Entretien avec Tomàs Turner
« Cette traversée de la France périphérique
tient à la fois de l’épreuve physique et du cheminement spirituel.
Tomas Turner réussit à faire de ce récit de voyage une aventure extraordinaire
en jouant sur deux registres :
la quête intérieure et la découverte du monde »
Entretien avec Tomàs Turner, auteur de Le Voyage de Mortimer (éditions Balland)
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
Ce voyage d’un Américain en France est à la fois singulier et décalé, est-il une autre façon de regarder l’actualité et de vivre la réalité du monde ?
Le brouhaha médiatique brouille notre perception du dehors. L’intuition est le terreau de mon inspiration. À l’origine de ce roman : un homme peut-il fonder ses choix sur autre chose qu’un discours publicitaire ? Peut-il vivre ailleurs que dans trois ou quatre quartiers new-yorkais, londoniens ou parisiens ? Peut-il échapper à la ville, à la norme, au milieu ambiant, à tout ce qui compose la société moderne occidentale ? La réponse appartient à ce voyageur qui va apprendre à marcher et à penser par lui-même en s’aventurant dans les paysages et les histoires de France.
Votre roman s’apparente un guide, une sorte de récit initiatique…
Au fil de son périple, Mortimer croise des individus bizarres, atypiques, traverse des paysages déserts et arrive dans des lieux qui révèlent les richesses de la France dans le domaine des arts, de l’architecture ou encore de la gastronomie. J’ai voulu mettre en scène ce patrimoine français et plus encore lui donner un rôle primordial.
La nature est à mon avis agissante et entremetteuse. Il me fallait redonner de l’importance aux descriptions et aux impressions. Je me suis amusé à piloter Mortimer sur les chemins de France, à le perdre également. Je conçois que ce roman puisse déboussoler le lecteur, qui ne sait pas plus que Mortimer où il va. S’il a parfois l’impression de lire un guide de voyage, alors j’aurai en partie gagné mon pari en reconnectant la fiction et la réalité, en entraînant le lecteur dans une voie a priori erratique. Ce roman est un dépaysement, un voyage dans l’espace, dans la mémoire cachée du paysage et de ses habitants. Il y a un fil conducteur, une cohérence dans cette déambulation qui se distingue d’une divagation. Tout est lié, et il importe de prendre le temps pour relier les choses afin de leur donner un sens.
Le sens caché de l’histoire, mais également des mythes et de l’architecture sacrée, paraît prépondérant dans votre livre. Y a-t-il des clés de lecture ?
Il y a effectivement des événements qui s’enchaînent et qui ne sont pas anodins. Qu’est-ce qu’un mythe, sinon un enseignement allégorique ? Mon personnage ne possède pas la culture savante pour interpréter tout ce qui lui arrive, notamment cette rencontre avec des Furies, qui sont comme une métamorphose de l’Hydre à cinq têtes que combat Hercule. Ce qui importe le plus n’est pas d’identifier les symboles, mais de les comprendre.
Voulez-vous dire que Mortimer, le personnage principal de votre roman, est un héros herculéen ?
Il s’apparente effectivement à un héros herculéen, en quête d’amour et d’immortalité. Ces immersions dans des lieux magiques, ces baignades dans des eaux telluriques, ces songes prémonitoires et ces visions surnaturelles, ces plaisirs de la table évoquent tous, à différents degrés, la permanence du Sacré et le passage de Mortimer dans une autre réalité. Laquelle ? Certainement pas un monde rationaliste et matérialiste. Le voyage de Mortimer est une invitation à penser et à cheminer en toute liberté, au-delà du Visible et du Possible. Car l’univers ne s’est jamais limité à un monde physique. Il n’est pas nécessaire de tout nommer pour préserver la part mystérieuse de l’Homme. Le voyage de Mortimer est celui que toute personne peut s’autoriser une fois dans sa vie. Une fois suffit, irrémédiablement et divinement.
Le Voyage de Mortimer de Tomàs Turner, éditions Balland, 340 pages, 20 euros.
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