à la frontière polonaise après la réunification des deux Allemagne. C’est à l’issue d’une conférence à Bonn, le 6 mars 1991, entre des représentants des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne, que le diplomate allemand Jürgen Chrobog, a textuellement déclaré : « Au cours des pourparlers “deux plus quatre”, nous avons clairement indiqué que nous n’étendrons pas l’Otan au-delà de l’Elbe. Par conséquent, nous ne pouvons pas proposer à la Pologne et aux autres pays d’adhérer à l’Otan ». Ite missa est. La messe est dite !

Là est le cœur du problème, nulle part ailleurs. Raison pour laquelle l’inquiétude reste fondée.

Le président Poutine est-il fou ?

On le présente aujourd’hui comme un homme isolé. L’hypothèse d’une tendance paranoïaque n’est pas à exclure. Une résurgence du fameux complexe obsidional densément cultivé du temps des tsars rouges. Disons que la manière dont la presse occidentaliste l’a traité ces deux dernières décennies a de quoi nourrir un vif sentiment d’aigreur. La Secrétaire d’État ajointe des États-Unis se vantait en 2014 après le coup d’État de l’EuroMaïdan, d’avoir financé l’Ukraine à hauteur de quelque cinq milliards de dollars pour l’arrimer au camp occidental. Vladimir Poutine n’est certainement pas fou au sens clinique, mais « nous » avons tout fait pour le pousser à bout. Maintenant cela ne justifie pas le déclenchement d’une guerre qui pourrait déraper à tout moment. Indéniablement, la passe sera difficile et les écueils seront nombreux parce que tout sera fait par des gens bien intentionnés pour jeter de l’huile sur le feu. En ce sens, l’Ukraine est prétexte et une occasion d’aller débusquer l’Ours dans sa tanière… Un jeu particulièrement risqué ! Le but ultime : un changement de régime et l’instauration en Russie d’une société sur le modèle occidental, hyper-consumériste, permissive, wokiste et numérisée.

Comme on ne change pas de cheval au milieu du gué, Emmanuel Macron généralissime en temps de guerre est-il assuré de sa réélection ?

Oui certes, rien n’obligera le maître ès démolition, le petit fossoyeur franchouillard, à parler de son bilan calamiteux…  L’Ukraine est du pain béni pour faire oublier deux années de confinement et de restrictions draconiennes de nos libertés, les centaines de  vieillards abonnés à la plus noire solitude dans leur Ehpad et expédié ad patres à grands coups de piqûre de Rivotril… ni les éborgnés, les mains arrachées des gilets jaunes, les piqûres rendues insidieusement obligatoires avec des produits expérimentaux, les millions d’effets secondaires plus ou moins graves – parfois mortels – des injections… Nous attendons à ce sujet que nos élites exigent avec véhémence la vérité ! Ni la cession de la filière énergie d’Alsthom à l’américain General Electric avec maintenant le rachat au double du prix de vente de nos turbines de centrales atomiques… sans les brevets afférents. L’abandon de notre parc de réacteurs et les fermetures en cascade faute d’entretien… La liste est longue des méfaits dus au hâbleur élyséen. Bref, nous ne sommes pas sortis de l’auberge en n’espérant pas un embrasement général au cas où Pékin déciderait pour sa part d’envahir Formose, Taïwan…

Chroniques ukrainiennes. L’affrontement Est-Ouest genèse d’une crise, Jean-Michel Vernochet, préface du capitaine Arthur d’Eullyl, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », 352 pages, 31 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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