L’utopie de l’espoir
par Michel Grimard, Président du ROUE
Rien ne sera plus comme avant, le maître mot est lâché. Il court, sans originalité, sur les lèvres des érudits de notre pays. Changer notre comportement, pour tenir compte des enseignements à tirer de ce que nous vivons, certainement. Mais inverser la trajectoire de notre société, qui évolue vers toujours plus d’égoïsme, s’apparente à une gageure. Dans la normalité du temps, le chacun pour soi l’emporte sur la solidarité. Celle qui se manifeste aujourd’hui, est le résultat de la peur d’un phénomène qui concerne tout le monde et auquel personne ne peut prétendre échapper. Habituellement, les droits priment sur les devoirs, la responsabilité étant celle des autres.
Notre société individualiste tend vers l’égoïsme. A contrario, le courage de tous ceux qui se trouvent exposés aux dangers du coronavirus, soignants ou indispensables à la vie quotidienne, est un profond réconfort, pour espérer dans l’être humain, dont la responsabilité individuelle n’est pas seule en cause, car l’environnement dans lequel il gravite le conditionne. Le libéralisme, qui privilégie la réussite sociale sous l’angle presque exclusivement financier, contribue à le façonner. Toute solution qui sera prise dans ce cadre, pour garantir l’avenir, ne constituera qu’un ectoplasme.
En changer nécessite une vision à long terme, qui ne peut que bousculer les grands principes économiques en vigueur. Certes les individus sont différents. S’ils ne sont pas égaux intellectuellement et physiquement, ils le sont comme être humain. Rien n’autorise les mieux nantis à écraser les moins bien pourvus. Des limites à la reconnaissance des talentueux doivent être instaurées, d’autant que les lignes de départ sont différentes, certains bénéficiant de longueurs d’avance.
Découvrir aujourd’hui les méfaits d’une pensée peu préoccupée de respecter la dignité de l’homme, laisse pantois. Durant les deux derniers siècles, d’éminentes voix ont résonné, comme autant de mises en garde. Les Papes, Léon XIII, Jean XXIII, François, les politiques, Jaurès, De Gaulle, ont tous dénoncé une conception de l’économie, qui ne serait pas prioritairement humaine. Ils préconisent un encadrement plus ou moins sévère du capitalisme, afin que l’homme ne rime pas avec objet. Déjà, dans l’encyclique Rerum Novarum, le Pape Léon XIII condamne tout système économique qui broie l’homme. Si les lois sociales ont depuis permis d’atténuer la dureté de la condition salariale, la loi du marché demeure. L’accumulation des richesses entre les mains de quelques-uns n’a pas régressé et les inégalités, grandissantes, sont actuellement la règle.
Dans l’encyclique Mater et Magistra, le Pape Jean XXIII poursuit dans la même veine et précise que l’État, dans toute son activité, ne doit s’inspirer que du seul souci du bien commun. Il dit également que la socialisation qui permet de respecter et de mieux préserver la dignité de la personne, ne transforme pas les hommes en automates. Enfin, le Pape François a levé toute ambiguïté, en appelant à « un changement de structure, pour réformer le système économique et social actuel, qui est une machine à exclure et à produire de l’injustice ». Quant au profond et remarquable humaniste, Jean Jaurès, il déclare « Comment l’idée sainte de fraternité, de justice, s’éveillerait-elle même au cœur des hommes, si la nature dont les hommes font partie n’était dans son fond que brutalité, violence et matière ? Et cette révélation de l’infini sous la forme de la justice ayant ému les âmes humaines, elles comprendront mieux le rêve d’infini que le christianisme contient. C’est en ce sens que le socialisme pourra renouveler et prolonger dans l’humanité l’esprit du Christ ».
De Gaulle met l’homme au centre de ses préoccupations et déclare « La seule querelle qui vaille, celle de l’homme ». L’insertion de la justice sociale dans l’ordre économique a, en effet, été une préoccupation constante du Général De Gaulle, comme en témoigne, parmi d’autres, cette citation : « Nous ne considérons pas que le salariat, c’est-à-dire l’emploi d’un homme par un autre, doive être la base définitive, de l’économie française, ni de la société française. Cela nous ne l’admettons pas ». Pour résumer, Il faut respecter la primauté de l’être humain dans sa réalité concrète, esprit et matière, intelligence et volonté.
Dangerosité et iniquité caractérisent bien le libéralisme, qui domine l’économie planétaire à travers la mondialisation qu’il a induite. La libération des échanges a accru les inégalités. Fruits de ce modèle, elles atteignent désormais des dimensions abyssales, mais ironie du sort, elles ne sont pas seulement humainement abjectes, à terme, elles menacent de décomposition, leur mère nourricière. L’hégémonie du dollar, exception à la loi du marché, à la libre concurrence, favorise à son profit les inégalités monétaires qui en résultent. Sa suprématie, injustifiée, nuit et lèse prioritairement les pays émergents, mais également l’Europe, tant que l’euro ne sera pas plus présent dans les transactions internationales. Si les États-Unis peuvent impunément s’endetter sans limite et transférer leur fardeau aux autres nations, souhaitons qu’ils en paient le prix, le jour où le dollar ne dominera plus les échanges commerciaux dans le monde.
Biens d’autres nuisances que les inégalités, peuvent être dénoncées, comme les fonds spéculatifs dits « Fonds Vautours » qui s’abattent, avidement, sur les pays pauvres, mais pas seulement. Bien sûr, et tout récemment encore, on a tenté de redonner à l’entreprise un rôle qui ne soit pas seulement économique, mais l’environnement dans lequel est prise cette initiative, tempère son efficacité. Les manques que le traitement du coronavirus a mis en lumière bousculent et interrogent le libéralisme. Pour sanctuariser certains domaines, dont celui de la santé, le rôle de l’État apparaît fondamental. Renforcer ses prérogatives, dans tous les secteurs vitaux, est essentiel. Les domaines régaliens, défense, politique étrangère, justice, nécessitent d’être complétés. Respecter réellement la propriété privée, statique ou dynamique, aujourd’hui si fragile qu’elle n’est qu’apparence, impose une finance solidement encadrée dans un capitalisme suffisamment contenu.
Peu réactive, l’Union européenne est restée trop longtemps passive, avant de se reprendre. Un élan de solidarité, sanitaire et économique, aurait dû l’animer dès le début de l’épidémie, ce ne fut malheureusement pas le cas. Les signes d’un engagement positif ont tardé à se dessiner. L’Allemagne, première puissance économique européenne, n’a pas donné l’exemple en faisant preuve d’égoïsme. Elle s’évertue désormais à corriger le tir, comme l’ensemble de l’Union européenne, dont l’Eurogroupe a consenti un plan de soutien de 500 milliards d’euros. Mais son adoption, laborieuse, montre la faiblesse structurelle d’une Union élargie irrationnellement. Comme le préfigurent les premières discussions, fort âpres, sur la mutualisation de la dette, la solidarité des Européens va être mise à rude épreuve. Afin d’échapper à ces pitoyables et interminables discussions d’où émanent, par nature, des décisions lourdes à mettre en place, l’Union européenne doit rapidement resserrer son unité. Ainsi qu’il a été dit « Sans solidarité, les liens et la raison d’être ensemble tombent à l’eau ». En imposant le principe du respect de l’économie de marché ouverte à la concurrence, le traité de Maastricht a conduit, à l’abaissement de la protection douanière des frontières de l’Union, corollaire de la mondialisation.
Également prévue dans le traité, la protection sociale élevée, a subi un autre sort, passant subrepticement à la trappe. Cette Europe, basée quasiment exclusivement sur une construction libérale revendiquée et reniant, pour le moins ignorant, le cœur de l’homme, ne peut être protectrice. Seul un changement de cap, profond et drastique, assurera sa pérennité. Dans l’instant, l’urgence s’impose. La priorité pour l’Europe est de mettre en œuvre tous les moyens permettant de juguler le coronavirus. Mais inévitablement le temps viendra pour refondre l’Europe. Cette crise a dévoilé, une nouvelle fois, que l’Union européenne ne peut compter que sur elle-même. Le comportement des États-Unis, qui signifie le contraire de la solidarité, est explicite.
Les risques de pandémie évoqués voici quelques années par Bill Gates, ne furent pas entendus, les mesures à prendre n’étant pas porteuses de résultats politiques et financiers, immédiats. Le coronavirus lui rend désormais justice. Son approche pour combattre ce virus qui n’a pas de frontière, mérite notre assentiment. Le dépassement des égoïsmes, qu’il appelle de ses vœux, est sans nul doute nécessaire, mais il ne doit pas être l’ardeur d’un moment. Sa survivance dépendra du principe économique et financier, que nous serons capables d’aménager.
Au-delà de la foi de Bill Gates dans un capitalisme vertueux, nous le rejoignons lorsqu’il énonce « Je crois au capitalisme, mais certains marchés ne fonctionnent tout simplement pas en temps de pandémie, et celui des fournitures vitales en est un parfait exemple. Le secteur privé a un rôle important à jouer, mais si notre stratégie de lutte contre le Covid 19 se fonde sur la loi du plus offrant, cette maladie fera encore plus de victimes qu’elle n’en ferait autrement ». Ce qui vaut pour la pandémie, vaut pour bien d’autres domaines. Par-delà nos différences, nous saluons l’altruisme, la philanthropie, en un mot, l’humanisme qui habite Bill Gates. La fabrication en masse d’un médicament contre le Covid 19, ne peut s’effectuer qu’à l’échelon des continents. L’Europe, unie, entre dans cette catégorie, mais il lui faudra échapper aux lois du marché.
Chassons notre pessimisme et optimisons notre réflexion, en espérant que les sentiments vertueux de la nature humaine, l’emporteront sur l’égoïsme, souvent premier. Toutefois, par précaution et pour parer les mauvais instincts, il convient, selon l’expression usitée, d’édifier des gestes barrières, dans le cadre d’un dispositif approprié.
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