8 février 2025

Au théâtre : « Réveille-toi », écrit et interprété par Bernard Jeanjean

Par Philippe Pichon

Un jour vient, pour nous tous, hélas ! pour lui depuis longtemps venu : Jean s’est regardé dans la glace, et il ne s’est pas reconnu.

Il aurait aimé être quelqu’un, mais, à regret, il n’est personne. Je veux dire qu’il est quelqu’un qui n’est remarqué de personne, puisqu’il est une personne qui n’est pas aimée par quelqu’un. Si une quelconque personne, n’importe qui, enfin quelqu’un, avait pu l’aider en personne, je crois qu’il serait quelqu’un. Hélas, il n’a trouvé personne qui l’aide à devenir quelqu’un !

Voilà à-peu-près le défi de Jean au début de la pièce. Alors il lui faut se réveiller !

Car las de porter en lui tant de douleurs amères, un jour Jean partira vers d’autres horizons : mais, hélas !, il sent bien qu’à ses tristes chimères son cœur est une sûre et secrète prison.

Il sait trop que le vent, en caresses légères, l’obsèdera toujours de sa même chanson et que les parfums lourds des aubes étrangères ne distilleront pour lui que de lents poisons.

Mais il veut se noyer dans une âme si pure, il veut renaître en elle, bien avant de partir, afin que son amour, en consolations sûres, offre un repos songeur au cœur qui veut guérir.

Et ils iront tous deux pour conquérir le monde, exalter leur vie aux sources du grand jour. Mais qu’importent les reflets de l’eau profonde : ce qu’il lui faut, « c’est toi », dit-il, c’est l’éternel amour.

Et ce « toi », c’est elle. Et ce « toi», c’est aussi le temps perdu. Temps perdu qu’« on » va lui suspendre grâce… à un grave accident qui le plonge dans le coma.

Si le corps de Jean se retrouve à l’hôpital, son âme – ou quelque chose du genre – se retrouve quelque part, dans l’ailleurs… Alors Jean sent autour de lui comme une immense houle, le temps qui passe, fuit, à jamais qui s’écoule, le laissant enserré dans un puissant étau.

Qu’est-ce qu’il fait là, dans l’attente, l’attente de quoi, immobile, comme étranger au monde et tout embarrassé ? Lui, son âme, cet homme inquiet, malhabile, qui vit, qui va, qui vient au milieu de la ville et pense avec stupeur au temps déjà passé.

Ce temps qu’il a perdu, ce temps qui fut sans être, où il ne faisait rien, parfois rimant de crasseux vers, parfois guettant le ciel, songeant à sa fenêtre, espérant la vraie vie sans la voir apparaître, sous un arbre l’été, dans son appart’ l’hiver.

Tous ces jours égrenés dans la forêt des rêves, les oiseaux ont mangé le pain des jours perdus. Le chemin disparaît, mais le temps va sans trêve. L’oiseau chante un instant sa mélodie trop brève, puis s’arrête le chant à peine qu’entendu.

Jean se dit : « Qu’ai-je fait qui vaille cette peine ? J’ai trop perdu le temps qui me fut accordé, j’ai gaspillé ma vie en des songeries vaines, et le fil d’or des jours n’est plus qu’un brin de laine, l’écheveau de mon temps est presque dévidé. »

Pourtant en lui, pourtant, ces instants éphémères vivent plus fort que tout, moments consolateurs, il les voit, il se dit quand il les énumère qu’ils n’étaient pas, pourtant, seulement des chimères : ils ne sont pas perdus, ils confortent son cœur.

Dans sa mémoire : « Je me souviens d’un jour où je vis les nuages se former dans le ciel juste au-dessus de nous, je me souviens des pas au sable du rivage, de l’arôme sucré de la menthe sauvage et du bouquet de fleurs au creux de tes genoux. «

Il se souvient du vol d’un oiseau dans l’espace, longtemps suivi des yeux, du soleil du matin sur le fleuve endormi, d’un reflet qui s’efface tremblant dans une glace, et du souffle qui passe sur son visage en feu qui embaume le tain.

Il se souvient d’un soir sur les bords de la Seine, Paris, encore, Paris brillant de tous ses feux, de la main des enfants s’accrochant à la sienne… Sa vie passée, sans doute est-ce une histoire ancienne, mais tout ce temps perdu lui fut parfois heureux.

Instants gagnés plutôt, moments furtifs que laisse en lui le temps alors que le fil est si court ! De laine, d’or, d’argent, le temps au temps se tresse. Il garde le souvenir, comme seule richesse, l’extrême limite de la nuit dans le tricot des jours.

Jean ne sait quelle étrange et tranquille présence se tient discrète à ses côtés, une ombre dans son ombre, un souffle frêle où danse un instant de l’éternité.

D’où vient, il ne le sait, ce Messager qui veille sur le voyageur qu’il est, sans que jamais sa voix n’atteigne son oreille, sans qu’il ne sache rien de lui.

Par quel obscur décret est-il dans son mystère, vers quel but mène le chemin ; dans un même silence, une force en la terre fait germer la vie de demain.

Jean ne sent même pas une main sur l’épaule pour le conduire et le guider, il ne sent même pas un geste qui le frôle pour arrêter ou décider.

Le puzzle de ses jours dans le temps et l’espace imbrique ses secrets desseins ; à travers son fouillis mystérieux il passe sans en déchiffrer le dessin.

Pourtant une Présence au long du labyrinthe, même s’il ne comprend pas, l’a toujours su guider d’une insensible étreinte : un même but pour tous ses pas.

Il ne sait pas vers qui peut aller sa louange, vers quelle invisible beauté, mais il reconnaîtrait le visage de l’ange dont l’amour veille à ses côtés.

Belle émotion, grande poésie, pur moment : un petit chef-d’œuvre de profondeur.

 

Réveille-toi, écrit et interprété par Bernard Jeanjean, mis en scène par Martine Fontaine et Bernard Jeanjean.

Tous les vendredis à 19 heures 30, à la Divine Comédie (2, rue Saulnier à Paris 9e), jusqu’au 31 mars 2025.

Réservations : 01.42.46.03.63 – theatredivinecomedie.fr

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