Daech : le jeu trouble des USA
Autrefois, la propagande respectait certaines règles, sachant que KGB et CIA étaient des services plausibles dans leurs genres respectifs. Ces élégances semblent n’être plus de mise.
Ainsi, la toute récente interview de Vladimir Poutine sur TF1 a été l’objet de bien des caviardages. Certes, la totalité de l’entretien (plus de quarante minutes) est un format trop long pour le journal télévisé de 20 heures d’un tel média ; lequel a néanmoins eu la conscience professionnelle de le diffuser en intégralité sur son site internet, mais entretien n’en prenant que plus de sel lorsque largement relayé par le site russe francophone Sputniknews.com.
Le plus intéressant dans cette affaire ? La nature des questions posées, et surtout des réponses données, que la rédaction de ce qui demeure encore la première chaîne de France a choisi de rendre publiques ou non à ses téléspectateurs. Hormis quelques propos anecdotiques sur la personnalité de Donald Trump, le gros de l’affaire concerne évidemment la Syrie et, plus précisément, les bombardements de l’aviation russe sur Alep. Bref, comme la vérité du feuilleton X-Files, l’essentiel était ailleurs.
Par nature, la guerre n’est pas un beau spectacle. Mais les conflits civils sont les pires en la matière, constat poussant le président russe à affirmer : « Nous ne pouvons pas permettre aux terroristes de faire des populations un bouclier humain ». Guerre civile donc, et urbaine qui plus est. Terrain idoine pour permettre aux islamistes du front Al-Nosra, épigone local d’Al-Qaïda, de se fondre au sein de cette même population, victimes civiles le jour et parfois islamistes de combat dès la nuit tombée.
De plus, en une telle concentration d’immeubles et de ruelles, aucune « frappe chirurgicale » n’est techniquement possible. Vladimir Poutine, toujours : « Partout où ont lieu les combats, malheureusement les personnes absolument innocentes meurent et souffrent ». Et de rappeler, à propos de ces dernières : « Concernant l’aspect humanitaire autour d’Alep, est-ce que nous avons oublié comment l’aviation américaine avait frappé un hôpital en Afghanistan en tuant notamment le personnel de Médecins Sans Frontières ? Des centaines de personnes, d’invités à des fêtes de mariage, ont été supprimées en Afghanistan. Et aujourd’hui, qu’est-ce qui s’est passé au Yémen ? Une seule frappe ? Et 170 personnes tuées et 500 blessées lors d’une cérémonie funèbre. » Il est un fait que…
Toujours un autre fait oublié de TF1, cette curieuse gestion de la trêve de septembre dernier à l’occasion de laquelle l’aviation américaine a « frappé l’armée syrienne en faisant 80 morts », « par erreur » il va sans dire. Suite logique des événements, et c’est toujours Vladimir Poutine qui s’exprime : « Au même moment, tout de suite après cette frappe aérienne américaine, Daech est passé à l’offensive. […] En même temps, au niveau le plus bas, au niveau opérationnel, un militaire américain a raconté qu’ils avaient préparé cette frappe pendant plusieurs jours. Comment est-ce qu’ils ont pu frapper par erreur s’ils l’avaient préparée pendant plusieurs jours ? »
Et le meilleur pour la fin, à Alep, face aux propositions de Moscou d’ouvrir un corridor humanitaire afin de permettre l’exfiltration des civils, fallait-il encore retirer les commandos russes et américains d’un côté, l’armée syrienne de l’autre. Et c’est là que Washington fait à Moscou cette « proposition exotique » consistant, selon Vladimir Poutine encore : « Je vais vous étonner, vous et vos spectateurs. On nous propose que nos forces armées, les militaires de l’armée russe se dressent sur cette route pour garantir la sécurité. Nos militaires, gens courageux et résolus, sont venus me dire : “D’accord, nous sommes prêts.” J’ai dit : “Non. Si nous le faisons, nous le faisons avec les Américains, proposez-le-leur !” Nous l’avons proposé. Les Américains ont tout de suite refusé. Ils ne veulent pas se dresser contre les unités de combat de ces groupes d’opposition, de ces groupes terroristes. Que faire ? »
La question est donc posée. Et de la manière la plus claire qui soit.
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Philippe Randa,
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