Demain, la démondialisation
On l’avait tellement annoncée que la nouvelle a peu surpris en janvier 2008 : le baril de pétrole atteignit alors 100 dollars !
Et alors ? Alors, les commentaires sur les affres d’un avenir économique simplement plus rigoureux pour certains, assurément apocalyptiques pour d’autres, fusèrent.
Tout le monde y alla de sa prédiction avisée, forcément avisée qui, même énoncées en termes savants, n’éclairèrent guère notre lanterne. Pas davantage, en tous cas, que les avis définitifs énoncés au comptoir de n’importe quel bistrot, tout aussi fumeux, mais c’est désormais la seule fumée encore autorisée en public, alors…
Le sujet d’inquiétude dont on cause dans les salons depuis cette année-là, c’est la fièvre de l’or noir, sa raréfaction et sa disparition annoncée. Dans les pays « développés » (c’est nous !), en tout cas. Dans les « pays émergents » (c’est eux !), croissance oblige, on y est trop obsédé de rattraper notre niveau de vie. Et s’ils y parviennent, ce sera le chaos écologique annoncé. Des salauds de pauvres, on nous le répète régulièrement, aussi envieux qu’inconscients !
La disparition envisagée du pétrole, si rien n’est découvert pour le remplacer en tant que source d’énergie majeure, bouleversera en effet nos modes de vie, c’est une évidence… tout autant que son utilisation industrielle les avait bouleversés au début du XXe siècle.
Un siècle, oui… Un siècle seulement ! Ce n’est pas tant que ça et sont encore en vie – en fin de vie certes – nombre de personnes qui vécurent leur enfance, voire leur adolescence, sans avoir recours à l’utilisation massive des produits pétroliers, et même, pour certains, sans y avoir recours du tout. Qu’ils aient tout de même survécus est plutôt rassurant, non ?
Certes, l’inconnu fait peur… Davantage sans doute que la pollution ou la dégradation de l’environnement auxquelles tout le monde participe. Parmi les solutions exprimées, il y a la « décroissance » à laquelle le philosophe Alain de Benoist a consacré un excellent petit livre : Demain la décroissance (e/dite). Sous-titré « penser l’écologie jusqu’au bout », il a le mérite d’interpeller le lecteur hors de toutes considérations politiciennes ou électorales, ce qui est déjà à saluer. Plus important encore, il attire l’attention sur la nécessaire rupture « vis-à-vis de l’omniprésence de l’économie et du primat des valeurs marchandes. »
Siècle de l’entrée dans l’ère atomique, de la décolonisation, de la libération sexuelle, des « extrêmes », etc., « le XXe siècle a assurément été tout cela, écrit-il. Mais il est aussi le siècle qui a vu l’apogée de l’ère de la consommation, de la dévastation de la planète, et, par contrecoup, l’apparition d’une préoccupation écologique. Pour Peter Sloterdijk, qui caractérise la modernité par le “principe de surabondance”, le XXe siècle a d’abord été le siècle du gaspillage. »
En utilisant l’or noir de façon abusive, l’homme a ouvert une boîte de pandore d’où il a retiré des avantages certains, mais encore plus de maux qu’il paie aujourd’hui. S’il est en passe de l’avoir vidée, est-ce vraiment si désolant que cela ?
Il y a tout lieu de penser, au contraire, que la crise de l’énergie pétrolière sera peut-être un premier coup terrible porté à cette incessante mondialisation de l’économie qui ravage impitoyablement depuis des décennies toutes les économies locales. Un premier coup à 100 dollars ? Ce n’était pas bien cher, finalement…
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Philippe Randa,
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