6 février 2024

Les musiciens maudits du IIIe Reich

Par Fabrice Dutilleul

Entretien avec Paul-Louis Beaujour, auteur de Les musiciens maudits (Éditions Déterna)

 (propos recueillis par Fabrice Dutilleul

« La dénazification s’est effectuée au cas par cas
et de ce fait,
les destinées des « musiciens maudits »
furent très dissemblables »

Peu d’historiens avaient abordé ce sujet des musiciens sous le IIIe Reich. Comment l’expliquez-vous ?

En réalité, un certain nombre d’auteurs, qu’on peut diviser en trois catégories, se sont penchés sur le sujet : ceux qui ont traité de la musique sous le IIIe Reich (compositeurs et interprètes) de manière générale, d’un point de vue universitaire, souvent rébarbatif et bien entendu totalement partisan. Ceux (anglo-saxons pour la plupart) qui se sont intéressés plus particulièrement à la fameuse « dénazification » pratiquée par les « Alliés » (= punition + repentance + rééducation), dont les artistes emblématiques du régime ont évidemment, et diversement, fait les frais en priorité. Enfin, et le phénomène est un peu plus récent, ceux dont la curiosité a été piquée par les goûts et les préférences d’Adolf Hitler en matière artistique et, en particulier, musicale.

J’ai souhaité, à l’intention des mélomanes curieux désirant se constituer une discothèque historiquement incorrecte « de base », faire une sorte de synthèse en extrayant de ma discothèque personnelle une quarantaine de disques dits « de référence », réunissant ces trois éléments. Nous avons donc là des enregistrements « légendaires » (IXe de Beethoven de Furtwängler à Bayreuth en 1951, VIIe de Bruckner par Kabasta en 1942, Noces de Figaro par Krauss en 1942, « Les derniers enregistrements » d’Elly Ney, etc.), interprétés par les artistes les plus « compromis » (dont les biographies sont évoquées dans l’ouvrage) et encensés par le Führer.

Vous faites la différence avec ceux qui ont joué sous le régime hitlérien sans adhérer au national-socialisme… et ceux qui professaient ouvertement leur soutien au régime. Quelles ont été les plus nombreux ?

Entre parenthèses, je ne pense pas qu’on ait pu faire une « carrière » musicale sous le IIIe Reich sans être au moins « sympathisant » du régime, même si l’on n’était pas officiellement encarté au NSDAP… A priori, on ne devait pas croiser beaucoup d’« antinazis » militants parmi les musiciens du Berliner (Philharmoniker) ou du Wiener ! Joseph Goebbels veillait au grain et n’hésitait pas à critiquer et menacer ceux qu’il jugeait comme n’étant pas assez « idéologiquement concernés » (à l’instar de Knappenbush, Strauss, ou Furtwängler à une époque…).

Cela dit, on peut effectivement considérer quatre catégories de compromission chez les musiciens. 1) Les « authentiques convaincus » : ceux qui professaient ouvertement leur soutien au régime (Elly Ney (la « pianiste du Führer » [sic !]), Böhm, Schwarzkopf, Gieseking, Backhaus, Graener, Egk, Tietjen, Krauss, Pfitzner, Trapp, Mengelberg). 2) Les « opportunistes » : souvent les plus « jeunes » et les plus ambitieux qui n’avaient, en terme d’évolution de carrière, pas d’« autre choix » (Karajan, Orff). 3) Les « discrets » : pas franchement opposés au régime, mais ne désirant pas trop se « mouiller » (Jochum, Abendroth). 4) Et enfin, ceux que j’appellerais les « louvoyants » : un jour adulés par le régime, le lendemain vilipendés, en fonction de leurs prises de position fluctuantes (Fürtwangler, Strauss).

Ironiquement, ce sont ces deux derniers (peut-être les moins « nazis » d’entre tous !) qui, aujourd’hui encore, représentent aux yeux des historiens le symbole ultime de cette fameuse compromission…

Mais pour répondre à votre question, je pense que les « convaincus » constituaient cependant le contingent le plus important.

Certains artistes ont-ils été plus persécutés que d’autres à la chute du régime ? Y a-t-il eu beaucoup de « repentants » ?

La dénazification s’est effectuée au cas par cas et de ce fait, les destinées des « musiciens maudits » furent très dissemblables. Assez logiquement, les plus « convaincus » furent les plus longs à dénazifier (Trapp en 1950, Ney en 1952 !). D’autres, grâce à leur immense notoriété internationale, et aussi (surtout ?) à leurs relations, purent reprendre leurs activités assez rapidement (Schwarzkopf, Karajan). Certains passèrent miraculeusement à travers les mailles du filet et furent à peine, voire pas du tout inquiétés (Egk, Orff). Pfitzner, Maria Müller et Mengelberg moururent malades, ruinés et oubliés. Abendroth fut « récupéré » par les Russes et fit (une belle) carrière en Allemagne de l’Est !

Les plus « repentants », ou en tout cas ceux qui fournirent le plus d’efforts pour se dédouaner, malgré leurs antécédents notoirement nauséabonds, furent sans conteste Furtwängler et Orff, avec un certain succès d’ailleurs : « Furt » reprit sa carrière dès 1947 (en Italie) et Orff, déclaré contre toute attente par les membres de l’Information Control Division (ICD) « gris, acceptable » (les individus les moins compromis !), poursuivra la carrière que l’on sait jusqu’en… 1982, année de sa disparition.

Les musiciens maudits, Paul-Louis Beaujour, Éditions Déterna, 142 pages, 21 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Les musiciens maudits, Paul-Louis Beaujour, Éditions Déterna, 142 pages, 21 euros.

EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !

Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !

EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.

Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.

Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.

EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Quatre solutions pour nous soutenir :

1 : Faire un don par virement bancaire

Titulaire du compte (Account Owner) : EURO LIBERTES
Domiciliation : CIC FOUESNANT
IBAN (International Bank Account Number) :
FR76 3004 7140 6700 0202 0390 185
BIC (Bank Identifier Code) : CMCIFRPP

2 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)

Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
 

3 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés

à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France

4 : Faire un don par carte bancaire

Pour cela, téléphonez au 06 77 60 24  99

Partager :