Sur la mort de Guy Bedos
par Jean-Pierre Hutin
Engagé volontaire dans une unité Parachutiste-Grenadier-Voltigeur ; Campagne 1958 – 1960 ; Fils de Micheline Hutin, déportée-résistante à Ravensbrück et de Pierre Hutin, déporté-Résistant à Büchenwald
Monsieur Guy Bedos vient de mourir. Certaines âmes humanistes proclament haut et fort « la mort efface tout »… C’est en partie vrai, mais pas totalement.
Il y a soixante ans, Monsieur Guy Bedos a emporté sa patrie algérienne à la semelle de ses souliers, lui permettant par un tour de souplesse dorsale d’échapper à son devoir de citoyen, de faire comme les vingt-quatre mille garçons de France qui ont laissé leur vie sur la terre algérienne de Monsieur Guy Bedos.
Sa désertion lui a permis d’avoir jusqu’à l’âge de quatre-vingt-cinq ans une vie agréable, des enfants, des petits enfants, chance que n’ont pas eue les vingt-quatre mille garçons tombés au champ d’honneur… Pour eux, seule la pourriture de la terre, pas la douceur d’une femme aimée, pas de petite tête blonde à chouchouter.
Démago, on fait pleurer Margot, peut-être !
N’empêche que Monsieur Guy Bedos, fils de la terre algérienne a failli, trahi, déserté au prétexte fallacieux d’un « Je n’ai pas fait cette guerre, pour ne pas être obligé de tuer mes frères algériens ». De qui te moquais-tu chiasseux ? Tu savais très bien que la république socialiste de l’époque et les tribunaux militaires pendant la guerre d’Algérie n’ont jamais fusillé le moindre citoyen insoumis. Il y a eu des réfractaires, chafouins ou sincères, des objecteurs de conscience, des fragiles incapables de tenir un fusil.
La République avait aménagé des échappatoires.
À ceux qui justifiaient du niveau universitaire, notre belle institution offrait la possibilité d’effectuer leur devoir militaire en tant qu’instituteur, belle occasion Monsieur Bedos d’éduquer les enfants de tes amis algériens.
Il y avait aussi la possibilité de devenir infirmier… Les deux options s’offraient à toi, Monsieur Bedos !
Il y avait l’AMG (assistance médicale gratuite) pour les musulmans… déjà !
Il y avait aussi la possibilité d’être infirmier d’une compagnie de combat, où s’offraient indifféremment les soins des blessés de tes frères de combats ou de tes frères algériens car contrairement à la propagande islamo-communiste, l’Armée Française observait scrupuleusement la charte de la Convention de Genève, à savoir lors d’un accrochage avec l’armée de libération nationale, combattants en uniforme, après les combats, blessés de l’Armée Française ou combattants de l’ALN, l’infirmier de compagnie soignait indifféremment les deux partis.
Enfin Monsieur Bedos, tu aurais pu demander ton affectation dans le SAS (section administrative spéciale) organisme qui aidait les Algériens dans leur tâche de tous les jours, tu n’as même pas eu ce courage ! Seul le déni de servir a été ta préoccupation, d’autres comme toi ont décidé de ne plus servir leur pays, en particulier les communistes à l’exemple du Lieutenant Maillot, déserteur, il a rejoint les maquis de l’ALN, ce geste renégat avait une vertu, Maillot mettait sa vie, sa peau au bout de ses idées, il mourut au combat en phase avec lui-même, toi Monsieur Bedos, tu étais trop délicat pour ce genre d’exercice. Tu fais partie de cette engeance qui en âge de combattre pendant l’occupation allemande de la IIe guerre mondiale avait les réponses toutes trouvées.
— Alors Guy on rejoint Londres ? On entre dans la Résistance ?
— Vous n’y pensez pas, moi Guy Bedos, tuer des Allemands, ce peuple admirable qui a produit Wagner et Goethe !
Tu as toujours été un délicat avec l’indignation sélective, toi qui embrassais Mitterrand sur la bouche, lui le Garde des sceaux le plus sanglant ayant signé de sa main soixante-douze condamnations à la guillotine, la plupart étant tes frères algériens ! Mais Mitterrand était un puissant, c’est toujours un plaisir pour un courtisan, d’exécuter des tours de souplesse dorsale.
Dieu dans son infinie bonté t’accueillera au Paradis, infinie bonté, mais pas dupe ! Dieu a, dans sa grande sagesse, compartimenté les lieux : « Tu ne seras pas dans le Paradis vulgaire des vingt-quatre mille martyrs morts aux combats en Algérie ».
Non, toi tu auras droit à une section du Paradis réservée à une certaine catégorie d’individus… Tu ne peux pas te tromper, Dieu a fait appel à Nietzsche.
Pour la référence sur le frontispice, tu pourras y lire : « Les voici les petits misérables, ignorants de leur misère, je passe parmi eux et j’en écrase le moins possible, mais le dégoût me ronge le cœur. »
Voilà petit homme, repose en paix, tu es chez toi !
Jean-Pierre Hutin est l’auteur de deux livres aux éditions Dualpha :
Les Enfants de Sidi Ferruch (Chronique de la dernière guerre de l’armée française), 206 pages, 25 euros ; pour commander le livre, cliquez ici.
Bigeard Boys (sous la casquette, la démesure) : pour commander le livre, cliquez ici.
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