Quand « Capital » dézingue la construction européenne…
Ce qu’il y a de bien avec Capital, mensuel édité par le groupe Prisma, et non le livre de Karl Marx, c’est qu’il y a tout plein de chiffres, lesquels, une fois correctement interprétés, permettent de se remettre un peu les idées à l’endroit. Certes, le journal en question est clairement européiste ; mais européiste à la manière capitalistique, , loin de toute velléité politique. Et pourtant, c’est là que le bât blesse, même en termes libéraux…
Nonobstant, est-il bon de se rappeler que cette Europe, fut-elle construite de guingois, demeure la première puissance économique au monde, avec 24 %. 24 % à mettre en regard avec les USA (22 %), la Chine (12 %), les autres pays du G20 (20 %) et le reste du mode (15 %). Pour déshérités que nous puissions devenir, nous ne sommes pas non plus les plus mal lotis, nous rappelle opportunément Capital.
Pourtant, et ce toujours chiffres à l’appui, le verdict est déjà plus sévère ensuite : « L’Europe ne fait pas le poids face aux géants de ce monde. »
Explications ? « Fuck the European Union ! », a lancé, en un langage que Donald Trump n’aurait sûrement pas renié, l’Américaine Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe chargée de l’Europe, à propos de la gestion bruxelloise de la crise ukrainienne.
Et ce mensuel de préciser : « Les Américains ont peu de considération pour leurs cousins européens et ils ne se gênent pas pour leur imposer leurs règles. L’une de leurs techniques favorites consiste à condamner nos entreprises à de lourdes amendes si elles ne respectent pas leurs lois et à menacer de leur interdire l’accès à leur marché si elles refusent de payer. »
En bon français, voilà qui s’appelle du racket.
Quelques exemples ? « Pour avoir réalisé des opérations en dollars destinées à contourner des embargos envers Cuba, l’Iran et le Soudan, BNP Paribas a dû se fendre de 9,6 milliards d’euros d’amende ? C’était ça ou perdre sa licence d’activité aux États-Unis. » Toujours en bon français, voilà qui s’appelle du chantage et de l’extorsion de fonds.
Autre information des plus instructives de ce périodique pourtant éminemment libéral : « Sûr de sa puissance, l’Oncle Sam protège, de son côté et sans aucun état d’âme, ses entreprises. Depuis 1933, le Buy American Act oblige les acteurs publics à choisir des sociétés locales lorsqu’ils passent des marchés. “Nous réclamons la même chose en vain depuis des années”, s’époumone le député européen PE Franck Prouvost. »
Côté chinois, ce n’est guère plus flambard. Capital, toujours : « D’entrée de jeu, le combat est inégal. D’un côté, un géant économique de 1,3 milliards d’habitants, contrôlé d’une main de fer par un État monolithique, qui se fiche pas mal des principes et subventionne ses entreprise à tire-larigot. De l’autre, une Europe souffreteuse de 500 millions d’habitants, minée par ses divisions internes, percluses de principes, et qui refuse de lâcher la moindre subvention à ses sociétés, au motif que cela nuirait à la concurrence. Pas étonnant que Pékin parte avec une longueur d’avance dans toutes les négociations. Et que Bruxelles ait tendance à se coucher sur pratiquement tous les dossiers. »
Pour finir, les journalistes de Capital assènent le coup de grâce quant à l’impuissance chronique et structurelle de nos instances européennes, plus promptes à légiférer, dans le désordre sur « l’escargot de Quimper », les « pommeaux de douche », « l’huile d’olive », les « pruneaux », les « tables de restaurant » et les « tremblements de terre ».
Les technocrates européens voudraient nous dégoûter à jamais de l’Europe qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.