Comment la Finlande se débarrasse du charbon grâce au nucléaire
Tristan Hurel ♦
SFEN, Société Française d’Énergie nucléaire.
Quand certains ouvrent des centrales à charbon, d’autres font le chemin inverse. Dès les années 1970, la Finlande a fait le choix du nucléaire, au côté d’autres sources de production d’électricité. Un choix confirmé et renouvelé depuis. Le pays, qui a interdit l’utilisation du charbon après 2029, mise sur le nouveau nucléaire pour décarboner son électricité, et pourquoi pas son chauffage.
Avec une part de 38 % en 2017, le nucléaire est la première source de production d’électricité finlandaise, devant l’hydroélectricité, les centrales thermiques fossiles et de biomasse. Le pays dispose de quatre réacteurs en fonctionnement. Deux, à eau bouillante, sont opérés par TVO sur le site d’Olkiluoto, et deux, des VVER russes, par Fortum a Loviisa. Les réacteurs 1 & 2 d’Olkiluoto, mis en service en 1978 et 1980 avec une capacité de 660 MW, ont vu leur puissance augmenter d’un tiers lors de leur troisième visite décennale, pour atteindre 880 MW chacun. TVO souhaite désormais porter leur capacité de production a 1 000 MW. L’opérateur a également fait une demande pour prolonger à 60 ans leur durée d’exploitation, sous réserve de validation de l’autorité de sureté finlandaise lors des prochaines visites décennales. Les deux réacteurs de Loviisa fermeront en 2027 et 2030, après 50 ans de fonctionnement, et ceux d’Olkiluoto 1 et 2, mis en service au même moment que ceux de Fessenheim, en 2038. Avec un facteur de charge de 95 % ces dix dernières années, ces quatre réacteurs finlandais sont parmi les plus performants au monde.
Malgré ces bons résultats, la production d’électricité finlandaise ne suffit pas à couvrir ses besoins. Le pays doit importer annuellement 20 TWh, pour une consommation de 85,5 TWh. Grâce à la mise en service d’une interconnexion de 2 800 MW avec la Suède, la Finlande, qui achetait jusqu’en 2011 les trois quarts de son électricité importée de Russie, s’approvisionne désormais presque exclusivement avec l’électricité bas carbone, nucléaire et hydraulique, de son voisin scandinave.
Une part du nucléaire bientôt à 60 % du mix électrique ?
Le déficit de production électrique finlandais sera en grande partie comblé par la mise en service de l’EPR d’Olkiluoto, en mai 2019. Avec ses 1 600 MW et ses 13 TWh annuels, le réacteur fournira à lui seul 15 % des besoins en électricité du pays. La mise en service de l’EPR constitue la première pierre du renouveau nucléaire finlandais. Les autorités et les industriels électro-intensifs misent en effet sur l’atome, au côté des énergies renouvelables, pour décarboner en profondeur l’économie.
À partir de 2019, l’EPR d’Olkiluoto 3 (OL3) produira plus d’électricité que toutes les centrales fossiles de Finlande.
Mi-avril, le gouvernement a avancé d’un an, a 2029, l’interdiction du charbon dans la production d’énergie. Afin d’accompagner cette transition bas carbone, la construction d’un sixième réacteur, un VVER-1200, a été décidée en 2013. Cette nouvelle centrale sera localisée à Hanhikivi, dans le centre du pays, au bord de la Baltique. Fennovoima, un consortium réunissant Fortum et une quinzaine d’industriels ou groupements d’entreprises électro-intensifs, et le russe Rosatom détiendront respectivement 66 et 34 % du projet. En Finlande, depuis les années 1930, les industriels électro-intensifs investissent directement dans les moyens de production. Avec cette sixième unité, l’électricité finlandaise sera alimentée à hauteur de 60 % par du nucléaire. Le premier électron de ce projet de 6,7 milliards d’euros n’est pas attendu avant 2025.
De nouveaux réacteurs pour décarboner le chauffage ?
La Finlande s’appuie aussi sur le nucléaire et l’électricité pour décarboner son chauffage. 700 000 pompes à chaleur, fonctionnant à l’électricité, sont installées dans le pays, soit le plus grand nombre par habitant au sein de l’Union européenne. Le pays peut aussi capitaliser sur son important réseau de chauffage urbain. Les villes d’Helsinki, d’Espoo et de Kirkkonummi ont ainsi lancé des études pour déterminer la possibilité de remplacer le chauffage urbain assuré aujourd’hui par du gaz et du charbon par l’énergie thermique fournie par de petits réacteurs modulaires (SMR).
Relations avec la France
Le projet OL3, qui a connu des retards et des dépassements de couts importants, avait débouché sur des réclamations entre les parties prenantes du projet : AREVA SA et Siemens, membres du consortium en charge de la construction de la centrale nucléaire, et l’exploitant et client TVO. En mars 2018, un accord global a été conclu et clôture le contentieux existant.
Article paru sur le site Metamag.
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