ĂlĂ©ments : le magazine des idĂ©es pour l’Europe
Depuis lâaffaire du Barbe-Bleue de Hollywood, avec le dĂ©licat hashtag « Balance ton porc ! », on assiste au grand retour des prĂ©cieuses ridicules et des dames quakeresses, des Trissotines et des Torquemadettes, des mĂšres Fouettard.e.s qui traquent les « dĂ©rapages » et les comportements « inappropriĂ©s ».
La police de la pensĂ©e est dĂ©passĂ©e, on en est Ă la police des arriĂšre-pensĂ©es. Le soupçon vaut accusation, lâaccusation vaut condamnation.
On ne distingue plus la vĂ©ritable agression sexuelle de la blague de mauvais goĂ»t ou de la drague lourdingue. MontĂ©e de la subjectivitĂ© (le « ressenti ») : si le harcĂšlement commence quand on se sent harcelĂ©, nâimporte quoi peut devenir du harcĂšlement. Le viol et le chantage sexuel se retrouvent ainsi banalisĂ©s.
Multiplier les amendes morales, purger la sociĂ©tĂ© des impuretĂ©s du dĂ©sir, instaurer la « transparence » de la vie intime : la censure au nom de la morale, cela nâa rien de bien nouveau. On sait depuis Robespierre que la Terreur est une « Ă©manation de la vertu ». Cinquante ans aprĂšs Mai 68, il nâest plus question de « jouir sans entraves », mais au contraire dâentraver le dĂ©sir, de rendre les relations entre les hommes et les femmes insupportables, de dĂ©goĂ»ter chaque sexe de lâautre.
Mais il sâagit aussi dâabolir la nature humaine. Lâhomme est carnivore, donc prĂ©dateur, donc carnassier, donc agresseur, donc violeur en puissance. LâidĂ©al serait quâil devienne herbivore. On assiste Ă la condamnation des hommes, non seulement parce quâils sont des hommes, mais parce quâils sâobstinent, en manifestant leur attirance pour lâautre sexe, Ă tĂ©moigner du fait que lâespĂšce humaine est sexuĂ©e et quâil y a en elle du masculin et du fĂ©minin. Ce sont ces notions de masculin et de fĂ©minin quâil faut dĂ©construire, dissoudre, liquĂ©fier au nom de lâhybridation qui aboutira, simultanĂ©ment, au mĂ©tissage universel et Ă lâandrogynat gĂ©nĂ©ralisĂ©.
Le seul moyen pour les hommes de ne pas ĂȘtre dĂ©noncĂ©s comme des « porcs » serait donc dâaccepter la suppression de la diffĂ©rence sexuelle, tout comme le seul moyen dâĂ©chapper au racisme serait dâaccepter la suppression des diffĂ©rences ethniques. Lâhomme de demain ne sera dâaucun peuple ni dâaucun sexe.
Cette tendance Ă la neutralisation, qui va de pair avec lâallergie Ă la diversitĂ©, on la retrouve dĂ©sormais partout : il sâagit de gommer les diffĂ©rences, de lisser les aspĂ©ritĂ©s, dâinstaurer partout la grisaille uniforme, de rendre les ĂȘtres et les choses interchangeables.
Il y a au fond trois fĂ©minismes : celui qui dĂ©fend les femmes et rappelle que les valeurs fĂ©minines ne sont pas moins respectables que les valeurs masculines â câest le seul qui soit Ă la fois lĂ©gitime et nĂ©cessaire â, celui qui veut mettre les hommes plus bas que terre parce que la Terre doit ĂȘtre « dĂ©livrĂ©e du mĂąle », et celui qui dĂ©crĂšte que tout compte fait il nây a ni hommes ni femmes : le sexe nâest rien, le « genre » est tout. Le mĂ©lange des trois aboutit Ă des contradictions. De mĂȘme quâil est difficile de dĂ©fendre Ă la fois la paritĂ© et la « non-mixitĂ© », il est assez contradictoire de dire que les hommes sont des « porcs », que les femmes sont des « hommes comme les autres » et que le masculin nâest quâune illusion.
Le 9 dĂ©cembre 2017, autour de lâĂ©glise de la Madeleine, un million de Français en larmes assistaient aux funĂ©railles dâun chanteur populaire qui se faisait appeler Johnny. Un mĂąle blanc hĂ©tĂ©rosexuel de plus de cinquante ans qui chantait : « Allumez le feu ! » Reste Ă trouver les allumettes.
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