29 décembre 2017

Stars Wars ou le jeu de miroirs de la Force

Par Philippe Randa

Il était une fois aux confins de la littérature… la science-fiction !, cette appréhension tou­te particulière de notre futur comme certains s’imaginent qu’il ira – ou n’ira pas ! –, pour le meilleur ou pour le pire donc d’une hu­manité qui en a pourtant déjà vue tant et tant…

Star Wars

Connaître l’avenir a toujours hanté les hommes ; de la Pythie – l’oracle du temple d’Apollon à Delphes – au Chaman – se voulant intermédiaire avec les esprits divins – jusqu’à nos « voyants » contemporains – astrologues, cartomancien, mage, leurs disciplines sont tout aussi nombreuses que souvent suspectes – force est de constater cette obsession pour la prédiction sous toute ses formes et toutes ses finalités.

D’où à l’évidence cet engouement pour la littérature « d’anticipation » qui ne s’est jamais démenti depuis son apparition – que certains situent dès l’Antiquité – mais dont la forme moderne au xixe siècle a véritablement connu son apogée au XXe.

Le présent livre de Rémy Valat, comme son titre – Le Kendô de maître Obi-Wan® –, et davantage encore son sous-titre – « Jedis® et samouraïs : orientalisme, médiévalismes et arts martiaux » – l’indiquent, est une étude sur un phénomène cinématographique planétaire, ce qui est la moindre des choses, dira-t-on, pour une saga romanesque baptisée aussi simplement que pompeusement : La Guerre des étoiles.

Résidant depuis plusieurs années au pays du Soleil Levant, pratiquant lui-même ces arts martiaux qui sont le fil rouge de l’étude qu’il consacre à l’œuvre de George Lucas, Rémy Valat a donc délaissé ses habituelles recherches historiques – ses précédents ouvrages traitaient notamment de la Commune de Paris et du conflit algérien – pour cette juxtaposition des plus pertinentes entre ce célèbre space opera, né de l’imagination d’un Américain « pur produit de la politique culturelle nord-américaine » – mais s’inspirant « de mondes réels ou imaginaires » – et les « cultures asiatiques en particulier. »

J’avoue que ce n’est pas ce qui m’était venu à l’esprit aux premiers abords, lorsque adolescent, je découvrais alors le premier épisode de Star Wars dans une salle de cinéma de Paris. Je trouvais « sur écran » ce que je ne croyais possible que « sur papier », ne connaissant alors principalement la science-fiction que par les romans « d’anticipation » de la collection éponyme des Éditions Fleuve noir, ou la lecture des revues Fiction ou Galaxies que les moins de vingt ans, hélas pour eux ! n’ont guère connaissance.

Si je restais alors « scotché » – selon une expression d’aujour­d’hui qui n’était nullement usitée alors – à mon fauteuil, totalement hypnotisé par un fabuleux univers, je le rattachais bien plus aux seuls westerns d’une enfance dont je venais de sortir… qu’à cette chevalerie et ces cultures martiales japonaises que Rémy Valat a la juste ambition de nous faire redécouvrir.

Nous ne pouvons que l’en remercier, tant cette vision me semble aujourd’hui bien plus exacte, même si, comme l’auteur l’explicite dans son livre : « Star Wars est une alchimie de différents styles cinématographiques à caractère historique : les westerns, les peplums et les films de guerre en particulier. »

Si, « en un demi-siècle, Star Wars s’est élevé au rang de mythe, une mythologie centrée sur deux thèmes majeurs : la Force et la chevalerie jedi », cette œuvre devait forcément puiser ses racines dans une culture plus que millénaire…

Une culture, certes… mais également des références historiques incontestables.

Rémy Valat rappelle dans son livre, combien la mémoire de la IIe Guerre mondiale reste vivace : dans Stars Wars, le « côté obscur de la Force », c’est le Japon nationaliste (ou féodal) et le IIIe Reich. « Star Wars met en scène le mal, dont l’archétype est le nazisme. Le chancelier Palpatine, alias Adolf Hitler, règne sur un Empire galactique, dont l’esthétique est celle de l’Allemagne nationale socialiste. »

Ce Japon féodal pourtant peuplé d’authentiques guerriers, guerriers, fiers de leur identité, attachés à leur honneur et à leur part de liberté acquise par les armes. Le samouraï n’est pas le « serviteur » (qui est la racine étymologique du nom « samouraï »), loin de là : hom­me brutal, mais non dénué de valeurs, le guerrier japonais choisit son maître. Ce sont ces guerriers, souvent en marge de la société qui vont écrire l’histoire du Japon et, dans le cas des 47 rônins, façonner, au prix d’un travestissement de leurs motivations réelles, un idéal chevaleresque amalgamant loyauté et don de soi… Alors que leur « légitime désobéissance », comme l’écrit Rémy Valat, était un acte de résistance à l’ordre établi, celui du shôgun… Un acte sans espoir pour lui rappeler ses racines identitaires.

Certes, les héros de Star Wars se nomment eux-mêmes les Résis­tants et combattent « L’Empire », mais leur nature est tout autre : le parallèle avec la IIe Guerre mondiale vient à l’esprit à l’évi­dence, on l’admettra aisément.

Néanmoins, quelques décennies après ces événements, il est tout aussi possible de concevoir un autre parallèle, beaucoup plus contemporain : celui de la lutte – la Nouvelle Résistance – contre le Nouvel Ordre Mondial ou Mondialisation.

Certes, la lutte entreprise par une poignée d’« hérétiques » ne fait pas (encore ?) libre usage de sabre-lasers et, à ce que l’on sache, aucune chevalerie nouvelle n’a fait son apparition… pour l’heure !

« La mise sous tutelle économique et culturelle, renforcée par la dé­mi­litarisation politique et morale » des peuples – notamment eu­ro­péens, mais pas que ! – voulu par les tenants d’une Mondia­lisa­tion liberticide n’est guère éloignée du totalitarisme du chancelier Palpatine…

Est-ce à dire que les résistances d’hier ne sont que les dictatures de demain ? À moins que de tous temps, les unes se soient toujours confondues avec les autres, les passions humaines se chargeant de les arbitrer.

Et il est clair que les supposées passions extra-terrestres, si extraordinairement mises en scènes dans Stars Wars, ne semblent guère différentes, elles non plus…

Ainsi semble donc aller l’univers… quel que soit le côté obscur de la Force !

Le kendô de Maître Obi-Wan de Rémy Valat, Éditions Dualpha.

Le kendô de Maître Obi-Wan de Rémy Valat, Éditions Dualpha.

Le kendô de Maître Obi-Wan de Rémy Valat, Éditions Dualpha, Préface de Philippe Randa, collection « Patrimoine du spectacle », 252 pages, 29 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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