Le Phénix Grec renaît de ses cendres
Son arrestation avait été relayée sur toutes les télévisions du monde en 2013… Le gouvernement grec, à la demande d’autres puissances étrangères, avait été contraint de mettre au point un plan pour jeter en prison celui qui était devenu le symbole de la Résistance grecque face aux plans d’austérité imposés par les banquiers du FMI, de la BCE et de l’Union Européenne.
Mais comment jeter en prison un député grec qui est protégé par son immunité parlementaire? Les juristes d’Athènes ont trouvé la solution, un petit texte qui permet d’arrêter un député lorsque celui-ci est impliqué dans des affaires criminelles.
Ni une, ni deux, les politiques ont trouvé une juge complaisante et aussitôt dit, aussitôt fait, l’Etat Major d’Aube Dorée, le seul qui se soit opposé à ce que le peuple grec soit mis en esclavage par les banquiers étrangers, a été arrêté à l’aube, et jeté en prison avec une mise en scène médiatique copiée en tous points sur l’exhibition de Dominique Strauss-Kahn, effectuant son « prep walk » menottes aux mains, devant les caméras de la presse mondiale à New York.
Le chef d’accusation de la juge fut simple: appartenance à une « organisation criminelle ». Le pouvoir pro-Bruxelles de l’époque pensa que cela suffirait pour effacer Aube Dorée de la scène politique grecque.
Cinq ans plus tard, par manque de preuves, le procès n’a pas avancé. Nikos Michaloliakos et ses hommes purgèrent 18 mois de préventive, le maximum selon la loi, et furent remis en liberté sous contrôle judiciaire. L’affaire pourra être relancée opportunément juste au moment des élections législatives afin de dissuader les Grecs de voter pour Aube Dorée.
Entre temps, les gouvernements successifs ont voté des lois spécialement taillées pour le parti nationaliste: une pour l’empêcher de nourrir les pauvres (et s’attirer ainsi la sympathie du peuple), une autre pour le priver des financements publics auxquels il a droit comme les autres partis politiques, et enfin une troisième (non dite, non écrite) pour empêcher la télévision nationale de diffuser les interventions des députés d’Aube Dorée au parlement.
Ça, c’est de la démocratie… ou plutôt les actes d’une vraie dictature, pour empêcher l’opposition d’être entendue, mais chuuuut, il ne faut pas le dire. Au début de son règne, le communiste Tito avait ainsi mis en prison tous ses opposants yougoslaves. Plus d’opposants, plus d’opposition à sa dictature…
Nikos Michaloliakos est aujourd’hui entre deux eaux : soit il gagne les élections, et dans ce cas Angela Merkel (qui contrôle le pays) sera obligée de le libérer définitivement des charges qui pèsent sur lui, soit il perd, et dans ce cas il risque de passer encore quelques années de plus derrière les barreaux.
Mais vu le désastre total de la politique de Syriza, auquel il faut ajouter tous les attentats islamistes en Europe, Aube Dorée risque en effet de réaliser un score mirifique. Dans tous les cas, emprisonné ou pas, criminel ou pas, Nikos Michaloliakos est considéré par tous les Grecs (même si une partie ne l’apprécie pas) comme le seul homme politique qui défend les intérêts du peuple grec face aux banquiers de la Banque Centrale Européenne, du FMI et de Bruxelles.
* * *
Nikos Michaloliakos: « Après l’ère de la fausse monnaie, L’ère des Césars » !
Pierre Jovanovic : Le FMI et la BCE viennent d’appliquer le 4e plan d’austérité consécutif (4e mémorandum) à votre pays. Il est encore plus violent que les autres, en particulier pour les retraités. La question que tous les lecteurs de la Revue de Presse Internationale me posent régulièrement depuis des années : « pourquoi les Grecs ne se révoltent-ils pas ? »
Nikos Michaloliakos : Malheureusement la manière de vivre contemporaine et ce système qui lie de manière très forte le monde de la finance et le monde de la politique a amené le peuple à une forme de passivité. Cela me rend bien triste. Les seuls qui peuvent se révolter contre cette situation sont les nationalistes de l’Aube Dorée, raison pour laquelle nous sommes tant combattus et faisons l’objet d’attaques continuelles. Les médias ne parlent jamais de nous… sauf d’une manière partiale et négative et sans nous donner la parole, évidemment.
P. J. : J’ai assisté à votre arrestation ici à Athènes, et ce fut une réplique très proche de celle de Dominique Strauss-Kahn qui a été exhibé devant une meute de journalistes avec une retransmission en direct dans tous les journaux télévisés pour donner un retentissement médiatique mondial… (note – P.J. : après 11 heures d’attente, Nikos Michaloliakos a été sorti du commissariat central d’Athènes pile pour le direct du journal télévisé de 19 h qui réunit le maximum de spectateurs grecs devant leur poste)
N. M : Oui ce fut avant tout un spectacle télévisé, une mise en scène pour propager la peur, pour faire peur à tous les Grecs qui nous suivaient, qui nous aidaient. Depuis, nous avons prouvé qu’ils avaient eu tort : regardez, à l’époque en 2013, nous étions le 5e parti politique grec, aujourd’hui nous sommes le 3e !
P. J. : Comment avez vous vécu votre expérience de la prison ?
N. M : J’y ai fait face avec dignité et j’en suis fier puisque j’ai été mis en prison pour mes idées. Se sacrifier pour ses idées est un honneur. Nous étions isolés des autres prisonniers. De plus les autorités politiques avaient très peur que cela se passe mal en prison.
P. J. : Avant d’aller en prison, Aube Dorée était le 5e parti politique grec, et en sortant vous vous êtes hissé à la 3e, cela veut dire que les Grecs vous suivent encore plus maintenant alors que vous étiez absent de la scène politique pendant presque deux années ?!
N. M : Je n’ai pas été absent : chaque semaine j’écrivais pour notre journal et avec le téléphone je donnais des discours politiques… j’ai été aussi actif que possible dans ces conditions… Mon arrestation a été mise en place de manière parfaitement illégale.
P. J. : Ce n’est pas la première fois que vous avez été emprisonné à cause de votre activité politique ?
N. M : En effet, c’est la 3e fois ! (il sourit, avec une sorte de fatalisme)
P. J. : Le système médiatique grec est contre vous… Pouvez vous inverser les rôles ? Vous avez déclaré que la Nouvelle télévision nationale grecque (note – P.J. : genre FR3 et France2) ne vous a jamais invité dans ses studios.
N. M : C’est un grand sujet : la télévision m’invitait surtout quand le score d’Aube Dorée était très bas. Ce ne sont pas tant nos opinions politiques qui les gênent, mais bien le fait que le peuple grec soit derrière nous et nous suive. (note – P.J. : Aube Dorée a été lancée en 1982 avec sa première participation aux élections de 1994).
P. J. : En effet, la télévision nationale grecque ERT ne diffuse même plus les débats parlementaires quand ce sont vos députés qui interviennent… La télévision publique a le droit de censurer des débats parlementaires ?
N. M : C’est vrai, c’est du jamais vu. Ce sont des faux démocrates, des hypocrites. Récemment, il y a eu un événement à l’assemblée avec l’un de nos députés (note – P.J. : un député de Nouvelle Démocratie, ministre de l’Ordre Public lors des persécutions d’Aube Dorée en 2013, s’est installé devant un député AD au moment où il s’adressait au Parlement afin qu’on ne le voit pas à la télévision), et, au lieu de l’exclure, lui seul, le président du parlement grec à décidé d’exclure TOUS les députés Aube Dorée. Mais ce genre de chose ne nous empêche pas de travailler et d’être stables, d’ailleurs les sondages montrent que nous montons de plus en plus. À chaque fois que nous organisons des manifestations, nous obtenons de très grandes participations du peuple. (note – P.J. : les députés grecs ont voté une loi pour empêcher une organisation politique (Aube Dorée) de distribuer de la nourriture aux citoyens et une autre loi pour priver Aube Dorée des subsides publics auxquels tout parti grec a droit.)
P. J. : Votre parti Aube Dorée est aujourd’hui à 7 % , malgré vos deux années d’absence pour cause d’emprisonnement ?!!!
N. M : Les nouveaux sondages nous donnent maintenant 10 %. Je crois que nous sommes même bien plus haut que cela, mais on le verra au moment des nouvelles élections (2019 peut être avant en cas d’élections anticipées). Avec notre combat et notre détermination et surtout la politique pathétique que mène Syriza, il va de soi que d’ici là, notre chiffre sera encore plus haut.
P. J. : Mario Draghi, gouverneur de la Banque Centrale Européenne, fabrique 80 milliards de monnaie de singe chaque mois, et cela depuis 2 ans, et il a dit que la Grèce ne pourra pas en bénéficier… C’est un acharnement contre la Grèce ?
N. M : Nous sommes en train de vivre une époque de malfaisants, des fabricants de fausse monnaie, cela fait d’ailleurs partie de leur plan de mondialisation globale qui va détruire les Etats nations. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si l’Union Européenne a une grande pression en ce moment mise sur elle par les Etats qui ont des identités nationales très fortes (note – P.J. : Pologne, Hongrie, Bulgarie, etc .).
P. J. : Un député hollandais a pourtant expliqué à Mario Draghi que toutes les 69 unions monétaires qui ont été mises en place depuis la IIe Guerre mondiale ont fini par exploser (note – P.J. : voir la video plus bas dans cette page). Est-ce que c’est ce moment-là que vous attendez ? Que tous les distributeurs de billets automatiques soient arrêtés… Et que toutes les banques soient fermées ?
N. M : Je crois surtout que nous sommes dans la phase finale de cette civilisation qui est d’ailleurs bien décrite par Oswald Spengler, et dans laquelle la monnaie est la seule force. (note – P.J. : philosophe allemand 1880 -1936, marqué par la Première Guerre mondiale, auteur du « Déclin de l’Occident » où il a écrit que seule une dictature pourrait mettre fin à la folie de la fausse monnaie. Spengler a été marqué et choqué par l’hyper-inflation qui a ruiné ses amis et sa famille pendant la République de Weimar). C’est une obligation que cela se termine mal. Nous vivons là la fin d’une époque et le début d’une autre. Le nationalisme ne peut pas être supprimé facilement. Regardez en France : chez vous, où, malgré la propagande des médias, 35 % des Français ont voté pour l’idée d’une France indépendante. Les forces qui sont CONTRE la mondialisation (qu’elles soient de droite ou de gauche), si elles avaient travaillé ensemble, auraient pu gagner.
P. J. : Si vous prenez le pouvoir en 2019, qui serait votre ministre des Finances ?
N. M : Je ne prendrai pas quelqu’un du monde de la banque ou du système monétaire… Ce sera quelqu’un de chez nous, obligatoirement.
P. J. : Vous sortez de l’Euro tout de suite ?
N. M : C’est en effet un choix idéologique et politique que d’avoir sa propre monnaie nationale car quand un pays ne dispose pas de sa monnaie, il n’est pas libre. Dans l’Empire Romain, les provinces autonomes n’avaient pas de monnaie à elles. C’était l’esprit de l’Empire. La liberté d’un pays demande une monnaie nationale. Ce qui m’impressionne c’est la grande résistance qu’on a observé en France face à l’idée de sortir de l’euro.
P. J. : Le ministre des Finances grec Varoufakis avait dit à l’époque que même si le pays revenait au drachme, il n’y aurait pas assez d’imprimeries spécialisées pour fabriquer des billets de banque suffisamment rapidement pour alimenter le pays immédiatement.
N. M : Le souci n’est pas tant d’imprimer des billets de banque, le souci c’est surtout le manque de volonté politique pour les imprimer ! Vous savez que si la Grèce sortait soudain de l’euro, l’Union Européen et l’Allemagne en souffriraient certes, et leurs dommages seraient des multiples de la dette de la Grèce… Si la Grèce avait un « leadership » national, on pourrait leur faire du chantage, attention : je ne veux pas que ce mot soit mal compris, mais ainsi la Grèce veillerait à sa survie. À part les dommages que l’Union Européenne connaîtrait, l’euro serait dévalué par rapport au dollar américain, et l’économie mondiale en souffrirait aussi. Le retour à la monnaie nationale doit être fait suivant un plan précis. Nous avons payé très cher notre intégration dans la zone euro, très très cher. Il faut prendre en mains notre production nationale: nous sommes arrivés au point où des pays du tiers-monde comme la Turquie et l’Inde produisent des automobiles, alors que nous, nous n’avons même pas d’usines. Et ça c’est un vieux plan: l’Europe ne voulait pas que la Grèce devienne un pays industriel et surtout qu’elle utilise ses ressources souterraines, notamment le pétrole.
P. J. : Les chemins de fer grecs sont vendus dans leur intégralité pour 45 millions d’euros ? C’est une erreur de chiffres de ma part ou c’est vrai ? sachant par exemple que le prix d’une seule rame de TGV en France est de 34,5 millions d’euros ?
N. M : Oui c’est vrai, pour 45 millions d’euros seulement ils vendent l’ensemble des chemins de fer grecs. Pour vous donner une idée comparative de la somme, les deux grands partis politiques doivent aux banques 400 millions d’euros, soit 10 fois plus que tout le réseau ferroviaire qui maille la Grèce.
P. J. : La Grèce vend ses plages, ses îles, ses chemins de fer… Que vend-t-elle d’autre pour essayer de se renflouer ?
N. M : Toutes ces ventes n’auront plus de légitimité pour nous Aube Dorée. Regardez ce qui s’est passé en Égypte, ou dans d’autres pays, quand Nasser a décidé de nationaliser le Canal de Suez (qui avait été vendu à des sociétés privées) (note – P.J. : si Aube Dorée arrive au pouvoir, toutes les ventes des biens nationaux comme les îles, les chemins de fer seront donc repris, i.e. nationalisées).
P. J. : Dans le lyrisme de vos discours, vous opposez souvent la gloire des combattants grecs aux comptables allemands.. vous détestez les comptables en général et les comptables allemands en particulier ?
N. M : Le simple fait que la politique soit soumise à l’économie est inacceptable. Richard Wagner a écrit que les créditeurs sont les rois des temps modernes. Il est inacceptable que le monde soit gouverné par ceux qui ont l’argent dans leurs mains. Et en plus de l’argent qui n’a pas été gagné par leur travail mais juste avec les intérêts de leur argent. Napoléon a été soumis à cette loi… Toutes les armes de Wellington ont été payées par les banquiers de Londres.
P. J. : La Deutsche Bank en faillite cela vous évoque quoi ?
N. M : Je vous rappelle que le bureau principal de la Deutsche Bank se trouve à… la City de Londres, elle n’est pas allemande. Après la guerre, ceux qui ont mis les capitaux pour reconstruire l’Allemagne ne l’ont pas fait gratuitement… Vous savez, pour moi l’Allemagne est avant tout un géant aux pieds d’argile. La plus grande preuve en est que son armée est proportionnellement très faible vu le nombre d’habitants. Dans l’Histoire il n’y a jamais eu de grand pays sans une vraie armée.
P. J. : Justement, on l’a vu tout à l’heure, la BCE imprime 80 milliards d’euros de fausse monnaie par mois, mais M. Mario Draghi a précisé qu’il ne donnera rien à la Grèce et qu’il faut un accord sur le Ne plan d’austérité. (note – P.J. : un accord devrait être signé le 15 juin 2017 : les Grecs paieront jusqu’en 2060 !) Combien de temps les Grecs tiendront-ils encore selon vous ?
N. M : Un philosophe français que je trouve très important, Alain de Benoist, a dit qu’on observe deux façons de mourir dans la Nature : l’une, qui est rapide et violente et l’autre qui est lente, qui peut même durer des années, le pourrissement. Avant d’en arriver à la Révolution Française, il y a eu des années de décomposition. De même, cette crise financière peut durer encore bien des années…
P. J. : Wall Street a explosé 29 septembre 2008. Un économiste suisse, Marc Chesney, a récemment formulé la théorie de la « crise financière permanente ». La crise dure depuis déjà 9 ans…
N. M : Tout le monde paye pour cette crise des Américains. Le grand problème est que ceux qui fabriquent la fausse monnaie, eux, ils en profitent tout de suite, et cela créé une crise encore plus généralisée. Le capitalisme est en train de mourir, c’est clair, mais combien de temps cette agonie va encore durer, on ne sait pas trop.
P. J. : Avez-vous une idée du nombre d’entreprises grecques qui se sont délocalisées en Bulgarie, ou Turquie depuis la crise ?
N. M : Même avant la crise économique, nos entreprises partaient à l’étranger… Elles ont commencé à le faire à la signature des accords du GATT. Cela m’a impressionné, parce que, lors d’une rencontre du G7 même le président Donald Trump -lui qui, avant les élections parlait de « protectionnisme national » pour récupérer les votes des millions d’Américains, parle maintenant en faveur de la libération du commerce ! (note – P.J. : rien qu’en 2015, plus de 2.000 Pme ont déménagé en Bulgarie où 14.000 autres entreprises appartiennent à des citoyens grecs, principalement pour échapper aux 24% de TVA et autres taxes et impôts punitifs). Vous avez 3 milliards de gens, des Chinois, des Indiens etc., des esclaves qui travaillent pour 1 dollar par jour.. qui fournissent tous ces produits pas chers… Le système actuel du monde du commerce et de l’argent prend tous ces produits et les vend à l’Amérique du Nord et à l’Europe. Mais ici en Europe, cela détruit les économies de chaque pays et conduit des centaines de milliers de nationaux au chômage et à la pauvreté. A Thessaloniki par exemple le chômage est à 30 %… mais dans d’autres villes grecques, le taux est bien plus élevé. Quand aux jeunes, ils sont 500.000 à chercher un travail aujourd’hui, c’est un nombre important vu que la population de la Grèce est de10 millions d’habitants.
P. J. : Justement, des médecins grecs se sont alarmés récemment dans le New York Times, disant que le taux de natalité était trop bas, et qu’à ce rythme la Grèce n’existera plus dans 60 ou 80 ans…
N. M : C’est évident que nous Grecs sommes en train de devenir une minorité dans notre propre pays. Pour Aube Dorée le plus grand problème de la Grèce aujourd’hui est sa démographie.
P. J. : A cause de la crise et du chômage, les Grecs ne peuvent pas se projeter dans le futur et donc préfèrent ne pas faire d’enfants ?
N. M : Cette idée est une fraude. Des crises économiques en Grèce on en a eu plein, mais jamais lors de ces crises les Grecs n’ont cessé de faire des enfants. Les gens étaient encore plus pauvres qu’aujourd’hui et cela ne les a pas empêché de continuer à faire des bébés. C’est le American Way of Life, le consumérisme (via les médias) qui a imposé aux familles cette décadence et créé ce problème démographique. Je dirais même que c’est un problème de civilisation et aussi de morale.
P. J. : Avez-vous des chiffres sur les suicides en Grèce à cause de la crise financière ?
N. M : J’ai vu passer une information selon laquelle 6.000 personnes se sont donné la mort depuis le début de la crise. Je tiens à développer ce point. Voici 50 ou 60 ans, la Grèce a connu une crise économique bien plus grave que celle-ci, mais sachez qu’à l’époque les gens ne se suicidaient pas à cause de l’argent, simplement parce qu’ils avaient des principes moraux, ils croyaient en Dieu, à la famille et tout cela les aidait dans la vie à se battre. Aujourd’hui en voyant simplement le niveau de leur compte en banque se vider, ils sont catastrophés. Le taux de suicide en Grèce était le plus bas d’Europe, une ironie sachant que le taux de suicide le plus élevé était dans les pays scandinaves, pays les plus riches. En France, l’un des taux de suicide le plus élevé était à Tahiti… Pourquoi ? Parce qu’ils sont coupés de leur racines, de leurs origines. (note – P.J. : en Polynésie, le suicide reste la première cause de décès, dépassant même les accidents de la route. Près de 230 tentatives sont recensées par an et environ 30 à 50 personnes mettent fin à leurs jours).
Note – P.J. : Aube Dorée a d’abord vu le jour en 1980 sous forme de journal. La décision de devenir un parti politique a été prise en 1992 pour participer aux élections Européennes de 1994 et ensuite aux législatives de 1996. Mais avant, Nikos Michaloliakos a grandi politiquement sous le régime des colonels. Le chef de la junte des colonels, Georgios Papadopoulos, a été formé par l’armée américaine et la CIA dont il a été salarié, devenant le premier agent CIA à prendre le pouvoir dans un pays européen -the first CIA employee ever to govern a European country-, sorte de gloire pour Langley. Georgios Papadopoulos, emprisonné depuis 1975, avait confié à Michaloliakos en septembre 1984 Les Jeunesses de l’EPEN, un parti politique créé pour promouvoir la libération de prison des militaires du coup d’État de 1967, et qui a finalement obtenu un député au Parlement Européen en 1984.
P. J. : Washington, sur la base des analyses de la station de la CIA ici à Athènes, pense que si vous êtes élu, vous déclencherez la guerre avec la Turquie… Quelle est votre position ?
N. M : Nous allons demander nos droits (note – P.J. : disputes éternelles à propos des lignes frontalières). Ces droits ce sont les Turcs qui les remettent en cause. Nous ne croyons pas qu’il y aura une guerre. Mais n’oubliez pas la phrase de Jules César : Si vis pacem para bellum, si tu veux la paix, prépare la guerre. Pour revenir à la politique américaine -et européenne- je vais vous donner le fond de ma pensée : je soupçonne très fort les Américains de vouloir détruire l’Union Européenne. Dans cette chaîne de pays qu’est l’Union Européenne, le maillon faible est la Grèce. C’est la raison pour laquelle on nous a infligé tous ces plans d’austérité (mémorandums) les uns après les autres. (note – P.J. : si on divise la dette de chaque pays par le nombre d’habitants, i.e. dette par habitant, la France est devant la Grèce).
P. J. : Comment voyez-vous l’avenir de la Grèce ?
N. M : Beaucoup de tourments… mais justement, grâce à ces tourments, la Grèce en sortira plus forte. J’espère, avec l’aide de Dieu, que les Grecs nationalistes patriotes pourront gouverner le pays qui est devenu un protectorat depuis presque deux siècles. (note – P.J. : N.M. fait référence au fait que depuis 200 ans, la Grèce est systématiquement endettée par les banques privées en général, anglaises en particulier).
P. J. : Selon Hésiode, Klôtho est celle qui tisse le fil de la vie de chaque personne. Quand vous-êtes vous rendu compte que vous aviez un destin à part ?
N. M : Hmmm… je ne m’en souviens pas vraiment. Vous savez, je vois ma vie avant tout comme une sorte de devoir rendu à mon pays. Mais il est certain que Klôtho, Mira (destinée) et Tihi (la chance) doivent vous bénir pour que les choses progressent dans votre vie. Je crois à la « Destinée » et il est au moins certain qu’après ma mort, je n’irai pas en prison. N’oubliez pas : à la suite de la Révolution Française est né un empire, celui de Napoléon. L’histoire est pleine de paradoxes.
P. J. : L’hyperinflation due à la planche à billets des Révolutionnaires a amené en effet Napoléon au pouvoir (note – P.J. : voir à ce sujet « La Crise Financière française 1789-1799 » d’Andrew Dickson White, ed. Jardin des Livres) La BCE fait de nos jours exactement ce que les Révolutionnaires avaient fait : de la fausse monnaie. C’est ce que vous attendez ?
N. M : Oswald Spengler a écrit « après l’ Ère de l’Argent arrive l’Ère des Césars »… (note – P.J. : Spengler a publié son livre phare en 1918, avec une édition révisée en 1922, bien avant la montée en puissance d’Hitler, réédition des deux versions éditions Gallimard, 2002).
P. J. : L’Ère des Dictatures vous voulez dire ?
N. M : L’Ère des Césars. Ce serait la meilleur solution pour les peuples européens… je le souhaite.
P. J. : Votre message aux lecteurs français après l’élection d’un banquier à la tête de la France ?
N. M : C’est triste de constater que Emmanuel Macron a été élu alors qu’en vérité il ne représente qu’une minorité sur le plan du vote, et plus encore si on y ajoute le nombre des abstentions et le million de Français qui ont voté « blanc ». Il est une minorité. Je souhaite du succès aux patriotes français à leurs législatives et je dis au peuple français : « pas besoin d’être tiède ». Si madame Le Pen avait été plus agressive, elle aurait obtenu bien plus de votes.
P. J. : Un sujet qui fâche : la grande trahison du peuple grec par Alexis Tsipras. Comment le voyez-vous aujourd’hui ?
N. M : J’ai de la pitié pour les gens de Syriza (note – P.J. : coalition des divers et minuscules partis d’extrême gauche grecs). Vous imaginez ces gens qui se présentent comme des bolchéviques mais qui appliquent aux Grecs une politique capitaliste sauvage d’une extrême dureté ?! Ce sont des personnages tragiques selon les critères des tragédies grecques. Si vous connaissez une tragédie grecque, vous savez que la solution du drame arrive à la fin, via le Deus Ex Machina (note – P.J. : convention lancée par Euripide pour ses pièces : à la fin, un Dieu, ou une Déesse, intervient directement dans le drame humain pour le résoudre. Par exemple dans la pièce « Médée », Hélios, Dieu du Soleil, lui envoie son chariot tiré par des dragons afin qu’elle quitte la ville et son mari Jason, après qu’elle eut tué son enfant, afin de la mettre en sécurité à Athènes).
P. J. : Il existe une ville en Grèce nommée Drama. Est-ce là qu’est né Alexis Tsipras ?
N. M : Non, il n’est pas né à Drama (note – P.J. : entre Thessaloniki et la ville bulgare de Zlatograd)… Il aurait pu. Tsiparas est allé à Cuba pleurer Fidel Castro lors de ses funérailles et tout de suite après il a eu un rendez-vous secret en France avec la Banque Rothschild. Donc soit il est fou, soit il est opportuniste… Au final le gouvernement grec a signé un accord avec la Banque Rothschild pour aider la Grèce à retourner sur les marchés financiers !
Propos recueillis par Pierre Jovanovic à Athènes (Juin 2017) | Source
Article paru sur le site VoxNr.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.