19 août 2016

Saboter la surconsommation ? Et si c’était la solution ?

Par Fabrice Dutilleul

Entretien avec Georges Gourdin, rédacteur en chef du site de réinformation Nice Provence Info et auteur de Sabotage, « Appel à la grève des consommateurs ».

 

Georges Gourdin

Georges Gourdin

Vous considérez la décroissance économique comme le seul impératif possible à un avenir serein pour l’Humanité… Et ce, avec la même conviction autoritaire que ceux qui prônent justement la croissance comme solution unique à un avenir radieux… N’y aurait-il donc pas d’autre choix ? Un juste milieu entre croissance et décroissance ?

Je ne me positionne pas en adepte idéologue de la décroissance à laquelle je consacre un chapitre dans mon livre. J’explique comment est apparu ce néologisme.

L’objectif à atteindre n’est pas la décroissance en tant que telle, c’est plutôt le refus du progrès matériel quantitatif et perpétuel qui est l’orientation à prendre. Le mot croissance est tellement imprégné dans notre vue du monde occidentale que le mot décroissance fait peur : il signifie récession, retour en arrière. Mais si vraiment ce mot fait peur à certains, alors parlons de « croissance qualitative » !

Il n’y a pas de juste milieu entre croissance et décroissance car il ne s’agit pas de régler plus ou moins le curseur de la production pour trouver le bon niveau. Il s’agit de revoir complètement notre relation au monde et le rôle de l’économique. Il s’agit d’avoir un rapport aux autres et à la nature qui ne soit plus soumis au règne de la quantité.

 

Vous donnez un certain nombre d’exemples pour « saboter » la surconsommation… Acheter peu de vêtements, mais de qualité et que l’on conservera en bon état très longtemps avec un peu d’attention, d’accord, c’est réalisable… Mais à l’ère de l’informatique, est-il imaginable de pouvoir conserver le même ordinateur ou le même smartphone plus de 3 ou 4 ans, alors que les progrès ultrarapides des technologies les rendent vite techniquement inutilisables ? Il ne s’agit pas là du « design » des appareils, mais de leurs capacités à être utilisables longtemps avec les mises à jour permanentes des logiciels, des moteurs de recherche, des applications, etc.

Cette fuite en avant technologique n’est pas une obligation. Elle nous est imposée par le Système qui y trouve son compte, mais au prix de ravages écologiques et sociaux considérables. Le Système nous impose ce gaspillage au nom du sacro-saint Progrès. Mais les gens s’aperçoivent bien que la machine s’emballe et que « c’était mieux avant », même sans 4G ni GPS. Le succès des produits « vintage » atteste de cette nostalgie.

Lorsque je jette un objet avant qu’il n’ait restitué toute l’énergie qui a servi à le manufacturer, c’est un gâchis. Le recyclage permet de retarder cette échéance et de réduire la gabegie économique globale, donc écologique.

Je remets en cause dans mon livre la vision progressiste de l’Histoire. Une part de plus en plus grande de nos ressources est employée à corriger les méfaits du Progrès : médicaments contre le stress, climatisation contre la sururbanisation, traitement de l’obésité liée à la malbouffe, gestion des embouteillages, traitement de l’air et de l’eau pollués, système d’alarme pour traiter l’insécurité croissante, etc. La machine s’emballe et tourne à vide. Même le Progrès matériel s’évanouit.

 

Vous prônez la « grève des consommateurs » pour « saboter » la surconsommation actuelle dans le Monde… Mais croyez-vous vraiment que les citoyens – qu’ils soient les plus défavorisés ou les plus aisés socialement – acceptent de renoncer volontairement à ce qui est devenu depuis des décennies aux uns comme autres leur seul et unique motivation dans la vie ? Ne serait-ce pas une « utopie d’intellectuel » totalement déconnectée de la réalité, étrangère aux préoccupations quotidiennes de l’immense majorité des citoyens ?

Oui, j’y crois, et pour plusieurs raisons. Si je n’y croyais pas, je n’aurais pas écrit ce livre !

J’y crois d’abord parce que je ne vois pas d’autre issue. J’analyse d’autres solutions, et j’explique pourquoi je n’y crois pas.

Ensuite j’y crois parce que la grève de la consommation est déjà en marche ! Si, si !

La grève de la consommation, ce sont les sites de vente en ligne du type Le Bon Coin ou Gens de Confiance par exemple, mais tant d’autres qui touchent au recyclage et à l’échange. Le troc se développe, ainsi que les AMAP ou même les monnaies locales. Le processus est donc déjà enclenché sous de multiples formes.

Ensuite le niveau de consommation se réduira mécaniquement par la réduction du pouvoir d’achat. C’est inéluctable. J’invite mes lecteurs à ne pas subir amèrement cette baisse du pouvoir d’achat, mais au contraire à l’anticiper et à la vivre comme une opportunité positive.

Enfin ce que je préconise, c’est de transformer ces nouveaux comportements encore très individuels et épars en action politique globale d’envergure. Il faut une prise de conscience qui accompagnera le renversement des valeurs.

C’est ainsi que nous éviterons – peut-être – la guerre ou le chaos que l’on nous annonce.

 

Sabotage, « Appel à la grève des consommateurs », Georges Gourdin, Éditions Godefroy de Bouillon, 2016.

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Philippe Randa,
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