Mondialisation 2.0 (troisième partie)
par Emmanuel Leroy.
Pour mieux saisir la complexité de la nouvelle donne et pour bien comprendre que cette mondialisation 2.0 n’opposera pas Londres et Washington, il convient d’examiner les positions subtiles d’un vieux cheval de retour qui n’a jamais vraiment quitté la scène, à savoir l’illustrissime et insubmersible Henry Kissinger.
Depuis plusieurs mois, ce dernier multiplie les signaux discrets de rapprochement avec la Russie et on a même entendu récemment sur les ondes de France Culture, son factotum français, le journaliste Alexandre Adler, venir enseigner la nouvelle doxa philo-poutinienne à un Guillaume Erner qui n’en revenait pas.
Et l’on se trouve là, en plein cœur de cet extraordinaire paradoxe, où le changement brutal de stratégie des real-mondialistes, c’est-à-dire ceux qui sont partisans d’un retour à la bonne vieille conception westphalienne des rapports entre nations, impose le remplacement du logiciel de la mondialisation 1.0 à une classe politico-médiatique européenne qui en est resté à un attachement viscéral à ce qu’elle croit être La Mecque du libéralisme, New York, alors qu’elle n’a toujours pas compris que la véritable Mecque, c’est la City.
Elle est la Matrice, la gardienne des dogmes et elle ne fait ici que reprendre la prééminence qu’elle avait déléguée depuis un siècle environ (depuis 1913 pour être précis), à ce qu’elle considère toujours comme son dominion américain.
Tout ça ne nous explique toujours pas pourquoi le Système jouerait la carte Marine Le Pen.
À l’instar de ce qui s’est passé en Angleterre et aux États-Unis, on assiste indubitablement à un réveil des peuples exaspérés par les conséquences, hélas ô combien ! prévisibles de la mondialisation, à savoir la paupérisation des populations occidentales et leur disparition programmée par les invasions migratoires.
Le Système, dans toutes ses composantes, est parfaitement conscient de cette situation qu’il a engendrée mais, pour faire simple, on pourrait dire que les tenants de la mondialisation 1.0 ne voient aucune raison de changer une équipe qui gagne – ils tiennent les rênes du pouvoir médiatique, financier, culturel et politique et n’entendent pas laisser leurs places à d’autres –, alors que les partisans de la mondialisation 2.0 jouent à mon avis un jeu plus subtil où il serait intéressant de laisser un certain nombre de mouvements populistes prendre le pouvoir dans les pays qui sont le plus en pointe dans le rejet de la mondialisation – et la France en fait partie – de manière à leur faire porter le chapeau de la responsabilité de la crise financière inéluctable dont on repousse aujourd’hui l’échéance en créant artificiellement des masses monétaires virtuelles, tant à Francfort qu’à New York ou Tokyo.
- Kissinger et ses mandants real-mondialistes, comme Mme Clinton et ses commanditaires archéo-mondialistes, poursuivent le même but de domination mondiale, ce que leurs cousins britanniques ont baptisé voilà longtemps « Le Grand Jeu ». Le but est toujours le même, parvenir à la gouvernance mondiale, mais les règles du jeu ont changé à l’initiative de M. Kissinger et de ses amis. Fini le Monopoly, on revient au bon vieux Risk, ce jeu de stratégie bien classique et dont la parfaite maîtrise a permis aux Britanniques de dominer le monde jusqu’à la Ire Guerre mondiale.
Dans la partie d’échecs qui se déroule en France, même si les divisions entre real et archéo-mondialistes ne sont pas aisées à discerner ici, on peut observer que les mondialistes 1.0, largement majoritaires dans l’oligarchie française, avaient joué dans un premier temps la carte Alain Juppé. Comme ces gens sont généralement prudents, ils ne mettent jamais tous leurs œufs dans le même panier et ils avaient donc préparé une candidature de secours, normalement plutôt programmée pour l’élection de 2022 avec le bébé Rothschild, à savoir Emmanuel Macron.
Les real-mondialistes, fidèles à leur réorientation vers la conception géopolitique classique de la tradition westphalienne ont sabordé la candidature Juppé (mondialiste 1.0) et poussé leur pion Fillon, mondialiste 2.0 (souverainiste, mais sans plus, relativement philo-russe, mais sans excès, un peu chrétien, mais pas trop, favorable à un peu d’avortement et vice-versa, etc.), bref l’idiot utile parfait à qui on pouvait faire supporter la responsabilité de la future crise financière en déconsidérant tous les aspects positifs qu’il aura été censé incarner, le retour de la tradition, du christianisme, de la souveraineté…
La lutte est âpre et l’envie de garder les bonnes parts du gâteau irrésistible, ce qui explique la sortie brutale des boules puantes sur les turpitudes de M. Fillon et de Pénélope, car au risque de décevoir les adeptes de la bien-pensance, oui, il s’agit bien d’un complot, car à qui fera-t-on croire que ces péchés véniels n’étaient pas connus depuis longtemps par Bercy, où officia un certain Macron.
Les archéo-mondialistes ont donc rendu la monnaie de leur pièce aux mondialistes 2.0 en faisant exploser en plein vol leur champion.
Comme le temps est compté jusqu’au premier tour de la présidentielle, il ne reste plus qu’une option aux partisans du real-mondialisme, c’est de jouer la carte populiste, avec les mêmes attentes qu’ils avaient avec leur joker anti-Système soft, sauf que là, le jeu devient plus risqué : quoique en pensent ses détracteurs, il y a la ligne dure anti-Système de Marine Le Pen et sa volonté sincère de restaurer la souveraineté de la France et donc d’être l’ennemie absolue de tous les mondialistes 1.0 et 2.0 confondus.
Ceux qui vont jouer la carte Marine, et il y a un certain nombre de faits signifiants qui commencent à indiquer que cette dynamique s’est mise en marche, savent très bien que celle-ci n’a aucune chance face à un Macron ou même un Hamon. La seule voie qu’il leur reste est de pousser à fond la candidature Mélenchon pour espérer un deuxième tour où Marine Le Pen puisse l’emporter.
Il ne serait pas surprenant de voir dans ces prochains jours – cela a même commencé – une volée de boules puantes lancées contre Emmanuel Macron. Quant à ce deuxième tour inédit en France, s’il survient, entre un candidat trotskyste et une candidate souverainiste, il faudra juste se souvenir qu’il y a un lien ténu entre les deux et que ce lien s’appelle Patrick Buisson.
Il n’est jamais aisé de faire des pronostics en politique, car tout peut arriver, y compris l’impensable, mais justement l’impensable doit être pensé.
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Philippe Randa,
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