Catastrophe aérienne de Smolensk
Par Olivier Bault.
Les exhumations des corps des victimes de la catastrophe aérienne de Smolensk où le président polonais Lech Kaczyński avait trouvé la mort le 10 avril 2010 avec 88 personnalités – dont tout le haut commandement militaire polonais – plus les membres de l’équipage se poursuivent depuis le mois de décembre. En effet, aucune autopsie n’ayant été faite en Pologne en 2010 et les autopsies faites à Moscou s’étant déroulées sans la participation de médecins légistes polonais, le gouvernement actuel du parti conservateur Droit et Justice (PiS), qui s’était engagé alors qu’il était dans l’opposition à reprendre l’enquête, a décidé d’exhumer tous les corps qui n’ont pas été incinérés (voir : Reprise de l’enquête sur la catastrophe aérienne de Smolensk : les exhumations se poursuivent). Des exhumations qui confirment le manque de sérieux des autopsies faites à Moscou, alors que la ministre de la Santé polonaise de l’époque, Ewa Kopacz, devenue ensuite premier ministre quand Donald Tusk a déménagé pour Bruxelles, avait affirmé devant le parlement que chaque fragment de corps avait fait l’objet d’une analyse génétique. Alors que l’on s’est déjà aperçu, avant même que les exhumations soient terminées, que 8 corps n’étaient pas dans les bons cercueils, et que l’on avait trouvé des traces de profanation sur certains corps, y compris des déchets de style gants chirurgicaux laissés à l’intérieur des cadavres, et alors que les familles ont appris à l’occasion de ces exhumations que les Russes n’avaient pas recousu les corps et ne les avaient pas habillés avec les vêtements envoyés pour l’occasion malgré les assurances données, les enquêteurs polonais s’aperçoivent que les fragments de corps ont aussi été chargés n’importe comment dans certains cercueils. C’est ainsi qu’ils ont retrouvé par exemple trois mains dans un cercueil, et, selon les informations révélées le 14 avril par le site wPolityce.pl, un cercueil contiendrait même deux têtes, trois jambes et quatre bassins !
Ces découvertes viennent donc s’inscrire dans une longue suite de révélations et de polémiques qui ont montré que le gouvernement de Donald Tusk avait commis une grave faute en acceptant de confier l’enquête exclusivement à la partie russe sur la base de la Convention de Chicago qui régit l’aviation civile alors qu’il aurait dû exiger qu’on appliquât un accord de 1993 entre Russie et Pologne concernant l’aviation militaire. L’avion Tu-154M du gouvernement polonais affrété pour le voyage de la délégation du président Kaczyński était en effet un avion de l’armée de l’air piloté par des officiers et il devait atterrir à l’aéroport militaire de Smolensk-Nord en Russie. Si, comme cela aurait été logique, cet accord de 1993 avait été invoqué, Polonais et Russes auraient enquêté sur un pied d’égalité.
L’absence d’enquête directe par le gouvernement et le parquet polonais est d’ailleurs à l’origine de la commission d’enquête parlementaire mise en place dès 2010 par le PiS et dirigée dès le début par l’actuel ministre de la Défense Antoni Macierewicz, qui m’expliquait dans un entretien accordé en 2013 les raisons poussant à croire à la possibilité d’un attentat et les méthodes employées par sa commission en l’absence d’accès à ce qui restait de l’épave et aux boîtes noires que Moscou refuse toujours de rendre 7 ans après la catastrophe. Les doutes sur le caractère accidentel de la catastrophe étaient apparus dès le début et avaient été alimentés par les mensonges relayés dans les médias dès les premières heures après la tragédie (p.ex. sur le fait que l’avion polonais auraient tenté 4 fois d’atterrir ou sur la présence du général commandant en chef de l’armée de l’air dans le cockpit, pour forcer soi-disant les pilotes à atterrir sur ordre du président Lech Kaczyński), mais aussi par le fait que les Russes ont très (trop) rapidement embarqué les corps, qu’ils ont coupé l’épave de l’avion en morceaux quelques jours seulement après pour en laisser rouiller les débris pendant plusieurs mois à ciel ouvert, qu’ils ont recouvert la zone d’une épaisse couche de terre, que des journalistes polonais retrouvaient encore des pièces importantes comme des éléments du tableau de bord plusieurs mois après, que la zone avait été laissé ouverte aux visiteurs et que des téléphones portables et cartes de crédits ont été volés sur les cadavres et utilisés par la suite sur le territoire russe, etc. Deux ans après la catastrophe, une enquête parallèle pointait déjà du doigt la possibilité d’un attentat en se fondant sur des éléments très concrets, même si aucune certitude n’était acquise en l’absence d’accès direct aux éléments de preuve (voir : Vous avez dit théorie du complot ? pour une description de ce que l’on savait déjà au mois d’avril 2012).
Le lundi 10 avril 2017, la nouvelle commission d’enquête constituée en mars 2016 par le gouvernement de Beata Szydło sous la direction du ministre de la défense Antoni Macierewicz (voir : Smolensk, 10 avril 2010 : le président polonais Lech Kaczyński est-il mort dans un accident ou dans un attentat ?) rendaient ses conclusions et expliquait sa certitude que le Tupolev transportant les dignitaires polonais s’était disloqué en vol avant l’impact avec le sol et sa quasi-certitude de l’utilisation d’une bombe thermobarique au moment où l’appareil commençait à reprendre de l’altitude malgré une série de pannes soudaines enregistrées par les appareils de bord après que le pilote avait décidé, à environ 90 m d’altitude, d’abandonner la procédure d’atterrissage. Des pannes qui avaient amenés l’appareil à poursuivre sa descente jusqu’à une hauteur de 6 m environ d’après les éléments entre les mains des enquêteurs polonais qui pointent également du doigt le guidage apparemment délibérément erroné des contrôleurs aériens de Smolensk-Nord (voir : Pologne : la catastrophe aérienne de Smolensk qui a coûté la vie à Lech Kaczyński requalifiée en attentat). Le parquet polonais a d’ailleurs modifié récemment le chef d’inculpation visant les trois officiers de la tour de contrôle de Smolensk, puisqu’il les accuse désormais d’avoir agi de manière intentionnelle et non plus seulement d’avoir commis des erreurs involontaires. Mais bien entendu, de même que les Polonais ne parviennent pas à récupérer auprès de la Russie l’épave et les boîtes noires, les procureurs de Varsovie n’ont aucune chance de pouvoir interroger directement les contrôleurs aériens russes pour leur présenter leur mise en inculpation.
Cette affaire continuera pendant encore longtemps de diviser les Polonais et d’empoisonner encore plus les relations russo-polonaises, alors que Donald Tusk et son gouvernement prétendaient justement ne pas vouloir mettre en danger la chance historique d’une réconciliation entre Pologne et Russie en présentant trop d’exigences à Vladimir Poutine et en demandant que l’enquête soit internationalisée.
Article paru sur le site VPost.
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