Affaire Polanski : d’un scandale l’autre !
C’est dans les vieilles affaires qu’on fait les meilleurs scandales ! 40 ans après son inculpation pour viol aux États-Unis – et après avoir régulièrement défrayé les chroniques judiciaires, people et politiques – Roman Polanski est à nouveau pris dans une tempête médiatique !
Nous sommes décidément dans une époque de feuilletons à rebondissement, de « saisons », comme on dit. Une affaire réglée en trois coups de cuillères à pot intéresserait-elle autant les médias que celles qui lui permettent plusieurs fois des Unes alléchantes ? On en doute. L’opinion semble se régaler tout autant des coupables que des héros récurrents. Des victimes, également. Les trois pouvant d’ailleurs faire bon ménage. La preuve par Roman Polanski : héros du 7e Art, coupable de galipettes avec mineure… et victime d’acharnement toujours judiciaire, mais désormais également féministe. Un bon scénario pour les médias en tout cas.
Rappelons que le réalisateur est sous le coup d’une demande d’extradition réclamée par les États-unis d’Amérique pour avoir forniqué, alors âgé de 44 ans, avec une demoiselle de 13 printemps venue pour un de ses castings, et… pourquoi pas « plus parce qu’affinités », s’était-il dit : d’où soirée fine très arrosée et galipettes « contre-nature » !
Ayant pris ensuite précipitamment la poudre d’escampette vers des contrées européennes judiciairement plus conciliantes, voilà donc quatre décennies que le célèbre cinéaste fait un pied de nez à la justice américaine.
Pour cela, il fut soutenu par toute la bien-pensance politico-artistique du Vieux Continent. Jusqu’à ce début d’année 2017 !
Bonbons, esquimaux, « fruits verts » : l’époque où Polanski était victime, forcément victime !
En novembre 2009, rappelons qu’il fut arrêté en Suisse et assigné à résidence dans l’attente d’une éventuelle extradition sur mandat américain pour son affaire de « relations sexuelles illégales » avec une mineure, survenues en 1977.
C’était il y a plus de six années et demie, donc… Dès la nouvelle connue de son arrestation à Zurich, ce ne fut que couinements et consternation jusqu’au plus haut sommet de l’État français. Ainsi, Frédéric Mitterrand, alors ministre de la culture dans le gouvernement de François Fillon, s’est-il déclaré « stupéfait » par cette arrestation. « S’étant entretenu avec le président de la République, Nicolas Sarkozy », il n’avait pas manqué d’assurer que celui-ci suivait le dossier « avec la plus grande attention et partage (ait) le souhait […] d’une résolution rapide de la situation. »
Sous-entendu : la libération fissa de l’icône cinématographique. Rien de moins.
Et Roman Polanski d’accéder ainsi dans l’opinion publique au statut « d’otage », tel une Ingrid Bettancourt, une Florence Cassez ou une Clotilde Reiss.
À ceux qui croyaient encore que la pédophilie est un des derniers tabous des sociétés occidentales – avec la remise en question de la version américaine des attentats suicides du 11 septembre 2001 dont il n’est guère conseillé de douter – le démenti fut donc cinglant.
Car Roman Polanski a fui les États-Unis en janvier 1978 au lendemain d’une réunion entre ses avocats et un juge qui comptait le renvoyer sous les verrous après qu’il eut reconnu ses « relations sexuelles » coupables avec mineur !
Cela ne se faisait pas davantage à l’époque que de nos jours, que ce soit là-bas ou en France, voire dans le monde entier, même si certains pays continuent de fermer toujours plus ou moins les yeux sur le « tourisme sexuel », devises oblige. Nombre d’adultes savent ainsi ce que leur coûte leur attirance pour les « fruits verts ».
Seulement, le terme même de « pédophilie » n’était étrangement pas prononcé au sujet de Roman Polanski et la lecture des différents articles de 2011 était des plus explicite de ce point de vue : «… Rattrapé par son passé » (Libération), « Une vieille affaire de mœurs […] L’histoire est vieille de 32 ans et la victime, dit-on, a retiré sa plainte depuis » (Le Figaro), « Les réactions d’indignation ont succédé à la stupeur » (Le Parisien), etc.
La palme du cynisme revenant sans doute à l’avocat du cinéaste, Me Georges Kiejman, qui souligna qu’en France « une affaire de ce type était prescrite au bout de quinze ans. »
Car le plus scandaleux, sans doute, reste en effet que la France ait accordé dans les années 70 l’asile à un délinquant sexuel reconnu, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de l’autre côté de l’Atlantique.
Que ce pédophile soit incontestablement talentueux, que son prestige soit immense et qu’il ait vécu nombre de drames personnels – depuis son enfance dans le ghetto de Cracovie en Pologne jusqu’à l’assassinat de son épouse Sharon Tate, enceinte de huit mois, par Charles Manson et sa secte de tarés – ne lui donne droit qu’à d’évidentes circonstances atténuantes, non à une immunité sexuelle.
Il est clair que si le traitement médiatique passé de cette affaire fut aussi nauséabond que les faits reprochés à l’intéressé, c’était à la justice et à elle seule de décider quelles suites judiciaires y donner.
Prenons en compte, à sa décharge, que Roman Polanski a quand même purgé à l’époque une peine de prison de 47 jours et qu’en 2008, un documentaire réalisé par Maria Zenovich, Roman Polanski : wanted and desired, laissait entendre qu’il fut privé à l’époque des faits d’une procédure judiciaire équitable.
S’il fût une époque où « que vous soyez riche ou pauvre… », les jugements de cour vous rendaient blancs ou noirs, il est certain qu’alors l’adage serait plutôt « que vous soyez en cour médiatique ou inconnu… », les jugements vous rendent intouchables ou indignes.
« Si le monde de la culture ne soutenait pas Roman Polanski, cela voudrait dire qu’il n’y a plus de culture dans ce pays », avait encore ajouté Frédéric Mitterrand…
Quand certains entendaient le mot « culture », ils sortaient leurs revolvers, raconte-t-on… D’autres, alors, sortaient leurs pétitions. C’était moins dangereux, à défaut d’être beaucoup plus pertinent.
Et le cinéaste de « croupir » quelques mois dans le terrible univers de son chalet suisse, dans l’incertitude d’être ou non expédié, un beau matin sinistre – forcément sinistre –, par-dessus l’Atlantique pour répondre de faits vieux de plus de trente ans.
On le sait, les avis étaient déjà partagés sur l’affaire. Les People d’en haut, ministre de la culture en tête, étaient « bouleversifiés » par ses malheurs et Bernard-Henri Lévy ne cessait de vitupérer contre tous ceux qui n’apportaient pas leur soutien, ou du moins pas un soutien total ou suffisamment démonstratif, à la cause de celui qu’il était en passe de considérer comme un nouvel Alfred Dreyfus.
L’Opinion du bon peuple d’en bas était plus partagée : si le satrape s’était appelé Monsieur Michu, il ne s’agirait ni plus ni moins que d’un salopard, point barre.
Seize ans. Le bel âge, dit-on… pour faire carrière ?
Alors qu’il se morfondait dans son chalet suisse, une actrice anglaise, Charlotte Lewis, déclara qu’elle avait été, elle aussi, abusée par le serial sexuel des caméras. Pas la veille, ni l’avant-veille, mais au début des années quatre-vingt, du siècle dernier. Elle n’avait que seize ans. Le bel âge, dit-on. Pas forcément, à l’en croire. Si sa souffrance avait été silencieuse tout ce temps, c’était, déclara son avocate, « qu’il n’est jamais facile de parler (d’une agression), surtout dans une affaire très médiatisée. »
À l’époque, cette affaire-là n’avait guère été médiatisée, reconnaissons-le. À tel point même que personne n’avait trouvé à redire quand la demoiselle revit son tourmenteur trois ans plus tard non seulement pour tourner dans son film Pirates, mais également pour en faire la promotion à ses côtés. Sur les photos, on pouvait constater que la demoiselle n’avait guère le minois traumatisé par les derniers outrages qui lui avaient été infligés, soit « abusée sexuellement de la pire façon possible », selon ses dires.
Sacré rebondissement dans cette « affaire Polanski » devenue davantage politique que de mœurs. On pouvait toutefois se poser la question : tout comme un crime, un rebondissement profite nécessairement à quelqu’un, même si ce n’est pas forcément à l’éclosion finale de la vérité…
Au vu et au su de son attitude après ses relations sexuelles, qui pu croire un instant que la demoiselle ait été forcée de céder à Roman Polanski, si ce n’est, à l’évidence, contre la promesse d’obtenir un rôle toujours tant convoité quand on ambitionne de faire carrière dans le 7e Art ? Charlotte Lewis n’aurait certes été ni la première, ni la dernière à monnayer ainsi ses charmes par ambition…
Le doute ne peut que profiter à l’accusé
On ne pouvait donc légitimement que douter des accusations de l’actrice anglaise. Non pas forcément sur la réalité des faits, mais sur les motivations de telles révélations, ne pouvant que susciter dans l’opinion publique une vague de sympathie pour le satrape. Si toutes les gamines rêvant de faire carrière accéléraient celle-ci en s’offrant sans vergogne au réalisateur, on comprenait mieux qu’il ait cédé à la tentation. Voire, on se disait que si elles l’avaient bien voulu, elles l’avaient bien mérité. Toutes des…, n’est-ce pas ? Et le brave Roman n’est quelque part que la victime de dévergondées.
Trop, c’est trop. Le doute ne pouvait que s’installer et lui profiter. De là à imaginer que Monsieur Polanski ait imaginé pour sa défense un tel scénario avec la complicité de Miss Lewis, il n’y avait qu’un pas que l’on s’était gardé évidemment de franchir. Cela aurait pourtant été une manipulation toute aussi parfaite que les crimes du même nom… Si cela a été le cas, avouons que c’était bien joué. Chapeau l’artiste !
Et donc, il fut libéré par les autorités suisses après avoir finalement refusé son extradition. Il n’aura passé que 10 mois en résidence surveillée.
Aujourd’hui, nouvelle époque, Polanski devient persona non grata!
Mais ça, c’était avant ! semble-t-il… Son choix, en ce début d’année 2017, pour présider la 42e cérémonie des Césars a été immédiatement condamné par Laurence Rossignol, actuelle ministre des Droits des Femmes de la Hollandie agonisante… soutenue par nombre d’associations féministes : après s’être fait plus récemment les dents sur Dominique Strauss-Kahn et Denis Baupin, ces dernières ont incontestablement tout autant le mors aux dents que le vent en poupe !
Et Roman Polanski, habitué aux innombrables soutiens politiques et artistiques, se retrouve fort dépourvu depuis l’annonce de la fatwa ministérielle : c’est peu dire qu’on ne se bouscule guère sur le devant de la scène médiatique pour le réconforter… à l’exception notable d’Alain Delon ; sa fille l’ayant « proposé », via les réseaux sociaux, pour rependre la présidence des César en remplacement, il a immédiatement fait savoir qu’il en était hors de question « en solidarité avec Polanski ». Décidément, samouraï un jour, samouraï toujours !
À tel point que Papy (Polanski a 83 ans !), lui qui fut huit fois récompensé aux César – après avoir présidé le jury du Festival de Cannes en 1991 et celui de Venise en 1996, sans provoquer d’indignations –, vient de renoncer à l’honneur qui lui avait été proposé de présider cette cérémonie.
Qu’on s’en réjouisse ou que la nouvelle indiffère, force est de constater que l’impunité artistique et politique dont il jouissait jusqu’à peu vient de lui être brutalement contestée.
L’habituelle confrérie de la bien-pensance artistico-politique, grande donneuse de leçon de morale devant l’audimat, a perdu son habituelle morgue… peut-être depuis les scabreuses affaires DSK-Sofitel, Hollande-Gayet et Baupin-EELV, qui sait !
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.