4 août 2025

À la rencontre poétique d’Agnès Figueras-Lenattier & André Figueras

Par Euro Libertes

Après une vie de joueuse de tennis professionnelle – ex n° 8 française, championne d’Europe des moins de 21 ans – Agnès Figueras-Lenattier a délaissé la raquette pour la plume. Journaliste pigiste pluridisciplinaire (culture, sport, médecine), elle a également écrit plusieurs ouvrages, dont Acteur et comédien d’une passion à l’autre ou Vous avez dit Tennis ?

Après la vie sportive, il y a eu la vie journalistique, et ensuite, ou plus ou moins concomitamment, il y a une vie poétique. Qu’en est-il ?

J’ai commencé à écrire des poèmes à l’âge de 18 ans, voire un peu avant. Vers 16 ans. J’étais toute seule dans une petite chambre quand je jouais au tennis. J’avais quitté mes parents, ma mère et mon beau-père, parce que je voulais être disponible pour le tennis, et mon père adoptif y était opposé, il voulait que je fasse des études. Donc j’avais besoin d’être tranquille pour assumer ma vie de sportive.

Et j’étais un petit peu triste dans ma chambre toute seule le soir après m’être entraînée. Et donc je me réfugiai dans l’écriture. J’écrivais notamment des poèmes. Ensuite, j’ai arrêté et n’ai repris qu’il y a deux ans ou trois ans.

Quelle distinction y a-t-il entre l’écriture classique et l’écriture poétique dans votre approche intellectuelle ?

Disons que l’écriture poétique, ça vient un petit peu comme ça, c’est une inspiration qui vient directement, alors que l’écriture journalistique consiste soit en des commandes, soit en des comptes-rendus. Donc c’est davantage non pas travaillé, mais davantage une discipline.

Alors que la poésie, comme je dis, ça vient un peu comme un flash. Ça peut venir à deux heures du matin. Comme ça. J’écris. Parfois un peu comme de l’écriture automatique. Après, éventuellement, je revois – si cela ne me plaît pas complètement. Mais il y a déjà un premier jet qui se fait instinctivement, de manière naturelle et sans réfléchir.  Souvent ça mûrit, et un jour ou l’autre, ça éclot.

Y a-t-il des sujets sur lesquels vous ne pourriez écrire que de façon poétique ?

Ce qui m’inspire surtout, c’est l’art en général, que ce soit la peinture, le cinéma, etc. Donc non, je ne pense pas. Je ne pense pas qu’il y ait vraiment des sujets réservés. Mais c’est rédigé de manière différente. Disons que, par exemple, l’art, pour moi, est très important. C’est plus une question de sensation, ça vient plus de l’intérieur, de l’âme. Alors que l’écriture journalistique, émane davantage du cerveau. D’un côté, c’est plus l’intérieur de soi qui résonne en poétique ; de l’autre l’écriture journalistique, plus intellectuel, plus raisonné.

Mais la poésie n’est pas, pour vous, un simple exercice personnel. C’est aussi, comme dans ce livre, un duo. Pourquoi ?

Oui, un duo avec mon père. Parce que je n’ai pas eu beaucoup l’occasion de le connaître, étant donné que mes parents ont divorcé lorsque j’avais six ans. J’ai donc beaucoup souffert de l’absence de mon père.

En plus, c’était quelqu’un qui avait beaucoup d’aura, de charisme. Et cela me faisait peur quand j’étais petite et que j’allais le voir. J’étais impressionné et j’avais peur de dire des bêtises. Je n’étais pas très à l’aise. Et pourtant, j’aurais bien aimé le connaître, connaître sa personnalité.

Donc pour moi, c’était un comme un hommage à lui rendre en tant que fille ; mais aussi un problème personnel, c’est-à-dire cette souffrance de ne pas l’avoir connu, de ne pas avoir été naturelle.

Et puis, mon père était quand même quelqu’un qui s’était forgé une carapace après la guerre. Il n’était donc pas, comme père, très abordable. La poésie est pour moi une manière de communiquer avec lui de manière virtuelle, mais en même temps, de mieux le ressentir, d’être plus proche de lui et d’essayer de me nourrir un petit peu aussi de son écriture ; notamment de ses poèmes, qui sont très beaux.

Dans ce duo, qui prend parfois la forme d’un monologue, il y a aussi de la prose.

Beaucoup de choses sont présentes. Des nouvelles, des récits et des poèmes.

Cet exercice à deux, même avec la distance des années, a-t-il créé un lien intellectuel, une rencontre ?

Oui, il y a une complicité entre mon père et moi. Et d’ailleurs, les gens qui ont lu le livre disent qu’on a un peu la même sensibilité. Je ne sais pas si c’est exactement le terme, mais en tout cas c’est un peu la même manière de tirer les choses – même si, bien sûr, c’est très différent. D’ailleurs, l’éditeur disait que ce sont deux plumes très différentes. L’une, celle de mon père, est beaucoup plus classique. Pour ma part, je ne respecte pas forcément la technique de la poésie, contrairement à lui. C’est du vers libre en général, c’est rimé, mais je ne compte pas. En ce sens-là, on est très différent.

Mais mon père a écrit une nouvelle pour moi qui s’appelle La tentation de Léobon, j’ai écrit une nouvelle pour lui qui s’appelle Complexe d’Euclaste, et il a écrit un très beau poème sur moi. Là aussi, ça m’a donné envie de lui répondre.

Diriez-vous qu’il y a un ADN poétique ?

Oui, je pense. D’ailleurs, ma fille tient aussi de son grand-père puisqu’elle écrit également des poèmes. Donc il existe effectivement un ADN poétique.

Continuez-vous à écrire ?

Tout à fait, et il existe toujours une espèce de lien avec cet ADN. Mais aujourd’hui, c’est différent. Je n’ai plus – autant – cette envie de correspondre avec mon père dans le virtuel, dans l’imagination. Mais j’écris toujours des poèmes. Je suis toujours assez inspirée. Donc L’ADN est bien présent.

Je pense toujours à mon père. J’ai un portrait de lui sur ma bibliothèque qui ne me quitte pas. Et j’ai l’impression parfois de communiquer avec lui. À un moment donné, j’avais écrit une lettre, un texte, qu’il m’avait d’une certaine manière dicté. Une lettre que j’ai malheureusement perdue…

Ces poèmes, vous ne les écrivez pas seulement pour vous, ils sont publiés. Pour certains dans ce livre. Et les autres ?

Certains sont publiés sur le site des éditions Thierry Sajat(1) ; d’autres dans un journal de tennis, AFTS plus,(2) pour les joueurs de tennis senior ; ou encore dans Les amis de Thalie,(3) une revue littéraire picturale.

Avez-vous un autre recueil en cours ?

Pas pour l’instant. Parce que la poésie, mon père le disait déjà, est très peu porteur. Peu d’éditeurs s’y intéressent. C’est donc difficile de publier de la poésie.

Vous avez été joueuse de tennis professionnelle, puis vous avez enseigné le tennis. Mais peut-on enseigner la poésie ?

Je ne crois pas. Il y a sûrement des cours de poésie, au cours desquels on apprend ce qu’est la poésie. On apprend à écrire. Mais pas à être poète. Ça, c’est une autre question. Personnellement, j’aurais du mal à bien commenter un poème. Pour moi, c’est avant tout quelque chose d’émotionnel, de sensitif, difficilement traduisible par la parole, ou de manière raisonnée ou analytique. Mais c’est un jugement purement subjectif…

(Propos recueillis par Olivier Figueras).

 

Notes

(1)  www.editionsthierrysajat.com

(2)  www.aftsplus.fr

(3)  www.facebook.com/lesamisdethalie

  • Agnès Figueras-Lenattier & André Figueras, Duo littéraire. Préface de Patrice Beust, ex-joueur de tennis professionnel dans les 5 meilleurs français, Éditions Thierry Sajat, 211 pages, 15 €. biche.af1996@gmail.com

 

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