Incertaine Espagne
Il ne fait pas bon actuellement d’être un bureaucrate de Bruxelles. Après des résultats municipaux calamiteux pour le Système en Italie et un Brexit aussi soudain qu’inattendu, la capitale de l’Union pseudo-européenne tremble maintenant pour l’Espagne.En effet, les électeurs élisent, ce dimanche, députés et sénateurs six mois après un premier scrutin survenu en décembre dernier. La routine politicienne a été chamboulée puisque le bipartisme entre les socialistes du PSOE et les conservateurs libéraux du Parti populaire (PP) établi à partir des années 1980 s’est effacé au profit d’un ensemble quadripartite dû à l’apparition simultanée du mouvement centriste libéral centralisateur anti-régionaliste Ciudadanos (« Citoyens ») d’Albert Rivera et de la formation de gauche radicale anti-austérité Podemos (« Nous pouvons ») de Pablo Iglesias.
Aucun n’est néanmoins parvenu à s’accorder malgré leur envie unanime de chasser l’actuel président du gouvernement et chef du PP, Mariano Rajoy. Sa politique libérale d’austérité, son centralisme exacerbé et les nombreuses affaires de corruption qui frappent son entourage les empêchent de constituer une quelconque alliance. Le PSOE aurait pu conclure un pacte de gouvernement avec Podemos et Ciudadanos, mais ces deux derniers ont des programmes opposés, en particulier sur la rigueur budgétaire et la tenue d’un référendum d’autodétermination en Catalogne (Rivera est contre, Iglesias est pour).
En outre, Pablo Iglesias a exigé du PSOE la moitié des ministères (dont celui de l’Intérieur) et la vice-présidence du gouvernement, ce que les responsables socialistes ont immédiatement refusé. Le blocage a provoqué la dissolution des Cortès.
Pour les législatives d’aujourd’hui, les mêmes se représentent. Selon les sondages (qu’il faut lire avec précaution), le PP conserverait sa première place sans obtenir la majorité absolue des sièges ; Ciudadanos resterait bon quatrième. La sensation proviendrait d’un PSOE dépassé par Podemos. Contrairement aux élections de fin 2015 et après de vives dissensions internes, Podemos vient de renoncer à sa position populiste « ni droite ni gauche » qui entendait défendre l’« Espagne d’en-bas » contre la « caste » politicienne de l’Établissement pour s’entendre avec Izquierda Unida (« Gauche unie » qui rassemble communistes, alternatifs et Verts) sous la bannière d’Unidos Podemos (« Unis, nous pouvons »). Ainsi reprend-il une tactique assez réussie aux municipales grâce à des listes civiques d’extrême gauche républicaine toujours focalisées sur leur défaite de 1939. Iglesias justifie ce rapprochement en se revendiquant désormais « progressiste de sensibilité sociale-démocrate », alors qu’il ne cachait pas jusque-là son admiration pour le Vénézuélien Hugo Chavez, le Bolivien Evo Morales et… l’Argentin Juan Péron. Il anima par ailleurs une émission sur une télévision de langue espagnole lancée et financée par Téhéran.
Une Syriza espagnole vient de se former et pourrait « PASOKiser » le PSOE, réduit au rang de partenaire mineur d’un futur gouvernement Iglesias. Il sera cependant très difficile à ce professeur trentenaire en sciences politiques et à sa célèbre queue de cheval, d’accéder à cette fonction, car les caciques droitiers du PSOE, le PP et Ciudadanos rejettent par avance tout référendum d’autodétermination en Catalogne tandis que Podemos en soutient le principe sans pour autant prôner l’indépendance, soulignant plutôt le caractère plurinational de l’Espagne.
Il est probable que les barons du PP excluent à terme Rajoy et s’entendent ensuite au nom de l’unité nationale à préserver avec Ciudadanos et quelques élus du PSOE ; avec le risque élevé de faire exploser le parti socialiste. Unidos Podemos va-t-il toutefois profiter du Brexit et de ses appels incessants en faveur d’une autre Europe plus populaire, plus sociale et moins financière ? On ne peut qu’observer que le clivage droite-gauche perdure encore au-delà des Pyrénées au point d’estomper les questions nationales et sociales.
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Philippe Randa,
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