A Rome, mardi : le discours d’un imam, devant le pape, jette le trouble

par Francis Bergeron.

À Rome, dans le cadre d’une réunion interreligieuse et en présence du pape, le cheikh Ahmed al-Tayoub, imam de la grande mosquée égyptienne d’Al-Azhar, a qualifié d’« acte criminel odieux » la décapitation du professeur Paty. Mais il a poursuivi son discours en expliquant que montrer des caricatures du prophète était « un appel à la haine ». Dans le contexte actuel, cette partie de son discours a jeté le trouble.

« J’insiste sur le fait qu’insulter des religions et attaquer leurs symboles sacrés au nom de la liberté d’expression est (…) un appel à la haine » : qui ne souscrirait à cette formule ? De tels appels à la haine, les chrétiens, en France même, les subissent à jet continu. Présent se fait régulièrement l’écho de ces croix arrachées, de ces églises souillées ou incendiées, de ces spectacles à la Piss Christ, destinés à choquer les chrétiens. Sur le principe, l’imam parle d’or. D’ailleurs l’Egypte est l’un des pays où les chrétiens subissent le plus régulièrement ce type d’insultes et d’attaques de leurs symboles religieux, pouvant d’ailleurs aller jusqu’à l’assassinat.

Mais était-ce bien le lieu et surtout le moment d’un tel discours ? On a beau savoir qu’il ne faut jamais pratiquer l’amalgame quand il s’agit de crimes islamistes, les commentateurs politiques ne peuvent s’empêcher de noter que l’autorité sunnite avait qualifié d’« acte criminel » la réédition des dessins de Charlie, et accusé Macron de racisme, après son discours du 2 octobre sur le « séparatisme » islamiste.

Des dessins vulgaires, obscènes et rarement drôles

Le professeur Paty ne passait pas pour un forcené de l’athéisme, il ne faisait qu’appliquer le programme scolaire, avec les outils pédagogiques prévus. Et disons-le tout net : les dessins de Charlie sont vulgaires, obscènes et rarement drôles. Et cette culture du blasphème, que l’on veut à présent enseigner aux enfants à partir de la classe de 5e, est une ignominie, et contribue à exciter sans nécessité les islamistes. Si en outre les imams traitent d’« actes criminels » la diffusion de ces dessins, cela légitime tout acte terroriste de contestation.

La réunion de ce 20 octobre se tenait sur la place du Capitole en présence de représentants des principales religions, dont le pape François. Il s’agissait de signer un « appel à la paix » (un de plus !) et d’observer une minute de silence pour les victimes du coronavirus et des guerres. Curieux fourre-tout…

Mais toutes les pensées étaient tournées vers l’affaire de Conflans, l’assassinat de ce professeur, désigné par une fatwa, pour avoir appliqué le programme scolaire. Si « acte criminel » il y a, c’est du côté du ministère de l’Education nationale qu’il aurait fallu chercher. Mais on ne nous fera pas crier avec les loups ou publier « par solidarité » des dessins pornographiques qui offensent chrétiens et musulmans, davantage encore les chrétiens que les musulmans. L’avocat de Charlie l’expliquait lors d’un procès intenté en 2007 par la grande mosquée de Paris : « Vous nous demandez une égalité de traitement avec les chrétiens ? Vous ne semblez pas savoir avec quelle virulence Charlie a toujours traité l’Église catholique : laissez-moi vous montrer quelques couvertures de Charlie ayant trait au pape ou à Jésus et vous me direz si vous voulez vraiment une égalité de traitement ! » (cité par l’Agrif).

Article paru dans les colonnes du quotidien Présent.

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