Trump à la Maison blanche
Inutile de gloser plus longtemps sur la personnalité de Donald Trump, tant il est un fait avéré que sa flamboyante vulgarité n’en a jamais fait l’homme le mieux placé pour ouvrir une école de maintien. Plus intéressant est le phénomène Trump et le dénouement, pour lui heureux, d’une campagne électorale hors normes.
En effet, il ne s’agissait pas là d’un de ces traditionnels affrontements entre candidats démocrate et républicain, sachant que le 45e président américain ne s’était encarté dans le Grand Old Party que quelques mois avant d’annoncer sa candidature. D’ailleurs, il a fait campagne autant contre les Démocrates que ces mêmes Républicains qui, rappelons-le, le lâchèrent quasiment tous peu à peu. Bref, le candidat du peuple contre celle du système.
Ce dernier n’avait pourtant pas ménagé ses efforts. Mondes de la finance, des médias, du CAC 40 local et de l’industrie du spectacle étaient tous unanime en cette coalition inédite.(1) Paradoxalement, c’est Michael Moore, cinéaste engagé très engagé à gauche qui avait senti le vent tourner alors qu’il tournait un film… anti-Trump.
Trump, devant des cadres de Ford affirmait : « Si vous fermez les usines que vous avez prévu de fermer à Detroit et que vous les construisez au Mexique, je vais mettre un tarif de 35 % sur ces voitures lorsque vous les renverrez ici et personne ne les achètera ! » Et Michael Moore, notre éternel trublion, de constater : « C’était incroyable à voir. Aucun politicien, républicain ou démocrate, n’avait jamais dit quelque chose comme ça à ces dirigeants (…) Les Américains pourraient bien envoyer Donald Trump à la Maison blanche dans un gros “Fuck You” général… »
En ce sens, il ne faisait que réitérer le tour de force de Ronald Reagan qui, bien que classé à la droite des Républicains, avait su rallier les suffrages d’ouvriers votant traditionnellement Démocrate. Cela, Christophe Guilluy, auteur du remarque essai, La France périphérique, l’annonçait dans son dernier ouvrage, le désormais prophétique Le crépuscule de la France d’en haut.
D’où ce constat de l’état actuel de notre société, dressé, lors d’un entretien accordé au Midi libre : « Nous ne sommes pas, bien sûr, en phase de “tiers-mondialisation”, mais la dynamique est enclenchée. D’où la radicalité qui monte. En France, ces catégories invisibles choisissent le FN ; en Angleterre, elles votent pour le Brexit ; aux USA, Donald Trump. Les métropoles sont devenues des citadelles médiévales où une nouvelle bourgeoisie “new look”, née de ce système, a pris le pouvoir. La captation des richesses, des emplois, du pouvoir politique et culturel, s’est réalisée en douceur. Il n’y a pas de complot là-dedans. Cette nouvelle bourgeoisie a simplement tout intérêt à nier le conflit de classe. Elle se présente, ouverte, cool, pas frontale, mais elle achète le patrimoine, tout ce parc de logement privé qui appartenait hier aux classes populaires, pratique l’entre-soi et la ségrégation sociale. »
Pis, il assure : « La rupture entre la France d’en haut et celle d’en bas est définitive. La France d’en haut ne serait pas en danger si elle était encore un modèle. Or, les classes populaires refusent désormais le magistère de la classe politique et culturelle. Le rejet de la classe politique et le niveau de défiance à l’égard des médias, des experts et plus généralement de la “parole d’en haut” a atteint des sommets. Cette rupture est telle que cela n’est plus durable. Comme cette classe populaire a définitivement fait sécession, la solution serait que la France d’en haut aille vers elle. Mais, en France, on est toujours dans l’idée qu’il faut éduquer le peuple, lui montrer le chemin. Que le discours doit venir d’en haut. On se trompe toujours sur le diagnostic. Si les politiques ne bougent pas, on va vers une impasse et une vraie explosion. »
La réponse à la question en avril 2017.
Note
(1) Une exception toutefois, Gene Simmons, bassiste de Kiss, groupe de hard rock carnavalesque.
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