Lettre d’Amérique
Je viens d’achever mon 12e voyage aux États-Unis d’Amérique, ce pays-continent d’où nous vient le pire comme le meilleur, toujours avec quelques années de décalage.
Les temps ont changé
Depuis 1989, le mur de Berlin est tombé et, un à un, les pays captifs de l’Europe de l’Est ont recouvré la liberté. Aujourd’hui l’OTAN, l’outil militaire de l’Alliance Atlantique, apparaît bien plus comme une camisole de force que comme une assurance vie. La menace soviétique n’existe plus et la Russie, sous la houlette de Vladimir Poutine, aspire à redevenir la Russie de toujours, une grande puissance continentale avec laquelle, naturellement, nous devrions commercer et coopérer au lieu de la considérer comme une pestiférée, et lui appliquer un embargo contraire à nos intérêts bien compris.
Il est d’ailleurs étonnant, à ce sujet, de constater que certains talentueux journalistes ont les yeux de Chimène pour Washington, et que leur tropisme pro américain obscurcit leur jugement. Car enfin, la donne a changé, et les Américains sous la conduite de Donald Trump, redeviennent des Américains, c’est-à-dire une puissance consciente de sa force, leader autoproclamé et imposé du « monde libre », en un mot, une nation « impériale », voire impérialiste.
On peut aimer le cinéma américain, parcourir avec jubilation l’immensité du pays, s’intéresser à l’originalité de ses institutions, sans pour autant adouber sa politique étrangère, essentiellement égoïste. Mais là, quoi d’étonnant, quoi de plus naturel ? Trump fait ce qu’il a dit et il défend les intérêts de son pays – « America first » –, ce dont devraient s’inspirer nos propres dirigeants et tous les eurocrates de la galaxie Bruxelloise.
Des constantes et des variables
Des constantes dans l’attitude des Américains à l’égard du touriste étranger ? Oui, leur gentillesse et leur promptitude désintéressée, en général, à aider et à renseigner le visiteur, à s’efforcer même de balbutier parfois quelques mots de français.
Une mainmise japonaise confirmée sur le parc automobile et la domination des SUV et autres 4×4. Et puis, tout y est toujours plus grand, tout est toujours excessif, voire extravagant.
Le football américain comme le base-ball, me sont toujours aussi hermétiques et ces sports continuent de déchaîner, dans les gradins des stades, des grandes comme des petites villes, l’enthousiasme des locaux, à grand renfort de démonstrations de « pom-pom girls ».
Les chaînes de télévision sont toujours aussi nombreuses et les coupures de pub obsédantes. Le lent changement de population, comme chez nous, se poursuit et les villes, les grosses métropoles en tout cas, sont de plus en plus cosmopolites. San-Francisco, par exemple, a un tiers de ses habitants d’origine asiatique, et New-York comme Los Angeles sont des « villes monde ».
À la moitié du siècle, les Blancs ne seront plus que 49 % de la population, une population vieillissante. On comprend, dans ces conditions, les velléités de Trump à vouloir réguler sinon stopper, l’immigration. Un mur, comme le démontre celui réalisé en Hongrie, n’est pas une chimère quant à son efficacité. Qu’attend le congrès pour voter son financement ?
Ce pays qui fut un creuset de peuples européens, le célèbre melting-pot, est aujourd’hui très largement multiracial, et les communautés ne se retrouvent que sur les plus petits dénominateurs communs, le drapeau étoilé et le passeport bleu. Les variables s’observent dans la rue. La tendance à l’obésité, cette fois, semble irréversible, frappant surtout la communauté noire, mais pas que !, les « belles du Sud » de jadis ont parfois tendance à avoir un bassin aussi large que celui du Mississippi !
L’économie repart à la hausse et le taux de chômage est de 3,8 %, hausse également du salaire horaire moyen à 26,92 dollars, baisse des impôts sur les sociétés, un « cadeau » du milliardaire américain qui a permis à celles-ci d’augmenter leurs salariés…
Contrairement aux tracasseries françaises, c’est simple comme « bonjour » pour créer son entreprise.
Mais si les clignotants économiques sont au beau fixe, il ne faudrait pas pour autant oublier qu’il existe une Amérique pauvre qui habite dans des caravanes, des mobile homes, et qui ne se soigne pas, faute de mutuelle.
À San-Francisco encore, les homeless pullulent dans les rues comme les détraqués mentaux d’ailleurs, phénomène qui s’explique par l’insuffisance ou l’absence d’investissements sociaux. Le pays n’est pas homogène, ni culturellement, ni géographiquement bien sûr, encore moins ethniquement parlant.
Nos intérêts divergent
C’est un pays fascinant auquel nous devons beaucoup, certes. Mais l’inverse est aussi vrai : sans la politique d’aide de Louis XVI aux insurgents – et Louisville dans le Kentucky, par exemple, rend hommage à notre souverain par une belle statue –, les treize colonies anglaises initiales auraient pu avoir un autre destin.
Il ne faudrait pas oublier que les USA d’aujourd’hui ont des intérêts qui divergent des nôtres : sur l’Iran – et là l’Europe aurait une occasion unique de démontrer son utilité –, sur nos relations avec la Russie, sur la défense, etc.
Les États-Unis veulent appliquer un protectionnisme économique, droit qu’ils refusent de reconnaître aux autres. Céder à leur pression, c’est se tirer une balle dans le pied ! Ne raisonnons plus comme si les Russes étaient toujours de méchants bolcheviques, les Iraniens chiites des « vilains » infréquentables, et les Saoudiens sunnites de « gentils » businessmen.
Cessons d’être tétanisés par les menaces washingtoniennes, entamons le bras de fer avec Trump, cet homme-là ne connaît que les rapports de force. Il a été élu par l’immense majorité des « petits Blancs » contre l’establishment : c’est peut-être sympathique, mais cela ne doit pas nous dissuader, nous Français et Européens, de privilégier NOS intérêts.
Quand on voit que la BNP a dû payer une colossale amende pour pouvoir continuer ses activités dans les cinquante États, que Peugeot semble reculer sur le marché iranien, et que la vente des Airbus à ce pays est menacée, nous ne sommes pas rassurés !
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